Le Québec n’a jamais accepté de marcher au pas

Une lutte fratricide entre souverainistes sert les va-t’en-guerre

La victoire du chef du Parti Québécois André Boisclair dans la circonscription de Pointe-aux-Trembles (PAT) et celle de Marie Malavoy dans Taillon démontrent la possibilité de rompre avec la tradition des deux mandats quasi-automatiques accordés à un gouvernement et de renvoyer les libéraux dans l’opposition dès la prochaine élection.

Malgré le feu roulant d’annonces de politiques à forte teneur électorale depuis la fin de la session et la présence soutenue d’une batterie de ministres dans la circonscription de Taillon au cours de la campagne électorale, le premier ministre Charest s’est fait confirmer par l’électorat le haut niveau d’impopularité de son gouvernement.

Une victoire du Parti Québécois lors du prochain scrutin général suivi, tel que stipulé dans son programme, d’un référendum sur la souveraineté du Québec est une perspective bien réelle qui interpelle tous les militants indépendantistes.

Cependant, bien que possible, la victoire n’est pas acquise et, à cet égard, les résultats des partielles sont riches d’enseignement. Plusieurs avaient cru l’ADQ morte et enterrée au lendemain de la partielle dans Sainte-Marie/St-Jacques avec son famélique 1,94 % du vote et interprétaient les 22 % des suffrages recueillis par Québec solidaire comme le signe que le nouveau parti grugerait inexorablement l’électorat de gauche du Parti Québécois poussant la base électorale de ce dernier vers la droite.

Mais les résultats de Québec solidaire dans PAT (8 %) et Taillon (7 %) remettent les pendules à l’heure et confirment que les résultats dans Sainte-Marie/Saint-Jacques étaient atypiques. Plus encore, les 13 % de votes récoltés par l’ADQ dans Taillon – l’ADQ ne présentait pas de candidat dans PAT – démontrent que, contrairement aux espoirs exprimés par certains lors de la course à la chefferie du Parti Québécois, l’arrivée d’André Boisclair n’affecte pas la popularité de la formation de Mario Dumont.

Depuis sa création, le SPQ Libre soutient que la défaite du Parti Québécois lors des élections générales de 2003 est attribuable non pas à l’ADQ mais au plus grand des tiers-partis, le Parti des Abstentionnistes. Plus de 30% des électeurs s’abstenaient alors de voter, le taux le plus élevé depuis 1927.

Alors que les libéraux conservaient sensiblement le même nombre d’électeurs qu’en 1998 (en fait, ils perdirent 17 500 voix), plus de 475 000 électeurs qui avaient accordé leur confiance au Parti Québécois à l’élection précédente décidaient de faire l’élection buissonnière pour exprimer leur mécontentement à l’égard des politiques néolibérales du PQ et de sa tiédeur sur la question de la souveraineté. C’est cet électorat que le Parti Québécois doit reconquérir.

Les partielles de PAT et de Taillon illustrent une nouvelle fois la fidélité de l’immense majorité de l’électorat social-démocrate au Parti Québécois. Cependant, dans le contexte d’une élection chaudement disputée, les votes récoltés par Québec solidaire et les Verts pourraient faire la différence dans plusieurs circonscriptions. Rappelons que les 5,6 % des suffrages enregistrés par le RIN en 1966 avaient suffi pour provoquer la défaite du Parti libéral de Jean Lesage.

D’autres exemples historiques plus récents incitent à la réflexion. En 2000, les 2,74 % récoltés par le candidat indépendant Ralph Nader permettaient la victoire de George W. Bush sur Al Gore. En 2002, la division du vote de la gauche en France l’excluait du deuxième tour et permettait à Jean-Marie Le Pen de disputer la présidence à Jacques Chirac. Aujourd’hui, les quelque 3 % des suffrages recueillis par l’extrême-gauche mexicaine privent le candidat de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador, de la victoire.

Dans son livre Le scrutin proportionnel, Paul Cliche parle de « la loi d’airain » de notre mode de scrutin qui marginalise inexorablement les tiers-partis. Québec solidaire et le Parti Vert subiront inévitablement les effets de cette loi implacable en l’absence d’un scrutin proportionnel.

C’est en tirant les leçons de ces expériences historiques que nous avons fondé le club politique SPQ Libre et que le Parti Québécois a accepté de modifier ses statuts pour permettre la formation en son sein de clubs politiques comme étant « l’expression politique d’une perspective spécifique jugée importante par un groupe, constituant parfois une opposition ou une contestation » (Statuts adopté au congrès de juin 2005).

Le 6 août dernier, les dirigeants souverainistes André Boisclair, Gilles Duceppe, Amir Khadir et Françoise David marchaient ensemble dans les rues de Montréal pour réclamer la paix au Liban et dénoncer la politique d’appui du gouvernement Harper au gouvernement israélien.

Une dénonciation qu’il faut, pour dégager la nouvelle réalité de la politique canadienne, ajouter à l’opposition du Bloc Québécois et d’un certain nombre de députés libéraux du Québec au prolongement de la mission canadienne en Afghanistan.

Deux prises de position qui témoignent du fossé grandissant entre le Québec et le Canada anglais sur la question fondamentale de la politique : la guerre.

L’engagement du Canada dans des théâtres de conflits, l’alignement du gouvernement Harper sur la politique guerrière américaine, l’augmentation astronomique des dépenses militaires (qui va prendre le pas sur le règlement du déséquilibre fiscal), les campagnes de recrutement agressives de l’armée canadienne vont modifier considérablement le paysage politique au Canada et au Québec au cours des prochains mois.

Le Québec va réaliser qu’il est entraîné contre son gré dans des aventures guerrières de plus en plus nombreuses et coûteuses et la réalisation de l’indépendance nationale apparaîtra bientôt comme la seule façon de marquer son opposition aux guerres impérialistes du Canada et d’exprimer son pacifisme séculaire. En tant que nation, le Québec doit pouvoir décider lui-même de ces questions et non être soumis aux décisions d’une autre nation comme c’est le cas actuellement au Parlement fédéral. La guerre sera donc un enjeu, probablement de la prochaine campagne électorale, mais chose certaine de la campagne référendaire.

Cette perspective entraînera une réaction violente, déchaînée, des milieux dirigeants du Canada anglais dont la campagne actuelle contre Gilles Duceppe et le Québecistan ne nous donne qu’un pâle avant-goût.

Pour y faire face, le Québec aura besoin du front uni le plus large et le plus tricoté serré possible, sur le modèle de l’appel à la manifestation d’appui au Liban. Une lutte fratricide entre souverainistes lors de la prochaine campagne électorale serait une bénédiction pour les militaristes et autres va-t’en-guerre.

Le SPQ Libre invite donc tous les syndicalistes et les progressistes à rallier ses rangs et ceux du Parti Québécois pour renforcer en son sein le courant progressiste et se préparer au rendez-vous historique que constituera la prochaine campagne électorale.

Marc Laviolette, président et Pierre Dubuc, secrétaire, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre