L’égalité des chances pour tous demeure la priorité

L’ampleur du débat sur les subventions au privé était prévisible

L’éducation sera la priorité absolue d’un Québec indépendant et non pas le remboursement de la dette. Gérer l’État, c’est une nécessité, ce n’est pas un projet de société. Investir pour la réussite en éducation, c’est notre projet de société », a déclaré André Boisclair au terme du dernier Conseil national du Parti Québécois.

Cette déclaration – et les propositions adoptées au Conseil national – ne pouvaient que réjouir le SPQ Libre qui a vertement critiqué, lors de la course à la chefferie et dans des déclarations subséquentes, toute l’hystérie développée autour du thème du remboursement de la dette qui tenait quasiment lieu chez certains de « projet de société ».

Le SPQ Libre applaudit également les propos de André Boisclair, devant la Conférence nationale des jeunes lors de l’ouverture du Conseil national, sur l’objectif de réduction de la dépendance du Québec aux produits pétroliers et gaziers.

En précisant que ce sera un des thèmes majeurs de la prochaine campagne électorale, le chef du Parti Québécois a posé l’enjeu de la façon suivante : « Pourquoi ne serions-nous pas au Québec les premiers à faire le plus de progrès vers la décarbonisation de la société ? Nous qui avons inventé le moteur-roue, qui maîtrisons correctement la technologie électrique, qui voulons investir dans le transport en commun, pourquoi ne serions-nous pas les premiers en Amérique du nord à réduire de façon significative notre dépendance à l’endroit des énergies fossiles ? »

Rappelons que cette proposition a été un des thèmes majeurs de la campagne du SPQ Libre lors de la course à la chefferie.

Dans le cadre de la préparation à ce Conseil national sur l’éducation, les médias se sont emparés de la réduction du financement public des écoles privées et en ont fait un enjeu majeur. Cette question est un des grands tabous de notre société et sa seule évocation provoque une levée de boucliers des représentants de notre élite politique, économique et médiatique.

Rapidement, la proposition a été accolée au SPQ Libre par les éditorialistes et chroniqueurs de La Presse. Le SPQ Libre ne s’est pas évidemment pas défilé et a répliqué aux propos de Lysiane Gagnon, André Pratte et Alain Dubuc avec un texte, publié dans La Presse du 8 juin.

Finalement, le Conseil national a rejeté la première partie d’une proposition de la région Montréal-Centre qui reprenait le libellé du texte adopté au congrès de juin 2005 et qui demandait « de réduire de façon importante les subventions aux écoles privées », mais a adopté la deuxième partie qui affirmait que « la politique de financement devait encourager le caractère d’inclusion de nos établissements scolaires selon une approche qui révise les critères de financement des écoles en privilégiant un financement accru aux écoles non sélectives et des moyens supérieurs aux écoles publiques qui œuvrent en milieux défavorisés ou qui ont une population scolaire lourdement désavantagée qui exigerait qu’ils assument leur part d’effort dans un système d’éducation qui favorise l’intégration des enfants et des jeunes de tous horizons et de ceux présentant des difficultés linguistiques, d’apprentissage et d’autres problèmes particuliers. »

Cette proposition va dans le sens de la résolution du congrès de diminuer les subventions aux écoles privées, mais l’aborde sous un angle différent, sous un angle inclusif.

Mais, au-delà du libellé des différentes propositions, que penser du débat soulevé dans les médias et au Conseil national ?

Chose certaine, le financement public des écoles privées est une question qu’on tend à balayer sous le tapis tant elle soulève les passions. Cependant, elle est d’une très grande importance pour les filles et les fils des milieux ouvrier et populaire. Rappelons quelques faits saillants de l’argumentation développée par le SPQ Libre.

Au cours de la période de six ans, débutant en 1997-1998 pour se terminer en 2003-2004, l’effectif du réseau privé a augmenté de 10 % alors que celui du public diminuait de 6,4 %. Au secondaire, c’est maintenant 20 % des élèves qui fréquentent l’école privée, et ce pourcentage s’élève à plus de 30 % à Montréal. Avec moins du quart de la population canadienne, le Québec compte plus du tiers des élèves fréquentant une institution privée. Une situation unique en Amérique du Nord.

Les résultats de cet écrémage sont désastreux sur la réussite scolaire. Après avoir atteint un sommet avec 73,7 % en 1995-1996, le taux d’obtention d’un diplôme au secondaire a dégringolé pour atteindre 65,8 % en 2002-2003. À Montréal, la situation est encore plus catastrophique.

Le chercheur Jocelyn Berthelot de la CSQ a démontré que la tranche de revenus annuels de 110 000 $ et plus est deux fois mieux représentée (32 %) dans la clientèle de l’école privée que son poids relatif dans la population en général (15 %). Il n’y a que 28 % des élèves du privé dont le revenu parental annuel est inférieur à 60 000 $ alors que 60 % de la population se situe dans cette tranche de revenus.

Comment peut-on dans ces conditions parler d’égalité des chances ? Que veut dire la gratuité scolaire à l’université si la sélection par la richesse a lieu en amont, au secondaire et au collégial ? Est-il acceptable que les travailleuses et les travailleurs financent à même leurs taxes et leurs impôts 65 % du coût des élèves des écoles privées, d’où leurs enfants sont exclus ? Des élèves qui auront par la suite plusieurs longueurs d’avance sur les enfants des milieux moins bien nantis.

Les médias ont expliqué le rejet de la proposition du dernier congrès par le Conseil national en invoquant des considérations électoralistes. Bien entendu, cela était dans l’air. Mais comment expliquer que les délégués au Conseil national aient adopté une position qui favorise une minorité d’électeurs ? Car, tout compte fait, à peine 10 % des électeurs ont des enfants au privé et la majorité d’entre eux à Montréal où les gains électoraux possibles par le PQ sont minimes.

Alors, pourquoi cette prise de position ? Parce que l’école privée serait populaire auprès de la population, ou du moins parce qu’on la croit telle.

Si tel est le cas, c’est parce que les médias informent mal la population, évitent de dire que l’école privée est financée à 65 % à même des fonds publics et occultent ses effets dévastateurs sur l’ensemble de notre système d’éducation.

Nous étions fort conscients de cette situation au SPQ Libre. L’ampleur du débat au Conseil national ne nous a donc pas étonné. Mais nous croyions important de profiter de ce forum pour en débattre publiquement.

Que faire maintenant ? Élargir le débat aux organisations syndicales et populaires, le faire pénétrer dans toutes les couches de la société, et revenir plus tard à la charge pour faire respecter la décision du congrès et celle du Conseil national. Car, après tout, quoi de plus normal que le Parti Québécois renoue avec les conclusions de la Commission des États généraux, qui n’étaient, après tout, que celles du rapport Parent, et qui sont essentielles pour la réalisation de ce qui a été défini comme notre priorité absolue: l’égalité des chances pour la réussite du plus grand nombre.

Marc Laviolette, président. Pierre Dubuc, secrétaire. SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre)