Personne ne s’oppose aux dépenses d’acquisition

Ce qui est stratégique : la mobilité et les forces expéditionnaires

La question de la sécurité et le renforcement des appareils militaires n’est pas une mode, mais une tendance lourde.

Telle est l’analyse d’Yves Bélanger du Groupe de recherche sur l’industrie militaire et la sécurité dont nous rendons compte dans cet article.

Pour le chercheur, les dépenses militaires annoncées par le gouvernement Harper ne sont pas une particularité de ce gouvernement, mais reflètent plutôt une vague de fond de modernisation de l’arsenal mondial. Rappelons-nous que la dernière période de modernisation des équipements date de 1980-1985. C’était l’ère Reagan. Le cycle de vie de ces équipements est de 20-25 ans. Ils sont donc dus pour une remise à neuf.

La question pour ceux qui font les politiques de défense est de savoir jusqu’où on va et avec quel type d’armement.

La fin de la Guerre froide dans les années 1990 a certes entraîné une rationalisation de l’industrie de l’armement, mais les compressions en recherche et développement ont été beaucoup moins draconniennes. Aujourd’hui, on remplace les anciens systèmes d’armes par un nouvel arsenal. Le 11 septembre et les attaques sur les ambassades américaines (dont Naïrobi) de 2001 à 2003 ont amplifié ce phénomène.

Le facteur « pertes humaines » étant déterminant sur la justification et la durabilité politique des conflits armés, la tendance est à la robotisation du champ de bataille. Les « prédateurs », c’est-à-dire des drones armés (avion sans pilote); chars d’assauts robotisés, remplacement des chars (trop gros et très peu souples pour la guerre urbaine et cibles trop faciles) par des véhicules « striker », un véhicule blindé armé d’un canon 105 mm monté sur roues, beaucoup plus souple, ont connu un succès de vente aux États-Unis, au Canada et en Europe.

Depuis 1997, la nouvelle menace, c’est le terrorisme et cette menace est asymétrique selon les stratégies militaires. Les militaires ont donc besoin d’un nouveau type d’armée, de soldats formés différemment et armés différemment. Ce qui est maintenant stratégique, c’est la mobilité et les forces expéditionnaires d’intervention.

C’est pourquoi les dépenses militaires globales sont passées d’un peu plus de 800 milliards à 1 050 milliards de dollars de 1999 à 2004. Le budget de la défense américaine pour 2007 est à 439 milliards. Une augmentation de 7 % par rapport à 2006. Dans ce budget, on consacre 84 milliards en acquisitions de nouveaux systèmes d’armes.

Au Canada, le budget de la défense pour 2007 est de 15,4 milliards dont 2,2 milliards en acquisitions de systèmes d’armes. En 2000, le budget se chiffrait à 12 milliards. Selon de Groupe de recherche sur l’industrie militaire et la sécurité (GRIMS), la facture totale de la mise à niveau des systèmes d’armes du Canada s’élèvera à 60 milliards et s’étalera jusqu’en 2015.

Cette orientation stratégique a l’appui tacite de tous les partis à la Chambre des communes. Face aux annonces de dépenses de la défense nationale, le NPD et le Bloc Québécois ont déploré l’absence de débats sur la question. Personne n’a affirmé son opposition aux dépenses d’acquisition. Même attitude lors du dépôt du comité de la Chambre des communes sur la question.

Pendant que Bush veut amener le budget d’acquisitions à 100 milliards par année et que Harper veut doubler les dépenses de modernisation des équipements militaires et que le recrutement de soldats est à la hausse au Québec, on est en droit de se demander où en est le mouvement pacifiste ?

Ayant perdu beaucoup de terrain depuis la fin de la Guerre froide, il s’est rabattu sur des luttes spécifiques telles les mines anti-personnelles, les armes légères ou les manifestations anti-guerre en Irak. Ses succès ont été mitigés si on compare les résultats obtenus à ceux des écologistes sur le front de l’environnement.

Les menaces à la sécurité ont entraîné des inquiétudes réelles dans la population et ont laissé la voie à un niveau de tolérance élevé des citoyens face aux limitations des droits sur les libertés civiles et aux mesures de surveillance et de contrôle de tous genres.

Le mouvement pacifiste a besoin de reconstruire sa capacité d’analyse afin de bien saisir la situation d’ensemble. Un énorme travail reste à faire pour cibler les bons objectifs et les porter sur le terrain politique. Le mouvement syndical, présent dans les grandes manifs contre la guerre en Irak, doit réactualiser son analyse sur la question de la guerre et de la paix. Nous devons tous nous interroger sur les origines et sur la dynamique sociales qui nourrissent le terrorisme. Le monde occidental a bloqué l’immigration du tiers-monde et a fortement contribué à sa marginalisation. Ce qui fait qu’aujourd’hui ce monde réagit avec des moyens du désespoir. Il faut revoir de fond en comble notre approche à la lutte contre la pauvreté si on veut pacifier le monde.