La forte tentation d’une alliance NPD-Québec Solidaire

Les péquistes risquent de ne rien apprendre de la déconfiture du Bloc

*On peut facilement imaginer que les dirigeants du NPD et de Québec solidaire – du moins de son aile fédéraliste – contemplent avec ravissement les perspectives qui s’offrent à eux.

À ceux qui s’étonneraient de ce rapprochement, rappelons que de nombreux militants de Québec solidaire ont pris position, ont milité et ont même été candidats – le plus connu étant Alexandre Boulerice – pour le NPD, lors de cette élection. Ses dirigeants avaient appelé à voter contre Harper, mais sans prendre position en faveur du Bloc.

Québec solidaire est devenu officiellement indépendantiste, après beaucoup de tergiversations, mais a conservé en son sein une aile fédéraliste qui, soyons-en assurés, doit déjà bomber le torse.

D’autant plus que le NPD pourrait faire miroiter à la direction de Québec solidaire le fait que, dans 59 circonscriptions au Québec, il disposera dorénavant d’une infrastructure organisationnelle et politique qui pourrait être mise au service de Québec solidaire pour la préparation de la prochaine campagne électorale. Ce n’est pas rien.

Une coalition NPD-QS pourrait également bénéficier d’appuis importants au sein du mouvement syndical, ce qui faisait défaut jusqu’ici à Québec solidaire. Enfin, Thomas Mulcair et Amir Khadir, s’ils unissent leurs efforts, formeraient un tandem redoutable.

En France, sur les panneaux de signalisation aux passages à niveau, on peut lire : « Un train peut en cacher un autre?», pour prévenir les automobilistes et les piétons de l’arrivée possible d’un train venant en direction opposée à celui qu’on a sous les yeux.

On peut servir le même avertissement aux souverainistes. Pendant que vous êtes obnubilés par un éventuel parti de droite dirigé par Legault, vous ne voyez pas le train NPD-QS qui entre en gare.

Pourtant, l’expérience du Bloc devrait nous servir de leçon. Aveuglé par Harper, il a complètement négligé le NPD. Une fois en campagne électorale, il était trop tard pour fouiller dans le programme du NPD et se demander ce que peut bien contenir la fameuse Déclaration de Sherbrooke.

Le débat avec Québec solidaire doit donc être engagé le plus rapidement possible pour que nos concitoyens aient une idée claire et précise des politiques défendues par les souverainistes d’allégeance péquiste, et la direction de Québec solidaire.

Déjà, des divergences importantes sont apparues entre les deux formations politiques. Par exemple, sur les questions linguistiques et de la laïcité. Un leader de Québec solidaire s’est prononcé contre l’extension aux cégeps des dispositions de la Loi 101, et QS est favorable à une laïcité ouverte.

Il en va de même sur la voie à suivre pour l’accession du Québec à l’indépendance nationale. Alors que, de façon générale, les péquistes suivent l’exemple de la Révolution américaine, soit une Déclaration d’indépendance (1776), suivie de l’adoption d’une Constitution (1787), Québec solidaire s’inspire plutôt de l’exemple récent de pays latino-américains déjà indépendants, avec la mise sur pied d’une Assemblée constituante qui aurait à débattre, entre autres questions, de la pertinence ou pas de l’indépendance du Québec.

Un véritable débat entre les deux courants politiques permettrait également d’élever à un niveau supérieur l’articulation entre la question sociale et la question nationale.

La nécessité d’une telle confrontation idéologique ne devrait pas être à démontrer. Mais le risque existe que des péquistes n’apprennent rien de l’expérience du Bloc face au NPD, gardent la tête dans le sable et prient pour que les vents, par une quelconque intervention divine, redeviennent favorables, la veille du prochain scrutin.

Quant aux membres de Québec solidaire, ils peuvent rêver d’une réédition, sur la scène provinciale, des récents succès du NPD. Mais, au lieu d’un scénario Québec, nous pourrions nous retrouver, le soir des prochaines élections québécoises, avec un scénario Ontario. Faut-il rappeler que le Parti conservateur a profité de la division du vote entre le Parti Libéral et le NPD pour remporter les circonscriptions qui lui ont permis de former un gouvernement majoritaire.

À voir l’enthousiasme avec lequel les fédéralistes canadiens, de toutes allégeances, de la gauche à la droite, ont accueilli la défaite du Bloc Québécois, on peut facilement imaginer qu’ils applaudiraient avec la même vigueur l’élection d’un parti fédéraliste au Québec, fût-il de gauche. Parions qu’ils seraient même prêts à donner un coup de main pour que cela se réalise.

*Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre