Pour le RASOP à Tremblay, il y aurait 1000 emplois en trop

Qui s’est déjà plaint d’avoir trop de services municipaux ?

On se serait crû à l’émission de Gérard D. Laflaque, mais non, c’est bien au téléjournal que le maire de Montréal Gérald Tremblay a déclaré que la suppression de 1 000 emplois allait permettre à la ville « d’améliorer les services aux citoyens ».

Le maire Tremblay rasope, du nom de l’acronyme RASOP (pour le comité qui passe en Revue les Activités, les Services, les Opérations et les Programmes). Il rasope soi-disant pour économiser – il y aurait un trou de 400 millions dans le budget de la ville – mais, dans les faits, pour privatiser. Le service de la paye sera privatisé, mais également les serres Louis-Dupire qui s’occupaient des semences, de produire les fleurs. Concrètement, cela signifie que le million de fleurs et de plantes produites annuellement et gratuitement pour les arrondissements de la ville pour être installés soit dans les plates-bandes et les terre-pleins seront dorénavant achetées à gros prix du privé. C’est une nouvelle facture qui sera refilée aux arrondissements qui, eux par la suite, la refileront à leurs citoyens par une hausse de taxe.

S’il voulait vraiment économiser, le maire Tremblay s’attaquerait à cette structure moyen-âgeuse que sont les dix-neuf conseils d’arrondissement qui fonctionnent comme dix-neuf baronnies autarciques, du moins dans la gestion du personnel, comme le démontrent les témoignages recueillis auprès d’employés municipaux.

France Forget est jardinier, à l’emploi de la ville depuis 1993. Après un bac en art et des cours en horticulture, elle s’est rendue, à ses frais, au Japon pour un stage de 8 mois sur l’entretien des bonzaïs. Elle était la personne toute désignée pour s’occuper de ces arbres miniatures au Jardin botanique. Ce qu’elle faisait jusqu’à ce que les réaménagements entourant la fermeture des installations de l’île Sainte-Hélène et la restructuration du Jardin botanique lui fassent perdre son emploi.

France s’occupe aujourd’hui de l’entretien des parcs dans l’arrondissement Rosemont/La Petite Patrie au cours de la période estivale. « L’hiver, explique-t-elle, je peux être affectée aux patinoires, à la voirie ou à l’entretien des édifices. »

Le mouvement de personnel provoqué par les fusions/défusions des municipalités et le fractionnement de la ville en arrondissements ont créé des situations totalement absurdes. Par exemple, si l’arrondissement Rosemont se retrouve avec un surplus de jardiniers, ces derniers se devront effectuer d’autres travaux de cols bleus. « Ils ne peuvent, nous explique France, aller travailler dans l’arrondissement Pointe-aux-Trembles qui manque de jardiniers à moins, selon la ville, de démissionner de leur poste, perdre leur ancienneté, repasser les examens d’admission et, s’ils sont embauchés, se retrouver en bas de la liste d’ancienneté, avec le risque de se retrouver au chômage l’hiver. L’arrondissement Pointe-aux-Trembles va donc embaucher de nouveaux jardiniers et les former. »

Guillaume Desrochers, 22 ans, est également col bleu. Il travaille à la collecte des déchets depuis 2004. Il nous décrit une situation encore plus absurde. Non seulement la ville est maintenant fractionnée en arrondissement, mais les arrondissements sont eux-mêmes cloisonnés en sections : (parcs, travaux publics, sports et loisirs, etc.), sans possibilité de mobilité entre les sections.

« Auparavant, explique Guillaume, après deux ou trois ans de collecte des déchets, il était de pratique courante de nous faire travailler quelques mois à des fonctions moins dangereuses, dans les parcs par exemple. » Cela n’est plus possible. Et les possibilités pour un éboueur de « s’en sortir par en-haut », comme dit Guillaume, en postulant sur d’autres postes aux travaux publics sont limitées à son arrondissement.

Les cols blancs sont victimes du même système. Monique Cogez est aide-bibliothécaire à la Maison de la culture Frontenac. Jocelyne Marquis est bibliotechnicienne dans l’arrondissement Parc Extension où elle s’occupe du bibliobus. Jocelyne a obtenu sa permanence, il y a deux ans, après 17 ans comme auxiliaire, ce qui n’était pas une situation exceptionnelle. « Il y a plusieurs auxiliaires qui ont plus de 15 ans d’ancienneté », nous confie-t-elle.

Plusieurs de ces auxiliaires sont obligés de travailler à trois endroits, aux quatre coins de la ville, pour cumuler 35 heures en une semaine. « Ils nous arrive d’être obligés de voyager deux heures pour trois heures de travail », raconte Monique Cogez. Cette situation déjà difficile pourrait empirer, si l’administration Tremblay réussit à faire annuler la lettre d’entente négociée par le syndicat avec l’administration municipale qui permet encore aux auxiliaires de pouvoir travailler à la grandeur de la ville. Déjà, la mobilité des employés permanents et la possibilité pour un auxiliaire de décrocher un emploi permanent ne peuvent se faire qu’à l’intérieur d’un arrondissement.

Cette situation à laquelle sont confrontés cols bleus et cols blancs de la Ville de Montréal est source d’énormément de frustrations. Des centaines de travailleurs et des travailleuses ne peuvent plus occuper l’emploi pour lequel ils ont été formés. Plusieurs, à l’emploi de la ville depuis de nombreuses années, ont vu leur nombre d’heures de travail (et leur salaire) réduit, ne pouvant plus cumuler des emplois dans plusieurs arrondissements.

Les possibilités d’avancement étant maintenant limitées à l’arrondissement ou, pire, à la section dans l’arrondissement, ils voient dans d’autres arrondissements des travailleurs et des travailleuses avec beaucoup moins d’années d’ancienneté obtenir un poste convoité ou une permanence auxquels ils auraient normalement eu droit dans le cadre de la ville, telle qu’elle existait avant d’être découpée en arrondissements.

Pendant ce temps, chaque arrondissement multiplie les embauches de cadres à gros salaires, ce qui alourdit le processus décisionnel d’une structure qui ne peut être qu’inefficace à cause de son émiettement. Les services aux citoyens en souffrent et ceux-ci, mal informés par les médias, en attribuent la responsabilité aux employés municipaux. La colère gronde chez les cols bleus et les cols blancs et il ne faudrait pas se surprendre que la marmite explose.