Le gaz de schiste n’a pas d’avenir au Québec

Ajustons nos lunettes, gardons notre sang-froid, il y a subterfuge !

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) n’est pas en faveur d’un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste. Il propose plutôt de mettre en place une stratégie d’évaluation environnementale visant à acquérir des données sur le terrain et de procéder à des expérimentations. » (Extrait du Rapport du Bape)

Nous aurons, pour calmer les humeurs, des comités relevant du ministère du Développement durable qui étudieront la situation du schiste, et sans arrêter les entreprises, les incluront dans une « Évaluation environnementale stratégique ».

Ajustons nos lunettes et gardons notre sang-froid, car il y a subterfuge.

Quelques considérations pour bien saisir la portée de ce dossier. Avons-nous oublié que chacune des entreprises impliquées dans le schiste/shale, l’est aussi dans le pétrole et le pétrole de shale ? Avons-nous oublié qu’elles opèrent avec la bénédiction des permis émis par le ministère de l’Environnement ?

Comme l’explique le géologue Yvon Pageau, il y a très peu de gaz de schiste captable au Québec. Pendant deux ans, les yeux seront braqués sur une industrie qui n’a pas d’avenir au Québec. L’industrie le sait, c’est le pétrole qui l’intéresse. Portez attention à ce qui s’ensuivra sur l’Île Anticosti !

Le BAPE avait un mandat dilué qui ne touchait pas au pétrole. En novembre 2010, le gouvernement a bien pris soin de mettre fin à la révision de la loi des mines, ce qui libère les pétrolières de toutes nouvelles entraves à leurs façons de fonctionner. Le problème minier au Québec reste donc entier : les firmes gardent le droit de vous exproprier, paient peu de redevances sur l’exploitation de nos ressources et se confortent dans l’absence de sens civique quant au voisinage des puits.

Inutile d’en ajouter sur la naïveté de ceux qui acceptent des droits de passage sur leur terrain, tout ignorants qu’ils sont du marché pétrolier. Avec le temps, ces dupes rougiront de honte de s’être fait exploiter si facilement… mais le mal sera fait.

Dans ce contexte, le gouvernement du Parti Libéral du Québec choisit l’économie à court terme. Avouons qu’il est quand même conséquent depuis sa campagne de 2003 : l’économie d’abord.

Le BAPE ne pouvait en aucune façon recommander de tenir un moratoire sans déroger du mandat reçu par le gouvernement du Québec.

Le 31 août 2010, le ministre du Développement durable, de l’Envi­­ronnement et des Parcs, Pierre Arcand mandatait le BAPE d’instituer une commission d’enquête sur LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L’INDUSTRIE DU GAZ DE SCHISTE AU QUÉBEC. Il ne s’agit pas ici de tenir une commission d’enquête pour que l’industrie se développe dans la durabilité écologique de la terre ou de s’assurer que l’environnement des citoyens soit durable. Il ne s’agit pas ici d’arrêter l’industrie, même si cela devait empoisonner la santé de la population.

Non ! Le gouvernement libéral demande au BAPE de lui donner les munitions pour accélérer le processus de fracturation des sols québécois.

Vous venez de lire comment le gouvernement Charest trafique la définition du mot « durable » utilisé dans le monde de l’écologie et de l’environnement. C’est la clé pour démasquer le subterfuge. Initialement ce mot inventé par Gro Harlem Brundtland, stipulait que le développement économique devait se faire sans atrophier l’environnement des humains.

Dès leur élection en 2003, le mot « durable » dans la bouche de Jean Charest et de son ministre de l’Environnement Thomas J. Mulcair prend un contresens. Leur premier délit de sens se trouve dans la dénomination même du ministère de l’Environnement et de l’Eau.

Afin d’effacer la portée médiatique des mots environnement et eau, l’ineffable Mulcair le nomme Ministère du Développement durable. Sous la pression du milieu environnemental outré de voir la mission du ministère ainsi affaiblie, il opta pour le Ministère du Développement durable, de l’environnement et des parcs. Voilà donc le Développement mis en priorité sur l’Environnement.

Revenons au mandat à propos du gaz de schiste. Dans les faits, le gouvernement Charest demande au BAPE de lui indiquer comment éviter les perturbations sociales. Lorsqu’il lui demande des règles de mitigation, c’est qu’il veut savoir quel cataplasme mettre sur une situation de pollution appréhendée afin d’éviter un soulèvement de citoyens.

