Le fonds de grève atteint un sommet de 874 Millions $

Les Travailleurs unis de l’automobile se préparent à la bataille

Acculé au pied du mur par les déboires financiers des constructeurs automobiles américains, forcé d’accorder concessions sur concessions et donné perdant d’avance à l’approche des négociations de 2007, le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile vient de redonner courage à ses membres, en décembre, avec une annonce historique. Malgré un membership déclinant, le fonds de grève de l’organisation vient d’atteindre un sommet inégalé, avec 874 millions $ accumulés en prévision de la bataille.

Victimes des fermetures d’usines, des départs d’emplois à l’étranger et des plans de réduction des effectifs, les membres des United Auto Workers des États-Unis (UAW) ne sont plus que 557 000. Le chiffre est bien loin des belles années du syndicat, qui rassemblait 1,5 millions d’ouvriers il y a 20 ans.

L’hémorragie de syndiqués se poursuit encore. Les géants comme GM et Ford offrent présentement des plans de départ contre compensation à un total de 70 000 travailleurs.

Malgré tout, jamais une telle somme – près de 900 millions – n’avait été amassée par le syndicat en prévision d’un conflit de travail. Son ampleur montre bien l’importance de la lutte qui approche pour les travailleurs de l’automobile. En septembre prochain, les conventions collectives signées avec les « trois grands », soit Ford, General Motors et Chrysler, arriveront à échéance.

Déjà, les commentateurs des grands médias spéculent sur les nouvelles concessions que devra accepter le syndicat, dans un contexte économique particulièrement difficile. Les problèmes financiers des trois constructeurs font la manchette depuis plusieurs années aux États-Unis. La fibre patriotique des Américains en a pris pour son rhume récemment lorsque les ventes de Toyota aux États-Unis ont surpassé celles de Chrysler, chose qui aurait été inimaginable il y a 20 ans.

Plus souvent qu’autrement, ce sont les travailleurs qui ont écopé. Jusqu’à récemment, les UAW avaient 24 000 membres chez Delphi, une ancienne division de GM. Plus de 14 000 d’entre eux ont dû accepter les plans de retraite anticipée ou de compensations financières pour quitter leur emploi lorsque l’entreprise s’est placée sous la loi de protection de la faillite.

Plus important encore, l’UAW a dû piler sur ses principes et accepter l’instauration d’un système de salaires « à deux vitesses » au sein de l’entreprise. Dorénavant, les nouveaux employés gagnent moins (14 $ plutôt que 27 $ l’heure) que les plus anciens.

Certains journaux comme le Detroit Free Press laissent entendre que GM et Chrysler pourraient demander l’installation du tel système à deux vitesses lors des négociations de septembre prochain.

Dans une usine Chrysler de l’Illinois, la section locale de l’UAW a accepté que l’employeur embauche des travailleurs temporaires sans sécurité d’emploi, qui ne sont pas admissibles à la « banque d’emplois » grâce à laquelle les travailleurs de la génération précédente pouvaient continuer à recevoir une partie de leur salaire lorsqu’on n’avait plus besoin de leurs services pour une période donnée.

Pas étonnant que les membres se montrent inquiets à moins de sept mois de l’expiration des conventions collectives chez les trois grands constructeurs. Mais depuis décembre, la direction s’efforce de rassurer les travailleurs. Les syndicats de l’automobile sont encore une force non négligeable, ont-ils rappelé en annonçant le sommet historique atteint par leur fonds de grève.

Le président de l’UAW, Ron Gettelfinger, a même décidé qu’il ne dépenserait pas un sou des 60 millions $ que le syndicat avait réservés aux campagnes d’adhésion, tant que les négociations ne seraient pas terminées avec les trois grands. Cette somme pourrait donc venir s’ajouter au fonds de grève.

Le président, ancien ouvrier d’une chaîne de montage de camions Ford du Kentucky, a même tenu récemment deux séances de clavardage sur Internet ouvertes à tous les membres. La transcription des échanges est encore disponible sur le site Web du syndicat. Les questions des travailleurs sont directes, et Gettelfinger y répond sans s’esquiver.

Pressé de questions sur l’avenir de ce pilier du syndicalisme américain qu’est l’UAW, il a eu cette réplique : « Les United Auto Workers n’ont pas écarté l’idée de fusionner avec un autre syndicat. »

Ce ne serait pas la première fois que l’UAW flirterait avec l’idée d’une fusion. En 1996, l’ancien président du syndicat Steve Yokich avait entamé des pourparlers avec les dirigeants des Métallos et des Machinistes pour créer un méga-syndicat industriel regroupant près de deux millions de membres. Les plans avaient avorté bien avant la date butoir de 2000.

Une autre solution pour garder une masse critique de membres a été de recruter en-dehors des usines automobiles. Au cours des dix dernières années, des employés de concessionnaires automobiles, des gens du secteur public, des infirmières, des techniciens juridiques et même des travailleuses en service de garde ont joint les rangs des Travailleurs unis de l’automobile.

Lors d’un clavardage sur Internet, Ron Gettelfinger a tracé un lien entre ce recrutement dans d’autres secteurs et les négociations avec les constructeurs. « Bien sûr, notre pouvoir à la table de négociation vient en bonne partie du nombre de travailleurs que nous représentons dans l’industrie. Mais, plus que jamais, nous devons aussi monter des campagnes politiques et communautaires stratégiques et compréhensives. Lorsque nous nous unissons, entre travailleurs de secteurs différents, sur les lignes de piquetage, aux élections et dans les manifestations, nous gagnons. »