Le contrat de travail ne reflète plus notre réalité

Reserrement des liens entre trois fédérations de profs

Knouckoutés par le gouvernement avec l’imposition du décret en décembre dernier, les organisations syndicales se relèvent du plancher, pansent leurs blessures, visionnent à nouveau le déroulement du combat pour en faire le bilan et commencent à discuter de nouvelles stratégies pour un match revanche. Au cours des prochains mois, l’aut’journal veut faire partager ces réflexions en rencontrant les dirigeants des organisations syndicales concernées. Dans ce numéro, vous trouvez une entrevue avec Gilles Dussault du SPGQ (page 1) et ci-dessous Jean-Claude Drapeau de la FAC.

La Fédération autonome du collégial (FAC), qui regroupe 17 syndicats enseignants du milieu collégial, vient de mettre sur la table une proposition de réorganisation syndicale. « Nous proposons à la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep de la CSQ (FEC) – qui représente sept syndicats de profs de cégep – de nous unir pour former une nouvelle fédération », nous déclare Jean-Claude Drapeau de la FAC.

« Nous avons travaillé en cartel avec la FEC-CSQ lors des dernières négociations, précise le nouveau président de la FAC, et nous sentons aujourd’hui le besoin de renforcer notre cohésion pour nous donner un meilleur rapport de force face au gouvernement. Nous proposons que cette nouvelle fédération travaille en alliance avec la FNEEQ », la fédération de la CSN qui, elle, représente entre autres 35 syndicats de profs de cégep.

Ce resserrement des liens entre les trois fédérations de profs de cégep est déjà visible dans leur projet commun, dont les médias ont abondamment parlé, de publication d’un document de sensibilisation au néolibéralisme devant être débattu avec les associations étudiantes et les syndicats représentant les autres corps d’emplois dans les cégeps, nous souligne-t-il. De plus, la FAC examine présentement la possibilité de s’insérer dans la grande tournée de réflexion politique que la CSN doit tenir cet automne à travers le Québec.

Mais ce qui risque le plus de retenir l’attention c’est que la proposition de la FAC à la FEC-CSQ stipule que la nouvelle fédération ne ferait pas automatiquement partie de la CSQ. « Ça pourrait être dans la CSQ ou en liens avec la CSQ. Ça sera à déterminer », précise un Jean-Claude Drapeau conscient de la portée de cette proposition dans un contexte où neuf syndicats enseignants des secteur primaire et secondaire viennent de se désaffilier de la CSQ.

La FAC compte sur cette proposition pour lancer une nouvelle dynamique après une négociation qui a laissé un goût amer. « Ce n’était pas une négo, s’insurge Jean-Claude Drapeau. Le décret est, à quelques nuances près, un copier-coller du dépôt patronal initial. »

Selon lui, il n’y a pas eu de véritable négo pour les profs de cégep depuis 1989. « Mais, s’empresse-t-il de préciser, les choses ont considérablement changé depuis. » Il y a eu la réforme des cégeps en 1993, l’approche-programme en 1995-1996, puis des modifications à la loi des collèges, des lois et règlements comme l’imputabilité, toutes des mesures qui ont eu un impact important sur la profession enseignante.

« La charge de travail a augmenté, a évolué, et le contrat de travail est de moins en moins le reflet de notre réalité professionnelle », constate Jean-Claude Drapeau qui voit la nécessité d’une négociation permanente et non restreinte à la période de négociations nationales telle que définie par la loi 37. Avec la nouvelle fédération, la FAC espère créer une nouvelle vitalité syndicale qui permettra d’exiger du gouvernement d’ouvrir immédiatement des négociations sur la tâche de travail.

Sur un plan plus global, Jean-Claude Drapeau se dit forcé d’admettre que le gouvernement a bien joué ses cartes lors des dernières négociations. Il remet en question la façon dont les forces syndicales ont – ou plutôt n’ont pas – travaillé ensemble. « Avec la loi 30 qui forçait les fusions des accréditations dans le secteur de la santé, les grandes organisations syndicales ont été plus préoccupées à s’investir dans cette période de maraudage qu’à consacrer du temps à la recherche des ententes nécessaires pour les négociations nationales », souligne-t-il.

Serait-il approprié de tenir des états généraux du mouvement syndical ? lui avons-nous demandé ? Jean-Claude Drapeau pense que l’exercice serait prématuré. « Il faut d’abord que chaque organisation fasse son introspection et accepte de se remettre en question. L’échec des dernières négos n’est pas imputable seulement au gouvernement. Quant aux états généraux, ça doit venir d’une volonté exprimée par la base et non du sommet », conclut le président de la FAC.