Que restera-t-il de la télévision publique ?

La mise à pied massive fait partie de la modernisation

Le 15 février dernier, le gouvernement Charest annonçait son intention de monnayer un départ à la retraite anticipé pour le tiers des artisans de Télé-Québec, soit une centaine d’employés, et de sabrer dans les infrastructures de production montréalaises de notre seule télévision publique nationale. Seules rescapées, les neuf succursales régionales de la Société d’État maintiendront leur production à l’interne, mais d’aucuns craignent que ces dernières ne deviennent en fait que des bureaux satellites à la merci des producteur privés des grands centres.

Line Beauchamp, la ministre de la Culture, est ainsi passée à l’acte dans sa mission ouverte de « modernisation » de la société publique, depuis la mise sur pied du groupe de travail Bédard chargé d’étudier le mandat et la raison d’être de Télé-Québec.

Sylvio Morin, porte-parole de la Coalition pour la radiotélévision publique francophone joint par l’aut’journal suite à l’annonce de la ministre, déclarait : « On est une télé qui ne sera plus capable de faire de la télé. Les fonds publics serviront une fois de plus à financer le secteur privé ». Cette coalition a été mise sur pied en décembre 2005 à l’initiative de tous les syndicats des employés de Radio-Canada et de Télé-Québec, pour s’opposer à ces manœuvres non voilées de privatisation de l’information et des contenus télévisuels appartenant aux Québécois.

Dès le départ, la composition même du groupe de travail constitué par le gouvernement donnait à sourciller. En effet, la plupart des individus qui ont participé à l’élaboration du rapport Bédard viennent du secteur privé. Il est facile d’imaginer que cette cure d’amaigrissement de la société d’État était déjà dans la mire du gouvernement libéral du Québec lorsque, en mars 2004, Yves Séguin annonçait, dans ce qui serait son dernier budget, une coupure de 5 millions de dollars de la subvention accordée à Télé- Québec.

Les émissions diffusées sur notre chaîne publique seront donc à présent produites à 100 % par une poignée de producteurs privés, soutenus dans leur « production au moindre coût possible » par nos fonds publics. Le porte-parole en matière de culture et de communications du Parti Québécois, Daniel Turp, soulignait aux journalistes dans la foulée de l’annonce que « ce n’est pas de la modernisation, c’est de la privatisation ».

Nous assisterons donc, quasi-impuissants et malgré une grande mobilisation des milieux québécois touchés par cette crise, à l’augmentation du temps consacré à la publicité et à la dégradation, voire l’éventuelle disparition, des émissions d’information à Télé-Québec, qui sont plus coûteuses à produire. Sylvio Morin ne cache pas son inquiétude: « On se demande ce qu’il restera de public dans la télévision publique au Québec ».

De son côté, Annick Charrette, présidente du Syndicat général des employés de Télé-Québec, déclarait : « On va devenir moins équipés qu’en région. On devra payer pour faire produire nos émissions, ça coûtera le même prix ». Une nouvelle ré-ingénierie de l’État de mauvais goût, rehaussée à la sauce PPP, qui s’ajoute à la liste de plus en plus longue du gouvernement Charest en matière de partenariats publics-privés..

Quoiqu’il en soit, la Coalition pour la radiotélévision publique francophone n’entend pas se croiser les bras et continuera à s’engager à la défense des intérêts de la radio et télévision publique de langue française. Sylvio Morin précise : « Plusieurs interventions politiques et publiques sont à venir. Le renouvellement de la licence de Radio-Canada par le CRTC à l’automne en fait partie ».

Il enjoint toutes les organisations et individus intéressés à venir gonfler les rangs de la Coalition via son site Internet : http://www.telepublique.org. Il invite également les gens du public à faire parvenir leurs commentaires sur ce site Internet, ou au Syndicat général des employés de Télé-Québec à l’adresse : sgetq@total.net . Car il s’agit de notre argent qui s’envole ainsi vers les poches des producteurs privés, et l’un des plus grands pouvoirs que le public détient dans ce dossier est de s’exprimer et de revendiquer son droit à l’information et aux produits radio et télévisuels de qualité, produits au Québec, et qui leur ressemblent.