Le SPGQ profitera du contexte pré-électoral

Charest a gagné en décembre mais la politique est volatile

Si vous pensez que la direction de votre syndicat ne doit pas combattre le décret imposé par le gouvernement, ne votez pas pour moi ! » C’est sur ce thème que Gilles Dussault vient de mener auprès des 19 000 membres du Syndicat des professionnelles et des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) une campagne électorale qui l’a mené à la présidence.

« Charest a gagné, mais qu’il ne compte pas sur moi pour accepter un gel de salaires de 33 mois », lance avec conviction celui qui a décidé de revenir « aux affaires » après avoir été secrétaire du syndicat de 1997 à 2003. « Jamais je ne vais capituler là-dessus. Charest a gagné au mois de décembre, mais la politique, c’est volatile. Il faut profiter du contexte pré-électoral pour le forcer à rouvrir la négociation sur les salaires pour l’ensemble du secteur public et, dans notre cas particulier, le normatif. »

Pourtant, Gilles Dussault n’est pas un jusqu’au-boutiste. Il reproche à l’ancien exécutif d’avoir refusé d’accepter le dépôt patronal du mois de décembre dernier lors du dernier blitz de négociations. « Je l’aurais accepté – je suis un pragmatique – mais je ne m’en serais pas contenté », nous déclare-t-il.

Le nouveau président balaie du revers de la main les arguments des fatalistes qui se résignent à vivre avec le décret. « On dit qu’il n’y a rien à faire avec Charest, que les membres ont renoncé à se battre. C’est faux ! J’ai gagné mes élections en tenant le discours contraire. »

Du même mouvement, il écarte les demandes d’une réflexion en profondeur sur le mouvement syndical. « Je peux déjà vous en révéler la conclusion : on aurait dû se battre contre le décret ! », lance-t-il en demandant comment on peut sérieusement envisager de nouvelles négociations en 2010 si on laisse établir ce précédent.

L’impérieuse nécessité d’agir maintenant, Gilles Dussault la juge nécessaire pour le maintien d’une fonction publique efficace. « Le décret, le gel des salaires, cela va éloigner les jeunes compétences de la fonction publique au moment où s’opère un important changement de la garde avec les départs à la retraite des baby-boomers », explique-t-il.

« En 1982, lors de l’affrontement entre le mouvement syndical et le gouvernement Lévesque, le gouvernement pouvait invoquer l’existence d’une crise économique bien réelle. Mais ce n’est pas le cas présentement. L’économie se porte bien. Il en va de même pour les finances publiques. Il n’y avait pas non plus de crise sociale. Rien, absolument rien ne justifiait le décret », argumente le vieux routier du syndicalisme.

« C’est injuste pour les employés de l’État. Le gouvernement devrait à tout le moins préserver le pouvoir d’achat de ses employés. C’est un minimum. Charest a fait une erreur. Il faut l’amener à corriger son erreur. », lance-t-il.

Gilles Dussault n’accepte pas de tourner la page. Il se remémore trop bien les conséquences du désastre de 1982 sur le mouvement syndical. « Ce qu’on a perdu, comme la désindexation des retraites, on ne l’a jamais récupéré. Les retraités en payent encore le prix. »

Il va plus loin. « Le mouvement syndical est sorti de l’affrontement de 1982 profondément divisé et affaibli. ». Il cite, pour illustrer son propos, la mise au rancart de ses responsabilités sociales par le mouvement syndical : « On a abandonné les jeunes. On a sous-traité la célébration de la Journée internationale des femmes au magazine La Vie en Rose, même si les syndicats continuaient à payer pour l’organisation de l’événement. »

Que faire maintenant ? Gilles Dussault énumère les grandes lignes de son plan d’action. « D’abord, dire au gouvernement : Nous voulons négocier. Charest essaie de laver l’ardoise, mais il ne faut pas lui permettre de le faire. »

Au passage, il ajoute : « André Boisclair va aussi être obligé de se mouiller. Je l’entendais, le 21 décembre dernier, refuser de s’engager à rouvrir le décret en disant qu’il ne voulait pas “ fédérer les insatisfaits ” Ce n’est pas avec des déclarations comme celle-là qu’il va gagner ses prochaines élections. »

« Deuxièmement, enchaîne-t-il, il faut agir avec méthode. » Gilles Dussault veut d’abord convaincre d’agir les syndicats membres du Secrétariat intersyndical des services publics, qui regroupe, outre le SPGQ, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et le Syndicat des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ). « 300 000 membres, ça commence à représenter une force », souligne-t-il tout en prônant la nécessité urgente de recréer un véritable Front commun de l’ensemble des syndicats du secteur public et parapublic.

Troisièmement, Gilles Dussault plaide pour la sobriété. « Il ne s’agit pas de lancer des épithètes disgracieuses au gouvernement. Il faut expliquer clairement notre point de vue. » Enfin, il croit à la résilience. « Nous allons revenir à la charge. Si les chefs syndicaux le veulent, ça peut repartir très fort. »