Le lobby des fournisseurs s’y oppose au nom du profit

Les infirmières militent pour un régime public d’assurance-santé

Les candidats commencent à peine à se manifester en prévision de l’élection présidentielle de 2008 aux États-Unis que, déjà, une féroce lutte politique s’est enclenchée pour déterminer l’avenir du système de santé. D’un côté, le lobby des compagnies pharmaceutiques, des compagnies privées d’assurance et des directions d’hôpitaux, appuyés par une bonne partie des médecins. De l’autre, les infirmières américaines, qui se dressent sur le chemin des compagnies et tentent de bâtir un mouvement populaire en faveur d’un régime public d’assurance-santé.

Encore une fois, la santé sera un thème dominant de la campagne. C’est difficile de passer à côté quand l’assurance-santé est principalement gérée par des compagnies privées, que 46 millions de citoyens des États-Unis ne possèdent aucune assurance-santé et que la moitié de toutes les faillites personnelles à travers le pays sont causées par la maladie ou des frais médicaux.

Les principaux fournisseurs privés d’assurance-santé n’ont pas à se plaindre de la situation actuelle. Entre 2000 et 2005, leurs profits ont connu une hausse spectaculaire de 73 %, selon des données de l’Association des infirmières de Californie. On comprend pourquoi les grandes entreprises de ce secteur s’opposent à ce que la couverture devienne universelle et publique. Leurs porte-parole, ainsi que ceux de l’association des directions d’hôpitaux, ont déjà annoncé qu’une campagne publique était prête pour « faire valoir leurs intérêts » auprès des candidats à l’élection présidentielle.

Mais ces géants de la santé devront affronter un groupe qui se mobilise en faveur de la défense du droit à la santé pour tous. « Les patients n’ont pas de groupe de pression assez fort pour promouvoir leurs intérêts. C’est pourquoi nous voulons créer la grande coalition des soignants et des patients », a annoncé dans un communiqué la Comité national d’organisation des infirmières (National Nurses Organizing Committee, NNOC).

Le NNOC est un syndicat national relativement jeune mis sur pied pour favoriser un programme militant en faveur de la défense de l’accès universel à des soins de santé. L’organisation réclame l’instauration d’un régime public « comme dans tous les pays développés ».

Sur son blogue, le NNOC attaque de front les compagnies privées qui s’enrichissent sur le dos des patients. « Une des grandes peurs du public en ce qui a trait aux soins de santé, c’est leur coût prohibitif. Vous allez à l’hôpital, vous faites faillite. L’association des assureurs et celle des directions d’hôpitaux sont en affaire pour augmenter leurs profits; ce qui veut dire augmenter les coûts pour les patients », peut-on lire sur le blogue du NNOC, mis à jour quotidiennement du lundi au vendredi.

Le blogue propose aussi une revue de presse sur le sujet de l’assurance-santé, sur les lobbys et l’élection présidentielle, en plus de reproduire plusieurs témoignages déchirants d’Américains floués par leur assureur ou laissés à eux-mêmes, sans couverture médicale.

Un des derniers exemples en liste est le cas de Michael Keenan, un résident de San Francisco. Lors d’un accident de la route, l’homme avait acquis une certaine notoriété en plongeant dans la baie de San Francisco pour sauver un couple dont la voiture venait de couler. Élevé au rang de héros par les médias locaux, il s’est à nouveau illustré quelques années plus tard en pénétrant dans une maison en flammes pour sauver un chien.

Michael Keenan a été brûlé sur 80 % de la surface de son corps et repose entre la vie et la mort à l’unité des grands brûlés. Ses proches n’ont pas les moyens de payer les factures d’hôpital. Ses amis ont donc lancé un site Internet où ils recueillent les dons du public afin de payer les frais d’hospitalisation de l’ancien héros de la baie de San Francisco.

« Personne ne devrait avoir à apprendre comment faire du marketing en-ligne ou organiser des ventes de gâteaux pour payer ses soins de santé », commente le syndicat des infirmières.

En plus de maintenir à jour son site internet et son blogue, le syndicat organise des campagnes d’envoi de lettres pour faire pression sur les élus, des visites et des manifestations aux activités caritatives des hôpitaux ainsi que la surveillance des lobbyistes de la santé et des politiciens. Il compte accentuer sa campagne à mesure que les élections présidentielles appprocheront. Pour l’instant, les infirmières constituent l’un des groupes les mieux organisés et les plus militants à réclamer un régime d’assurance-santé public.

La dirigeante du NNOC, Rose Ann DeMoro, est issue de l’Association des infirmières de Californie, forte de 70 000 membres. Diplômée en études féministes, la dirigeante syndicale a fait de la lutte pour un régime universel public d’assurance maladie un enjeu personnel.

Ce combat a fait tellement de bruit que Rose Ann DeMoro vient d’être nommée parmi les dix femmes les plus influentes de 2006 par MSN, l’un des portails internet les plus visités aux États-Unis. Elle y figure aux côtés de Hilllary Clinton et de Nancy Pelosi, la leader de la majorité démocrate à la Chambre des représentants.

Le site internet notait que la syndicaliste « rallie des infirmières à travers tout le pays pour aider à rendre les soins de santé accessibles à tous les citoyens des États-Unis. Elle continuera de susciter beaucoup d’émotions, d’alimenter les débats et de se faire des amis et des ennemis en continuant à se battre pour un régime d’assurance-santé universel ».