La Révolution était le dernier paiement pour Versailles

Louis XIV n’avait pas prévu les retombées touristiques

Même au faîte de son identification avec le roi Soleil, Jean Drapeau s’est toujours gardé d’évoquer ou d’invoquer Versailles à propos du Stade et des installations olympiques. Le spectre d’un gouffre financier spectaculaire aurait annulé l’effet euphorique de son mantra de l’autofinancement. Il aura donc fallu attendre le maître d’œuvre du futur CHUM pour poser le problème en toute innocence dès le point de départ : un méga-projet peut-il échapper à un méga-déficit ? Versailles or not Versailles ? Voilà la question ! Cela dit, même Louis XIV n’aurait pas songé à en construire deux !

De 1661 à 1715, Versailles (bâtiments, jardins, domaine, travaux de la rivière d’Eure) a représenté une ponction d’environ 82 millions de livres sur le budget de l’État. La moyenne annuelle des dépenses s’est maintenue à près de quatre millions de livres de 1678 à 1682. Puis, on note une surchauffe en 1685 avec des déboursés de plus de huit millions de livres et une chute du niveau des dépenses à un million et demi de livres à partir de 1689.

Lorsque Louis XIV meurt en 1715, après 72 ans de règne, la réaction de ses sujets se résume à un soupir de soulagement. Ouf ! Il laisse derrière lui peu de regrets et une dette publique de 3,5 milliards de livres dont 400 millions, les intérêts des emprunts, sont exigibles immédiatement. Aux dernières prévisions budgétaires, les revenus nets ne devraient pas dépasser 74 millions alors que les dépenses atteindront facilement les 119 millions. Bref, c’est la faillite dont le symbole demeurera le faste de Versailles jusqu’à la Révolution.

Il est mort comme il a vécu / Sans nous laisser un quart d’écu, épilogue un poème populaire composé immédiatement après sa mort. Ci-gît au milieu de l’église / Celui qui nous mit en chemise / Et s’il eût plus longtemps vécu / Il nous eût fait montrer le cul / Ci-gît le père des impôts / Disons-lui des patenôtres / S’il est en haut pour son repos / Il y est aussi pour le nôtre / À Saint-Denis comme à Versailles / Il est sans coeur et sans entrailles. En somme, son décès n’était plus qu’une formalité, seuls six courtisans ont assisté au service funèbre lorsqu’on a transporté le cœur du Roi à l’église des Jésuites. Et pour ce qu’il en est des entrailles, leur convoi à Saint-Denis a été salué par des feux de joie et escorté par des beuveries.

Au moment de mourir, Louis XIV était complètement absorbé par son salut et son détachement des choses de ce monde avait atteint à un point tel qu’on l’entendit murmurer : Du temps que j’étais Roi.

Durant les 30 dernières années de la vie du roi, Madame de Maintenon a eu pour fonction de dissiper son ennui. Il n’est pas de plus grand malheur, disait-elle, que d’avoir à amuser un homme qui n’est plus amusable. Un jour qu’elle marchait le long du bassin de Marly, une amie lui fit remarquer combien les carpes avaient l’air tristes. Elles sont comme moi, enchaîne la Maintenon dont les origines étaient modestes, elles regrettent leur bourbe !

Nous nous reverrons bientôt ! lui aurait dit Louis XIV avant de passer le sceptre à gauche. Voyez le beau rendez-vous qu’il me donne ? fut le commentaire acide de la dernière favorite. Cet homme-là n’a jamais aimé que lui-même, ajouta-t-elle en guise d’épitaphe !