Toutes les rigoles et les ruisseaux mènent au fleuve

Il faut laver l’eau, laver l’eau, laver l’eau du Saint-Laurent

En 1957, René Tournier écrivait la chanson « Mon Saint-Laurent, si grand, si grand » pour la grande interprète Lucille Dumont. On peut y lire « Bonjour les ponts géants. Bonjour plages où fourmillent des baigneurs bruns ou blancs avides de beau temps… »;

En 1992, Robert Charlebois écrivait la chanson « Saint-Laurent » et y chantait « …J’habite un estuaire souffrant. Un vieux géant à court d’arguments. Il faut vacciner même les marsouins…il faut laver l’eau, laver l’eau, laver l’eau… »;

À 35 ans d’écart entre les deux chansons, un constat brutal : le fleuve est malade;

Le fleuve, c’est la pêche sportive, c’est la pêche commerciale en eau douce et en eau salée.

Le fleuve, c’est l’eau potable. Soixante pour cent des Québécois s’y abreuvent.

Le fleuve, c’est la disparition lente mais constante de l’oxygène du fond de l’estuaire, détruisant ainsi le premier niveau de la chaîne alimentaire.

Le fleuve, c’est l’ensemble des eaux usées non désinfectées et rejetées par les usines d’assainissement des municipalités.

Le fleuve, c’est le cabotage par petits bateaux et par grands navires dans la voie maritime, dont les gestionnaires ne cessent de repousser les requêtes de dragage des propriétaires d’immenses bateaux qui verraient d’un bon oeil ne pas devoir laisser leur cargaison à Montréal et pouvoir poursuivre jusqu’à Détroit ou Buffalo, situés sur les Grands-Lacs. C’est aussi la destruction des rives du lac Saint-Pierre à cause du trafic maritime.

Le fleuve, c’est la grande entreprise qui refuse de cesser de rejeter au fleuve ses égouts toxiques et qui refuse de dépolluer sans être subventionnée par l’État. Comme celles de l’Est de Montréal qui, après une vingtaine d’années de concertation et d’études, refusent maintenant la facture liée à la réparation des dégâts qu’elles ont causé au lit du fleuve. C’est aussi la Fédération canadienne de la petite entreprise qui refuse de participer à des programmes fédéraux de dépollution, fussent-ils à participation volontaire.

Le fleuve, c’est la pollution agricole qui arrive par les rivières dont l’eau charrie des sédiments d’engrais chimiques.

Le fleuve, c’est l’ensemble des produits toxiques (chimie de synthèse) rejetés dans son lit sans que l’on connaisse les interactions des uns par rapport aux autres. Il est question ici de plus de 800 produits pour lesquels nous ne possédons pas d’antidotes.

Le fleuve, c’est la beauté du paysage qui inspire tant de poètes et artistes de toutes les disciplines. C’est le coeur du Québec ignoré par une grande partie de la population qui n’ose s’en approcher. Avec toutes ces rivières polluées qui se jettent dans le fleuve, ce dernier risque de devenir la poubelle du Québec. Vous qui demeurez sur les bords d’un ruisseau, sachez qu’il se rendra bien au fleuve un jour. Nous sommes donc tous interpellés.

Il faut reprendre le pouvoir sur l’avenir du fleuve, redonner l’accès à tous, le dépolluer et l’aménager pour s’y baigner.

Le diagnostic est posé par les chercheurs qui nous aident à évaluer l’état du malade. Résumons la situation en disant que l’eau douce et l’eau salée du fleuve souffrent principalement des rejets des usines d’assainissement des eaux, des rejets agricoles et industriels. Nous connaissons donc la pollution et les pollueurs, il faut maintenant convaincre les politiciens et politiciennes qu’il est temps d’agir si nous voulons qu’un jour nous puissions nous baigner en toute sécurité dans notre Saint-Laurent.

La sensibilisation est un outil fort puissant pour faire changer les choses, mais c’est ensemble, citoyens, chercheurs scientifiques, médecins et navigateurs que nous y parviendrons.

Le fleuve est malade, et la Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau vous offre l’occasion de contribuer à sa guérison. Une des façons possibles est de devenir membre d’Eau Secours! qui lance sa campagne annuelle de recrutement le 22 mars 2006, « Journée internationale de l’eau ».