Boeing ne partagera pas les retombées avec Bombardier

Les déclarations du ministre Bernier font rugir les syndicats

L’annonce par le gouvernement Harper fin janvier dernier, de l’acquisition d’avions-cargos Boeing C-17 et Lockeed Hercules C-130 V a entraîné une série de réactions politiques (Bloc et P.Q.) et syndicales (T.C.A.) mettant en garde le gouvernement fédéral afin qu’il mette tout en œuvre pour s’assurer de retombées économiques majeures au pays.

Les deux programmes représentent 8,3 milliards $ en dépenses. Les déclarations du ministre Bernier selon lesquelles ce sont les forces du marché qui détermineront les retombées des programmes au pays ont fait réagir les forces syndicales. Luc Desnoyers, directeur québécois des T.C.A., déclarait le 1er février dernier : « Nous ne pouvons tout simplement pas laisser le gouvernement fédéral risquer de compromettre les développement de cette industrie de pointe. Si le gouvernement Harper investit plusieurs milliards de l’argent des contribuables canadiens dans l’industrie aérospatiale d’un autre pays, il faut, en retour, des garanties afin que les Canadiens et les Canadiennes bénéficient d’une part égale ou supérieure de ces avantages ».

M. Desnoyers rappelle au gouvernent Harper « qu’on retrouve 55 % des industries canadiennes de l’aérospatiale au Québec ».

Pour avoir une vue d’ensemble du dossier, l’aut’journal a contacté Yves Bélanger du Groupe de Recherche sur l’Industrie militaire (GRIM). Il nous a rappelé que ces deux programmes font partie d’un ensemble de programmes d’acquisition d’équipements pour remettre à niveau les forces armées canadiennes. Ces recommandations sont débattues depuis 2002.

« L’ensemble de l’enveloppe représente plus de 20 milliards. Il y a les Hercules et les C-17, le programme des navires inter-armée, les camions de 2,5 tonnes, les avions C-27J et le remplacement des hélicoptères Chinouk. Et ce, sans parler des avions F-35 qui seront appelés à remplacer les F-18 vers 2014-2017 ».

Selon le professeur Bélanger, une enveloppe supplémentaire de 15 milliards s’ajoutera aux enjeux actuels.

Dans les faits, les Québécois ont raison de s’inquiéter du cas Boeing, car 70 % du volume d’affaires de cette corporation au Canada se fait en Ontario et dans l’Ouest. Il est évident que Boeing ne partagera pas les retombées économiques de son contrat avec son compétiteur Bombardier. On peut parier aujourd’hui que les seules retombées possibles pour le Québec seront avec C.A.E. pour le simulateur de vol.

Il ne faut pas perdre de vue que la politique qui détermine les programmes d’acquisitions en est une d’inter-opérabilité avec les systèmes d’armes américains. Par exemple, le Canada a acheté de General Dynamics le Strikers, qui est un véhicule blindé de type LAV-3 monté d’un canon de 105 mm. Eh bien, les Hercules achetés de Lockheed Martin peuvent transporter ces Strikers. C’est ça, l’inter-opérabilité.

On sait que Lockheed Martin a une usine à Ville St-Laurent. Normalement, les retombées devraient être plus fortes au Québec dans ce dossier que dans celui de Boeing.

Comme le rappelait Luc Desnoyers « Le Canada possède la troisième industrie aérospatiale en importance dans le monde. Cela ne s’est pas réalisé par accident ni à cause du libre-échange. Au contraire, l’industrie aérospatiale canadienne a été bâtie en combinant des politiques et des investissements gouvernementaux à l’esprit d’entreprise du secteur privé. La même logique devrait continuer de s’appliquer et ainsi s’assurer que 55 % des retombées économiques d’un contrat du gouvernement fédéral dans l’industrie aéronautique soient aient lieu au Québec ».

Dans les faits, si on regarde la forêt, c’est-à-dire l’ensemble du programme de réinvestissement et d’acquisition du gouvernement fédéral pour la mise à niveau des forces armées, le ministère québécois de l’Industrie et du Commerce et le ministre Raymond Bachand devraient développer la stratégie suivante : analyser chaque joueur (producteur de systèmes d’armes) dans les programmes d’acquisitions du fédéral et développer des relations d’affaires au Québec avec ceux qui sont évalués comme étant potentiellement gagnants de la compétition pour l’obtention des contrats. C’est seulement ainsi que nous obtiendrons les conditions gagnantes de retombées politiques pour le Québec.

Dans les faits, ce qui est à critiquer du ministre québécois Raymond Bachand, c’est son manque d’anticipation. Ces programmes d’acquisitions étaient connus depuis 5 ans et rien de sérieux n’a été fait pour que le Québec tire son épingle du jeu dans ce secteur stratégique qu’est l’aéronautique. Encore une fois, si rien n’est fait, les Québécois risquent d’être victimes du laisser faire des libéraux de Jean Charest et des conservateurs de Stephen Harper.