Une déclaration en anglais scelle leur sort

À Valleyfield, la Goodyear licenciera 800 travailleurs

Le jeudi 4 janvier aura été un jeudi noir pour les travailleurs et travailleuses de la Goodyear et leurs familles. Réunis à l’hôtel Plaza de Valleyfield, les 1 000 travailleurs apprenaient, dans une déclaration en anglais du président canadien de la compagnie, que Goodyear cessait sa production de pneus à Valleyfield pour ne garder que son département de mélanges de caoutchouc (Bamburry). Huit cents travailleurs seraient licenciés d’ici trois mois.

La nouvelle a semé la consternation dans tout le Suroît et le Québec. Des emplois payés en moyenne entre 21 $ et 24 $ l’heure s’envolaient en fumée. La région du Suroît se retrouvera privée d’une masse salariale de 60 millions par année, les gouvernements privés de 18 millions en impôts et 2 000 emplois indirects seront affectés. Un coup majeur à l’économie régionale de la part de cet employeur qui exploitait l’usine depuis 42 ans.

Syndiqués au Syndicat des communications, de l’énergie et du papier, local 143 (FTQ) pour les ouvriers de la production et au local 919 des Métallos (FTQ) pour les 60 travailleurs et travailleuses techniques et de bureau, ils se sont réunis en assemblée générale pour adopter un plan d’action revendiquant la relance de l’entreprise afin de produire des pneus haut de gamme et haute performance et tout autre produit qui pourraient trouver preneur en Amérique du Nord.

Lors d’une rencontre avec le syndicat, le président canadien de Goodyear, M. James Coulter, a ouvert une porte en signifiant qu’il était prêt à écouter, si une offre acceptable était déposée pour assurer la viabilité de l’usine campivallensienne.

« Un comité de relance formé de différents intervenants (syndicats, élus municipaux, fédéraux et provinciaux) planche sur des projets de reconversion de la production à l’usine », nous confirme Daniel Mallette, président du Conseil régional de la FTQ de Valleyfield. Monsieur Mallette est aussi président du local 919 Métallos de Goodyear.

« L’usine de Valleyfield produisait 22 000 pneus par jour pour le marché des marques privées telles celles de Canadian Tire, Sears, WalMart et le marché général de remplacement de pneus chez des concessionnaires comme Lemans ou les centres Goodyear », confiait M. Mallette à l’aut’journal.

« En août dernier, Goodyear réduisait sa production de pneus à 19 000 par jour (80 mises à pied) prétextant une surcapacité en Amérique du Nord. Dans les faits, elle transfère une partie de sa production au Chili et au Venezuela et rationalise face à la concurrence internationale de la production à coûts de main d’œuvre très bas comme la Corée et la Chine ».

L’annonce des mises à pied de janvier 2007 vient confirmer cette orientation. L’entreprise ferme des usines à Valleyfield, à Tyler au Texas, en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande et réduit de 20 millions de pneus sa capacité mondiale de production.

En 2005, lors des négociations salariales prévues au contrat social avec le local 143 SCEP, Goodyear demandait des réductions salariales de l’ordre de 4 $ à 5 $ de l’heure et voulait rouvrir la clause des sous-contrats et transformer le fonds de pension à prestations déterminées en un fond de pension à cotisations déterminées.

Les travailleurs ont refusé et le syndicat s’est prévalu de l’arbitrage de l’offre finale prévue au contrat social. L’arbitre a rejeté les demandes patronales concernant le fonds de pension et les sous-contrats et a décrété le taux d’inflation comme augmentation salariale.

En 2006, l’offensive de Goodyear, pour faire payer aux travailleurs son plan de restructuration de la production, s’est transférée aux États-Unis. Pour faire face au plan de Goodyear, douze usines américaines et quatre canadiennes, toutes syndiquées aux Métallurgistes-Unis d’Amérique, ont fait front commun contre les demandes de concessions (salaires, fonds de pension, avantages aux retraités) et contre le plan de fermeture d’usine Goodyear.

Il en est résulté trois mois de grève et 350 à 400 millions de pertes pour Goodyear. Par leurs actions, les syndicats ont réussi à sauver les meubles et à limiter à une seule fermeture d’usine dans leur groupe. L’usine de Tyler au Texas fermera en 2008 et les syndicats ont négocié une caisse spéciale pour combler convenablement les bénéfices des retraites et une prime de séparation de 2 000 $ par année d’ancienneté pour les salariés qui seront mis à pied.

Pour le président du Conseil régional de la FTQ Daniel Mallette, « il est complètement faux de prétendre que l’usine de Valleyfield assurait une production scab durant le conflit comme le laissait sous-entendre le Journal de Montréal. Notre rythme de production était normal à l’usine et la convention collective pour le syndicat de production se terminait en juin 2008 ».

Pour le leader syndical, le plan d’action adopté par les syndicats de l’usine est primordial. « Déjà, des manifestations ont été organisées devant l’usine, l’hôtel de ville et des tracts demandant l’appui de la population ont été diffusés. Des rencontres politiques ont été organisées et le comité de relance travaille d’arrache-pied pour trouver des productions alternatives qui permettront de préserver des emplois de qualité à l’usine. »

« Nous préparons une grosse manifestation régionale pour le samedi 3 février. Nous démontrerons aux politiciens et à la direction de Goodyear que les syndiqués de l’usine tiennent à leurs emplois et sont déterminés à obtenir des résultats sur ce front », précise Daniel Mallette. La manifestation de 300 personnes du dimanche 21 janvier a permis aux représentants syndicaux de rencontrer le ministre du Travail Laurent Lessard et permet d’être optimiste quant à la mobilisation pour la grande manifestation du 3 février.

Au cours des prochaines semaines, les travailleurs et travailleuses de l’usine s’adresseront aux conseils municipaux et aux MRC de la région afin d’obtenir des appuis au plan de relance. Les groupes communautaires et les syndicats seront interpellés pour participer aux diverses actions et moyens de pressions pour l’emploi à la Goodyear et les syndicats négocieront des payes de séparation honorables pour ceux et celles qui perdront leur emploi.

« Nous n’avons pas l’intention de lancer la serviette. Pour plusieurs travailleurs et leur famille, ce sont des projets de vie qui s’effondrent. C’est inacceptable ! », nous confiait M. Mallette en fin d’entrevue. C’est à suivre…