Il veut connaître les arguments qui le garderont du ridicule d’avoir négligé d’appliquer les lois déjà existantes pour protéger l’environnement ! Il recherche le « band-aid » scientifique sur une situation en voie de dégrader la vie humaine, la flore et la faune ! Il tente de prouver à la population qu’il ignorait tout de ce que le BAPE a rapporté. Il veut nous convaincre d’accepter cette industrie dans nos paysages.

En 2004, le gouvernement Charest a instrumentalisé le BAPE et a choisi ses présidents et commissaires en fonction de sa propre vision du développement DURABLE.

Thomas Mulcair a désigné William Cosgrove à la présidence, un partisan de la privatisation de l’eau au sein du Conseil mondial de l’eau (la Chambre de commerce des multinationales de l’eau).

Dès lors la mission du BAPE est détournée, ce dernier doit tenir maintenant compte de l’économie durable à la libérale. Fini le temps où une recommandation savait dire : non c’est trop polluant ! Le BAPE, avec la complicité de Santé publique Québec, en est maintenant à tenter statistiquement de trouver le nombre de morts, blessés ou malades qui serait acceptable par la population lorsque qu’un projet met a risque la vie et la santé des citoyens.

Donc, d’un lieu d’analyses scientifiques et de diffusion de la connaissance avec les citoyens, le BAPE, assujetti aux caprices du gouvernement actuel, est devenu un lieu de défoulement pour les citoyens frustrés devant la sourde oreille de leurs élus.

Vous en doutez ? Relisez les rapports du BAPE et constatez comme il s’est ridiculisé dans les dossiers du Suroit, de la mine d’Oka, d’Osisko, du mont Orford, dans le cas du bruit des motoneiges dans les sentiers en forêt habitée, avec Rabaska et son port méthanier et c’est tout aussi vrai dans le dossier du gaz de schiste. Le BAPE s’acquitte bien de son rôle de bouclier politique et livre la marchandise.

Ce que le BAPE a rapporté sur le gaz de schiste, le gouvernement le savait. La protection de l’eau a été étudiée par la Commission Beauchamp en 2000.

La Politique nationale de l’eau, adoptée par l’ancien gouvernement en novembre 2002, a été reprise dans un élan de marketing par Charest après son élection en 2003 ; depuis, elle végète de tablette en tablette.

Dans un autre éclat de publicité, il adopte le 12 juin 2009 une loi sur la protection de l’eau, laquelle souffre à son tour de non promulgation ou de « tablettage »…

La construction de chemins dans la forêt pour accéder aux puits a été discutée à la commission Coulombe et en commission parlementaire.

Les mines ? Il vient d’en terminer les consultations en commission parlementaire, les plus grands spécialistes ont défilé devant le ministre.

La pollution de l’air et la production du CO2 ? Ce gouvernement a tenu des commissions sur le sujet, autant d’experts que de citoyens, pour dire qu’il adoptera les règles du protocole de Kyoto, même si le Canada n’y adhère pas.

Alors la décision du BAPE est très astucieuse.

Non seulement les compagnies vont pouvoir continuer, elles auront une raison scientifique de le faire. Un cas semblable s’est passé au Japon avec la chasse à la baleine.

Devant un moratoire international qui s’opposait à la chasse, les Japonais ont trouvé une clause dans le traité pour justifier des cas d’expérimentation scientifique, sous le sceau desquels ils ont soutenu le développement durable de cette industrie… sans protéger naturellement de façon durable les cheptels pour les générations futures.

Qui va payer l’étude ? Nous, les citoyens, certainement pas cette pauvre industrie minière. Sur un plateau d’argent, ces industrieux se serviront de toute l’information que nous leur donnons gratuitement. D’ailleurs le Canada est reconnu par l’industrie minière internationale comme étant « le plus meilleur pays au monde » dans la dilapidation d’informations géologiques.

Suite à la décision du BAPE et du gouvernement, nous avons vu une baisse des cours de l’action des minières alignées sur le schiste. Pitié pour ces pauvres compagnies qui perdent de la valeur en bourse ! N’oubliez pas d’informer les propriétaires d’actions minières que leur perte est déductible d’impôt. Généreusement, nous en paierons une part avec nos taxes. Quant aux compagnies, elles peuvent déjà déduire les pertes de leurs impôts et reporter la déclaration de profit à plus tard pour cause de marché difficile. Donc, là aussi, nous payerons une part avec nos taxes.

Nous vivons présentement une des plus grandes mises en scène du théâtre politique québécois, gracieuseté du prodigue gouvernement Charest. Sauf que le prix d’entrée est énorme, ça s’appelle la dilapidation de nos impôts. À ce jour, un manque à gagner de 5 milliards $, nous dit le BAPE.

Si nous avions les lois de la France nous pourrions les poursuivre devant la Justice pour …mal usufruit de bien public !