Ça vous dirait pas de lire Business Week, des fois ?

À mes amis journalistes économiques à l’occasion de la retraite de Claude Picher

Samedi 15 octobre 2011, le journaliste économiste autodidacte très et beaucoup à droite Claude Picher de La Presse a rédigé son dernier texte. Bonne nouvelle, mais ne vous réjouissez pas trop vite car La Presse va le remplacer par une copie conforme afin de continuer à vous intoxiquer.

Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, le mercredi 12 octobre 2011, un appel téléphonique du journaliste Vincent Brousseau-Pouliot de La Presse pour que je commente brièvement la carrière journalistique de Claude Picher avec qui j’ai eu quelques différends au fil des ans.

Je lui ai simplement signalé que, comme la flagornerie et la convivialité n’étaient pas mon fort, selon moi, Claude Picher a toujours été un porte-queue des gros capitalistes (incluant Power, la compagnie-mère de La Presse), se référant toujours aux études pondues par l’organisme d’extrême-droite patronal du Fraser Institute qui emploie Ralph Klein et Mike Harris, les ex-premiers ministres de l’Alberta et de l’Ontario, comme chercheurs en plus. Quelle farce grotesque !

Bien évidemment, mon opinion n’a malheureusement pas été retenue dans La Presse du 14 octobre 2011, tout comme mes opinions n’ont jamais été publiées dans ce média qui, certains jours, ressemble à un catalogue de publicités.

Pourtant, c’est sans prétention aucune que je vous dis, avec une légère pointe de fierté, que je n’ai que des amis et des partisans invétérés parmi la confrérie journalistique écrite et parlée. Vrai qu’ils ne m’appellent pas souvent pour s’enquérir de mon opinion, mais ça n’empêche pas qu’ils m’aiment beaucoup.

Ils préfèrent tout simplement des analystes économiques plus lucides, plus modernes et très sérieux, qui font preuve d’une très grande « rigueur » fiscale et de plus, de réalisme économique.

Par rigueur fiscale, ils entendent évidemment détaxer et subventionner les riches et les entreprises et taxer le monde ordinaire, et surtout, ce qui est très à la mode chez les économistes « pragmatiques », tarifier tous les services publics « full pin », oups !

Par réalisme économique, faut leur parler en bien des privatisations, de la sous-traitance, des PPP, de la désyndicalisation et autres bonnes choses du genre.

À mes amis journalistes économiques, puis-je me permettre de leur suggérer de lire de temps en temps la revue américaine d’affaires Business Week, qui est loin d’être à la solde des communistes, et de commenter dans leurs médias ses dossiers et articles très fouillés.

Tiens, prenons un premier exemple. Dans un article du 26 septembre 2011 intitulé : « Job Killing Tax Hikes May Not Be So Deadly », il est écrit ceci noir sur blanc : « Il existe des preuves très limitées que des impôts plus élevés des riches signifient moins de jobs ».

Dans ce texte, il est aussi mentionné que les baisses d’impôt consenties aux gros bonnets ne sont pas injectées dans l’économie, mais ne font qu’augmenter leurs grosses épargnes et alimenter la spéculation.

C’est exactement ce qu’avait affirmé l’économiste Lise Pichette de la Banque du Canada dans sa recherche exhaustive commentée dans La Presse du 10 octobre 2008 : « La Bourse n’influence pas la consommation ».

Ce qu’il faut faire, amis inséparables, c’est de détaxer la classe moyenne qui va consommer immédiatement ces réductions d’impôts et de taxes, stimulant ainsi l’économie et la création d’emplois. Mais, le patronat, ses économistes de service et ses journalistes attitrés prêchent tout le contraire et plaident pour augmenter les taxes à la consommation et les tarifs de tous les services publics.

Ça prend pas une lumière pour comprendre que si vous augmentez la TVQ, les frais de scolarité, instaurez un impôt santé, des péages sur les autoroutes et les ponts, haussez les tarifs d’électricité et ceux du transport en commun sans augmenter les salaires des travailleurs, eh bien vous les appauvrissez ! Comprenez-vous ça, amis journalistes économiques ?

Toujours dans le même article du Business Week, il est mentionné que durant les années 50, de forte croissance économique aux États-Unis, le taux marginal d’impôt des plus riches Américains était, tenez-vous bien mes amours, de 91 %.

Admettez que ça vous fait freaker et que vous êtes horrifiés. Camarades journalistes, calmez-vous, je vous en prie. Suggérer ça aujourd’hui, vous nous sortiriez pour la énième fois votre vieille cassette ridicule de l’exode des cerveaux et celle qui parle d’étouffer et de brimer injustement nos créateurs de richesse.

Toujours dans le même numéro du 26 septembre 2011 de la revue Business Week, il y a cet autre article, mes potes, intitulé « The Buffet Rule Isn’t Sensible Reform » dans lequel on conclut en disant : « Les impôts ne sont pas une punition. Ils sont le prix à payer pour vivre dans une société dite civilisée ».

Et puis tiens, il y a aussi ce dossier fiscal très intéressant concernant l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux pratiquée par les grandes compagnies américaines qui veulent rapatrier ces milliards de dollars aux États-Unis sans payer d’impôt et qui engagent, comme au Québec et au Canada, d’ex-politiciens comme lobbyistes pour faire pression auprès des gouvernements. Un dossier de trois pages publié le 3 octobre 2011 et intitulé : « The Trillion Dollar Tax Holiday ». Vos lecteurs adoreraient.

Preuve que j’ai pour vous, amis journalistes, un amour démesuré, cet autre dossier du 11 avril 2011 de 7 pages paru encore dans Business Week et titré en gros caractères en page frontispice svp. : « How to Pay No taxes » et en sous-titre : « 11 abris et stratagèmes fiscaux utilisés par les plus riches américains ».

Dites-moi pourquoi n’avez-vous jamais rien rédigé sur ces dossiers étoffés et articles pertinents parus dans la revue d’affaires Business Week ?

Incroyable mais vrai, même les revues d’affaires américaines sont beaucoup plus critiques des politiques fiscales et économiques élaborées aux États-Unis que l’ensemble de nos médias d’ici. Faut le faire ! Pourquoi tenir vos lecteurs et vos auditeurs dans une telle ignorance ? À qui cela profite-t-il ? Qui dicte l’agenda ?

Et puis que dire de cet autre article du 15 août 2011 intitulé : « Same Tax Stand Ignores Different Times » dans lequel il est mentionné qu’en 1982 le président républicain américain Ronald Reagan, pourtant très à droite, a promulgué les plus importantes hausses d’impôts sur le revenu de l’histoire des États-Unis avec comme résultat une croissance économique époustouflante. Hum ! Hum ! Ce n’est pas du tout ce que dit la légende.

De même, en 1993, Bill Clinton a augmenté substantiellement les impôts sur le revenu des riches et des compagnies et pouf, pouf, pouf, la plus gigantesque croissance économique de ce pays : un surplus de plusieurs milliards de dollars pour le gouvernement fédéral et un taux de chômage inférieur à 4 %. Ayoye !

Pourtant, à l’époque, le patronat, ses journalistes et ses économistes jugeaient que les hausses d’impôt allaient provoquer une terrible récession, tuer l’emploi et décourager l’entrepreneurship. Dépêchez-vous et allez lire ces articles récents. Vous allez vous coucher ce soir moins… Faites comme Elvis Gratton et enregistrez votre partie de hockey.

Ce que j’aime, c’est qu’entre amis, on peut et on doit se parler franchement. L’hypocrisie n’a plus sa place entre nous. Je suis sûr que vous êtes d’accord avec moi et que vous appréciez mes remarques.