Le système de régulation privé sert les spéculateurs

Un effondrement attribuable à la vente à découvert

Le marché est fortement manipulé. La force motrice derrière la crise se situe dans les opérations spéculatives. Le système de « régulation privé » sert les intérêts des spéculateurs.

Alors que la plupart des individus investisseurs enregistrent des pertes lorsque le marché s’effondre, les spéculateurs institutionnels gagnent de l’argent lorsque se produit un effondrement financier.

En fait, le déclenchement d’un effondrement du marché peut s’avérer une entreprise très rentable.

Il y a des indices que les régulateurs de la Security Exchange Commission (SEC) (NDT : L’équivalent étasunien à l’Autorité des marchés financiers) ont créé un environnement qui soutient les transactions spéculatives.

Il existe plusieurs instruments, dont les contrats à terme, les options, les fonds indiciels, les produits dérivés qui servent à faire de l’argent lorsque la bourse s’écroule.

Plus elle chute, plus les gains sont importants.

Ceux qui la font chuter sont également ceux qui spéculent sur son déclin.

Avec une connaissance anticipée et des informations privilégiées, un effondrement des valeurs du marché constitue une opportunité lucrative, voire une mine d’or, pour une catégorie privilégiée de puissants spéculateurs qui ont la capacité de manipuler le marché de façon appropriée et au moment approprié.

Un important instrument utilisé par les spéculateurs pour faire de l’argent lors d’une crise financière est « la vente à découvert. »

La vente à découvert consiste à vendre de grandes quantités d’actions que vous ne possédez pas et de les acheter sur le marché une fois que le prix s’est effondré, en vue de conclure la transaction et d’encaisser les profits.

Le rôle de la vente à découvert lors de l’effondrement d’entreprises est bien documenté. L’effondrement de Lehman, Merrill Lynch et Bear Stearns est en partie attribuable à la vente à découvert.

La vente à découvert a aussi largement servi sur le marché des devises. Elle a été l’un des principaux instruments utilisés par les spéculateurs au cours de la crise asiatique de 1997 pour faire chuter le baht thaïlandais, le won coréen et la roupie indonésienne.

La spéculation sur les principaux marchés de devises caractérise également la crise financière en cours. Grandes fluctuations dans la valeur des devises par rapport au dollar canadien qui, par exemple, a perdu 10 % de sa valeur en l’espace de quelques jours.

Des indices démontreraient que la chute de Morgan Stanley a été concoctée par des rivaux. La veille de l’instauration de l’interdiction de la vente à découvert le 18 septembre, Morgan Stanley a fait l’objet d’attaques spéculatives par des rivaux :

Le 17 septembre, John Mack, le PDG de Morgan Stanley, a déclaré dans une note interne aux employés : « Qu’est-il en train de se produire ? Il est très clair pour moi que nous sommes au sein d’un marché contrôlé par la peur et les rumeurs, et que ceux qui vendent à découvert font couler notre action » (Financial Times, 17 septembre 2008)

Morgan Stanley a aussi fait l’objet de doutes exprimés par l’agence de cotation Moody’s, ce qui a contribué à la vente à faible prix des actions de Morgan Stanley par les investisseurs.

Moody’s a déclaré s’attendre à ce qu’un « ralentissement probable dans l’activité du marché mondial des capitaux réduise les recettes de Morgan Stanley ainsi que ses bénéfices potentiels en 2009, et peut-être au-delà de cette période. »

En revanche JP Morgan Chase, contrôlée par la famille Rockefeller, a grimpé de près de 12 %. JP Morgan Chase et Bank of America ont consolidé leur contrôle sur le paysage bancaire étasunien.

À la suite de l’effondrement des marchés boursiers lors du lundi noir du 15 septembre, la Security Exchange Commission (SEC) a instauré une interdiction temporaire de vente à découvert. Dans une amère ironie, la SEC a dressé la liste d’un certain nombre d’entreprises qui étaient « protégées par les régulateurs de ceux qui font de la vente à découvert. » L’interdiction de vente à découvert du 18 septembre de la SEC concernait en grande partie les banques, les compagnies d’assurance et autres entreprises de services financiers.

L’effet d’avoir figuré sur une « liste de protégées » a été vain. Cela équivalait à mettre ces entreprises sur une « liste de cibles. » Si la SEC avait instauré une interdiction permanente de ventes à découvert accompagnée du gel de toutes formes de commerce spéculatif dont les fonds indiciels et les options, cela aurait contribué à réduire la volatilité du marché et à freiner l’effondrement.

L’interdiction de ventes à découvert a été appliquée en vue d’établir la liste des protégées. L’interdiction a pris fin le mercredi 8 octobre à minuit.

Le lendemain matin, le jeudi 9 octobre, lors de l’ouverture des marchés, ces entreprises figurant sur la « liste des protégées » sont devenues « non protégées » et ont été la première cible des attaques spéculatives, engendrant un effondrement spectaculaire de l’indice Dow Jones le jeudi 9 et le vendredi 10.

Le cours des événements était entièrement prévisible. La levée de l’embargo sur la vente à découvert a contribué à accentuer la chute des marchés boursiers. Les entreprises qui étaient sur la liste ont été les premières victimes de l’attaque spéculative.

Les actions de Morgan Stanley ont perdu 26 % de leur valeur le 9 octobre, à la levée de l’interdiction de la vente à découvert, et de 25 % le jour suivant.

Les régulateurs servent les intérêts des spéculateurs La SEC était pleinement consciente du fait que l’interdiction de ventes à découvert servirait à exacerber la chute.

Pourquoi l’ont-ils mise en oeuvre ? Comment ont-ils justifié leur décision ?

Dans une logique tordue, la SEC qui, en grande partie, sert les intérêts des spéculateurs institutionnels, conclut en citant les résultats d’une recherche académique, selon laquelle la vente à découvert contribue à réduire l’instabilité du marché, ce qui justifie l’abrogation de l’interdiction de la vente à découvert du 18 septembre.

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Traduction de Dany Quirion pour Alter Info.