Le coup était politique, la réponse se doit de l’être

Les étudiants appuient la riposte syndicale à la loi 42

Parlons politique au cégep, c’est une opération de débats d’idées qui se mène dans les 53 cégeps du Québec d’ici le congé des Fêtes.

Débats avec les étudiants – ils sont 100 000 dans les collèges – appuyés par les trois syndicats de professeurs de cégeps (FNEQ-CSN, FAC, FEC-CEQ) et les deux organisations étudiantes du collégial, soit la Fédération étudiante du Québec (FECQ) et l’Association pour une Solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). L’opération a soulevé des hauts cris de scandales de la part de l’Institut économique de Montréal et de l’éditorialiste de La Presse, Alain Dubuc.

Ces porte-parole « lucides » dénonçaient les syndicats et les associations étudiantes qui, selon eux, faisaient de la « propagande » sur le dos des étudiants. À leurs yeux, la brochure « Demain vous appartient, parlons politique » ne reflète que la vision déconnectée des appareils syndicaux.

Pour faire le point, l’aut’journal a rencontré Ronald Cameron, président de la Fédération nationale des enseignants, enseignantes du Québec (FNEEQ-CSN). « La brochure n’est pas un cahier pédagogique ni un manuel scolaire. C’est un document de combat qui répond aux clichés néo-libéraux sur le rôle de l’État face au bien commun, sur la redistribution de la richesse, le vieillissement de la population, la dette, la fiscalité et la place de l’éducation dans notre société ».

L’idée de ce débat est venue des suites de la négociation dans le secteur public et de l’adoption de la loi 142 décrétant les conditions salariales pour les travailleuses et travailleurs du secteur. « Le coup étant politique, la réponse se devait d’être politique », affirme le président de la FNEEQ-CSN.

Pour les syndicats de l’enseignement des cégeps, rien ne justifiait le coup de force de la loi 142. C’est un abus de pouvoir. La brochure rappelle que cette loi interdit aux employés de l’État toute altération ou tout ralentissement de travail, sous peine d’amendes importantes, et ce jusqu’en 2010. La loi va même jusqu’à renverser le fardeau de la preuve : il revient à la personne accusée d’un manquement à la loi de prouver qu’elle a pris tous les moyens raisonnables pour s’y conformer. Cette disposition de la loi va à l’encontre de l’article 83 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

« On a la chance de pouvoir évoluer dans un milieu d’échange d’idées et où l’autonomie des enseignants est un des fondements de la pratique éducative. La notion “ d’altérer ” notre prestation de travail peut mener à toutes sortes d’interprétations et d’abus anti-démocratiques », rappelle M. Cameron.

La brochure « Parlons politique » est la réponse des acteurs du monde de l’éducation au coup de force du gouvernement Charest. « Ce qu’on veut, c’est partager les enjeux sociaux que sous-tendent les politiques de ce gouvernement. Tout le réseau des cégeps est concerné. Pour être authentique, la riposte doit être unifiée. Les étudiants sont tous pareils, peu importe leur institution », nous rappelle M. Cameron.

L’hiver dernier, les instances syndicales, après avoir débattu entre elles, ont constitué un groupe de travail qui a produit les neuf articles qui composent le pamphlet. La FNEQ, la FAC et la FEC-CSQ ont donc mis en commun leur analyse et ont reçu l’appui des associations étudiantes.

Depuis octobre, 120 000 brochures (en anglais et en français) auront donc été diffusées et de nombreux débats-midi auront été tenus entre professeurs et étudiants sur les enjeux de société et de l’éducation au Québec. Face aux critiques de la presse officielle, il est particulièrement frappant de constater que, pendant que les forces armées recrutent en toute quiétude dans les écoles du Québec, on n’entend pas les ténors néo-libéraux s’objecter à l’embrigadement de notre jeunesse dans des combats douteux. D’un autre côté, dès que les forces progressistes déboulonnent une vache sacrée du néo-libéralisme (baisse d’impôt, dette, nationalisation de l’éolien…), nous avons droit aux remontrances et aux hauts cris…

Pour Ronald Cameron, l’ensemble des organisations syndicales des professeurs de cégep a intérêt à être associé de plain-pied avec l’ensemble du mouvement syndical dans sa riposte aux mesures anti-syndicales et anti-sociales du gouvernement Charest. « Nous avons intérêt à confédérer notre mouvement. Pour y arriver, la FNEEQ veut faire preuve de la plus grande ouverture possible envers la FAC (Fédération Autonome du Collégial) dans la perspective de surmonter le différend de 1988 entre nos deux organisations », a conclu M. Cameron. C’est à suivre.