La nouvelle doctrine nucléaire donne froid dans le dos

Une arme d’auto-défense, sans danger, sauf quelques dommages collatéraux

Au cours des derniers mois, l’administration Obama, en liaison étroite avec Israël et l’OTAN, a menacé l’Iran avec l’arme nucléaire.

Les déclarations récentes de Washington se réfèrent explicitement à un usage préventif d’armes nucléaires tactiques contre la menace nucléaire présumée de l’Iran et afin de garantir la sécurité mondiale.

C’est le monde à l’envers : l’attaque nucléaire se convertit de la sorte en une « guerre humanitaire » dont l’objectif consiste à « prévenir la guerre nucléaire ».

Depuis que la première bombe atomique fut larguée sur Hiroshima le 6 août 1945, l’humanité n’a jamais été aussi proche d’un impensable holocauste nucléaire qui pourrait, en retombées radioactives, s’étendre sur une grande partie du Moyen Orient.

Toutes les garanties de la période de la Guerre Froide, qui cataloguait la bombe atomique comme « une arme de dernier recours », ont été abandonnées. Des actions militaires « offensives » utilisant des ogives nucléaires sont maintenant décrites comme des actes « d’auto-défense ».

La distinction entre les armes nucléaires tactiques et l’arsenal conventionnel du champ de bataille a été effacée. La nouvelle doctrine américaine est basée sur « des capacités mixtes de

frappe ». Ces dernières, qui s’appliquent tout particulièrement au plan de bombardement aérien de l’Iran par le Pentagone, envisagent l’utilisation de bombes atomiques combinées à des armes conventionnelles.

Comme dans le cas de la première bombe atomique, qui, selon les mots du président Harry Truman « fut larguée sur Hiroshima, une base militaire », les « mini bombes atomiques » d’aujourd’hui sont décrites comme « sans danger pour la population civile environnante ».

Connu dans les cercles officiels à Washington comme « Joint Publication 3-12 » la doctrine nucléaire (Joint Nuclear Operations (NJNA) (Mars 2005), appelle à « intégrer des attaques conventionnelles et des attaques nucléaires » sous un Commandement et un Contrôle unifiés et « intégrés ».

Elle décrit principalement le processus de planification et de gestion de prise de décision, au cours duquel les objectifs stratégiques et militaires doivent être atteints, joignant l’utilisation d’un mélange d’instruments, à très peu de préoccupation pour les pertes en vies humaines.

La planification militaire se concentre sur « l’utilisation la plus efficace de la force », – et un arrangement optimal de différents systèmes d’armement pour atteindre les buts militaires énoncés. Dans ce contexte, les armes nucléaires et conventionnelles sont considérées comme « faisant partie du coffre à outils » dans laquelle le commandement militaire peut piocher et choisir les instruments dont il a besoin suivant « l’évolution des circonstances » sur le théâtre des opérations militaires.

Aucune de ces armes dans le « coffre à outils » du Pentagone, y compris des bombes conventionnelles de destruction de bunkers, des bombes à fragmentation, des mini bombes nucléaires, des armes chimiques et biologiques, n’est décrite comme étant des « armes de destruction massive (ADM) » quand elles sont utilisées par les États-Unis et leurs partenaires de la coalition.

La nouvelle doctrine nucléaire met sans dessus dessous les concepts et les réalités. Non seulement nie-t-elle les effets dévastateurs des armes nucléaires, mais elle affirme, de manière péremptoire, que les armes nucléaires sont « sans danger » et que leur utilisation sur le champ de bataille assurera « des dommages collatéraux minimums et réduira la probabilité d’une escalade ».

Le problème des retombées radioactives est à peine influencé pas reconnu en ce qui concerne les armes nucléaires tactiques. Ces différents principes d’orientation qui décrivent les bombes nucléaires comme « sans danger pour les civils » instituent un consensus au sein des Forces armées qui nourrit ensuite les manuels militaires, fournissant un critère adéquat pour un « feu vert » aux commandants régionaux sur le champ de bataille.

Les bombes nucléaires serviraient à empêcher un programme non existant d’armes de destruction massive (ADM) en Iran.

Alors que la Doctrine nucléaire (NPR 2001) établit les conditions pour une utilisation préventive des armes nucléaires au Moyen Orient, en particulier contre l’Iran, la Doctrine d’Opérations nucléaires conjointes fait un pas en avant pour effacer la distinction entre des actions militaires « défensives » et « offensives ».

« La nouvelle triade offre une combinaison de capacités stratégiques offensives et défensives incluant des capacités de frappes nucléaires et non nucléaires, de défense active et passive, et une infrastructure de recherche et développement et industrielle robuste pour développer, construire, et maintenir des forces d’attaques et des systèmes défensifs… » (Ibid)

Cependant, la nouvelle doctrine nucléaire va bien au-delà d’actions préventives d’« auto-défense » : elle appelle à des « actions anticipées » utilisant des armes nucléaires contre « un ennemi voyou » (l’Iran) qui est supposé projeter le développement des ADM à une date future indéterminée.

La Doctrine d’Opérations nucléaires conjointes dresse la marche gouvernant l’utilisation des armes nucléaires et la nature des relations entre les opérations de guerre nucléaire et conventionnelle.

Le DJNO déclare que : « L’utilisation des armes nucléaires sur le théâtre [de guerre] nécessite que les plans nucléaires et conventionnels soient intégrés le plus largement possible ». (DNJO, p. 47)

Les conséquences de cette « intégration » ont d’énormes incidences car une fois que la décision est prise par le commandant en chef, c’est-à-dire le président des États-Unis, de lancer une opération militaire conjointe conventionnelle-nucléaire à l’endroit de l’Iran, il y a un risque que des armes nucléaires tactiques soient utilisées sans requérir l’autorisation présidentielle. Vues sous cet angle, les procédures d’exécution sous la juridiction des commandants sur le théâtre des opérations concernant les armes nucléaires sont décrites comme étant « souples et adaptées à des changements dans la situation. »

Ce que cela signifie en pratique, c’est qu’une fois que la décision présidentielle prise, le US Strategic Command (USSTRATCOM) en liaison avec ses commandants, peut décider quelles cibles seront visées et à quel type d’armement on aura recours. Les stocks d’armes nucléaires sont maintenant considérés comme faisant partie intégrale de l’arsenal du champ de bataille. En d’autres termes, les bombes nucléaires ont été intégrées au « coffre à outils » devant servir sur un théâtre de guerre conventionnelle.

Alors que l’autorisation présidentielle est formellement exigée pour enclencher une guerre, les commandants régionaux seraient chargés du Théâtre des Opérations nucléaires (TNO) avec le mandat de : Non seulement appliquer mais aussi de formuler des décisions au niveau du commandement concernant les armes nucléaires (La doctrine des opérations nucléaires conjointes DJNO)

Nous n’avons plus affaire au « risque » associé à « un lancement accidentel ou par inadvertance », comme cela avait été formulé par l’ancien secrétaire à la défense Robert S. Mc Namara, mais à un processus de prise de décision militaire qui fournit au commandants militaires, du commandant en chef jusqu’au commandants régionaux, ces pouvoirs discrétionnaires à recourir à des armes nucléaires tactiques.

De plus, parce que ces « plus petites » armes nucléaires tactiques ont été « déclassifiées » par le Pentagone comme étant « sans danger pour la population civile environnante » ainsi, « minimisant le risque de dommages collatéraux », il n’existe pas de restrictions primordiales prédéfinies pour empêcher leur utilisation à l’endroit de l’Iran.