Mais qu’en sait-on si l’on ne contrôle pas les usines ?

L’eau qui coule du robinet à l’égout n’est pas un aller-simple

L’eau au cœur de nos vies. Est-ce possible de se faire élire député ou nommer ministre sans avoir réfléchi deux secondes à cette courte phrase qui semble évidente… ? Ben, faut croire que oui ! Ces hommes de quarante, cinquante ans, qui pissent debout en regardant dans le bol depuis que leur mère leur a enlevé la couche, ne se sont guère intéressés à savoir où va leur pipi ! Et qu’en est-il de la curiosité de tous et chacun ?

Chaque jour, nous utilisons fréquemment et facilement l’eau à la maison, au travail et nous tenons ce privilège pour acquis. Presque toutes nos activités quotidiennes la contaminent à différents degrés. Le simple fait de rincer de la vaisselle crée des eaux usées et parfois contaminées, que l’on pense au récurage de certains contenants, pour être ensuite traitées dans une station d’épuration qui n’est jamais efficace à 100 %, loin de là...

L’eau ainsi retournée à l’environnement est donc d’une qualité moindre et non désinfectée, ce qui perturbe la santé des écosystèmes naturels, hypothèque nos possibilités de réutilisation et oblige à un investissement sans cesse croissant pour la décontaminer et la rendre potable.

En effet, l’eau qui coule du robinet et disparaît dans les égouts, ne voyage pas en aller-simple. Elle circule en continu dans l’environnement : elle est réutilisée maintes fois. D’où l’importance pour chacun d’éviter de la polluer et de la gaspiller.

Il est urgent de rappeler que la responsabilité est aussi collective, je pense ici aux dirigeants d’industries qui ne comprennent pas encore que leurs déversements de produits toxiques dans les égouts puissent rendre malades les membres de leur propre famille, à moyen ou à long terme.

Quant aux villes, la peur maladive des élus de lever des impôts les empêche d’améliorer leurs usines d’assainissement des eaux usées. Il reste encore des villes au Québec qui ne traitent absolument pas leurs égouts, préférant se limiter à un traitement primaire tout en ignorant la décontamination de leurs eaux usées.

Mme Louise Corriveau, du ZIP du lac Saint-Pierre, soulignait récemment à propos de l’usine de Montréal : « Or, dans l’état actuel de votre station, même si les solides en suspension ainsi que le phosphore contenu dans ces eaux usées sont traités, les matières dissoutes (qui incluent des substances aussi dangereuses que les produits pharmaceutiques, les perturbateurs endocriniens, les solvants organiques.) sont complètement ignorées à cause de l’absence de traitement secondaire; de même, les bactéries pathogènes, les virus et autres microorganismes provenant de vos nombreuses institutions hospitalières et de vos 2 millions d’habitants ne sont pas éradiqués à cause de l’absence de désinfection. »

Pendant que les ministères de l’Environnement et des Affaires municipales se renvoient à tour de rôle une bienveillante condescendance face à leur responsabilité et leur implication, les usines demeurent très peu contrôlées par le gouvernement. Des centaines de stations n’ont pas été inspectées depuis des années. La situation s’aggravera avec le vieillissement des équipements, encore relativement jeunes, et au fur et à mesure que les développements industriels et résidentiels, envahiront les municipalités.

Pourtant, il existe bel et bien des programmes de soutien financier aux infrastructures des villes, tant au niveau provincial que fédéral, mais nos élus préfèrent encore accrocher des pots de fleurs aux lampadaires de la rue principale que de désinfecter leur propre merde.

Bien sûr, j’aimerais croire que le premier ministre du Québec lancera un programme de désinfection des eaux usées à la grandeur du Québec. Mais, pour le moment, je ne parierais pas sur ce fringant chevalier de l’environnement qui n’a toujours pas légiféré pour empêcher la vente de toilettes de plus de six litres, la vente de sacs en plastique non biodégradables et des bouteilles de plastique de 15 litres non réutilisables, malgré ses promesses.

Lorsque le gouvernement Charest nommera son ministre de l’Environnement, j’en serai à mon dixième ministre. À chacun, il aura fallu expliquer le cycle de l’eau, les effets de la pollution sur la santé de leurs conjoints et enfants; les nôtres n’étant pas des exemples qui les touchent. Les groupes environnementaux devront leur répéter l’histoire des dossiers, à condition bien sûr que l’élu accepte de les rencontrer.

Un ministre que j’ai connu était un fieffé paresseux préférant passer son temps à la chasse et à la pêche, l’autre concevait sa nomination de ministre de l’Environnement comme une « démotion » ternissant une brillante carrière... L’autre ne tarissait pas d’éloges devant sa limousine de service, l’autre se vantait de ne pas avoir lu un livre durant les dix dernières années. Un autre disait ne pas être environnementaliste, béni des dieux c’était sa femme qui l’était et qui le conseillait.

Un autre ne voulait pas consulter ses fonctionnaires, les qualifiant de biaisés par rapport aux orientations de son parti politique. Un autre ayant coupé le financement des groupes environnementaux, déclara : « Je ne subventionnerai pas mon opposition. ». L’un jugeait l’environnement dépassé et encensait l’ère du développement durable, et le dernier était le ministre du désengagement environnemental. En général, ils se sont contentés d’émettre des permis de polluer, acculés par la peur de la grande industrie comme de leur ombre… Certains ont eu du courage, mais ils furent vite rabroués par leur premier ministre.

En tant que défenseur de la santé et de la survie des humains, il faut savoir tout cela, être réaliste et trouver des stratégies et tactiques pour obliger, malgré tout, la classe politique à endosser les dossiers chers à une population qui devient consciente de sa place dans les écosystèmes de la Terre. Voilà pourquoi le travail de prise ou de reprise de contact avec les membres des organisations, les activités collectives de réflexion, de sensibilisation et de formation devra prendre une grande place dans les stratégies de lutte citoyenne.

Du côté des nouvelles stratégies, des 26 candidates et candidats ayant accepté de devenir Députés de l’eau, ainsi nommés par Eau Secours!, au moins un a été élu. Il s’agit du député de la circonscription de Bertrand, Claude Cousineau. Selon la Coalition, la campagne de recrutement sur cinq ans se poursuivra.

La détermination et la patience nous permettront de remettre de l’eau propre au cœur de nos vies.