Les heures d’anglais doublent au détriment du français

Portrait troublant d’une école frappée d’anglomanie galopante

Je suis ici aujourd’hui pour vous parler de culture. Avec votre permission, je m’attarderais sur deux points importants : L’anglomanie galopante et la fragilisation tranquille du français. La fragilisation de notre navire culturel… au Québec.

Je vais à ce propos me référer aux travaux de deux chercheurs, Érick Falardeau et Denis Simard. Ils sont tous les deux de l’université Laval. À travers un travail de recherche qu’ils ont mené et consigné dans un livre publié par les Presses de l’université Laval et intitulé : « La culture dans la classe de français… », ils nous rapportent des faits troublants relatifs à l’expansion de la langue anglaise dans la sphère de l’enseignement au secondaire.

Je vous recommande les pages 104 à 107 dont je vous lis quelques extraits :

« Les Anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé n’est sûrement pas l’œuvre littéraire qui soulève l’enthousiasme le plus délirant auprès des élèves québécois de 18 ans. Pourtant, cette histoire vieillotte selon plusieurs a éveillé en Chantale (enseignante) un sentiment précieux, unique, irremplaçable : celui d’appartenir à un tout cohérent, à une société francophone qui partage une langue et une façon de comprendre le monde. Cette expérience forte de lecture a ainsi mis en mouvement plusieurs dimensions de son propre rapport à la culture – notamment le sens à ses yeux des objets et des pratiques – et lui a permis de comprendre son malaise à l’égard d’une littérature étrangère qu’on lui imposait.

« Dans l’école secondaire où enseigne Chantale, la concentration en anglais occupe de plus en plus de place, au point où la direction a décidé d’amputer la classe de français des heures supplémentaires que lui attribuait le nouveau régime pédagogique de la réforme, pour permettre aux enfants de doubler leurs heures d’anglais dans un cycle de neuf jours. La lutte acharnée que mène Chantale contre cette décision s’inscrit à notre avis pleinement dans sa logique identitaire : On s’est entredéchirés il y a deux ans, ici, vraiment, à l’assemblée, quand ils ont dit qu’ils coupaient encore dans le français. Et puis encore, on a eu une réunion la semaine dernière parce qu’ils voulaient couper le français de 3, puis [le directeur] nous a défendus.

« Elle se bat constamment contre ses collègues anglophiles ; elle a même reçu un grief, ce qui n’a en rien ébranlé sa détermination et sa hargne : Et puis ici, ça nous parle en anglais, les profs d’anglais. Moi, des fois, je viens sans connaissance ! Ils me parlent en anglais ! Ce n’est vraiment pas sain, cette situation-là.

« Elle ira jusqu’à transporter cette bataille dans son enseignement, pour que ses élèves soient bien conscients des tensions linguistiques qui existent à l’intérieur de leur école pourtant entièrement francophone.

« De façon générale, le français est détesté. Sincèrement. Oui, [j’ai une prise contre moi]. Puis, ils me parlent en anglais pour niaiser. Je dis aux élèves : Étant donné qu’en anglais ils vous enlèvent des points quand vous parlez français, si vous osez me parler en anglais, j’enlève des points !. Les élèves, ça arrête tout de suite, mais il faut toujours ramener cette … Je ne fais pas de bataille contre l’anglais, c’est correct qu’ils l’apprennent, j’en ai fait mon deuil. Sauf que, dans ma classe, je veux faire en sorte qu’ils aiment le français avant la fin de l’année.

« […] Même les parents mettent de la pression sur l’école pour accentuer la valorisation de l’anglais - et, par le fait même, la dévalorisation du français : Il ne faut pas se leurrer, la concentration anglais attire des élèves que nous n’aurions pas. Eh oui, [il y a un lobby de la part des parents]. Ça, je n’aurais pas osé le dire, mais il y a ça.

« L’évocation du lobby mise entre crochets vient de la bouche de l’interviewer qui cherchait à relancer l’idée de Chantale ; sans le savoir, il a mis le doigt sur un tabou : l’anglais attire les élèves les plus forts dans son école à une époque où toutes les écoles se battent à coup de programmes spéciaux pour contrer la puissance attractive de l’école privée.

« À ses yeux, les répercussions de cette situation sur les élèves sont importantes, puisqu’ils construisent leur rapport à la culture, le sens et la valeur de la langue dans un contexte du tout-anglais : Ces élèves sont extrêmement forts en anglais, ils adorent l’anglais parce qu’ils en ont 8 périodes ! C’est qu’on a beaucoup plus de temps pour passer la culture ! Ce n’est pas une culture francophone qui passe en anglais, c’est une culture anglophone. ! Malheureusement ! Avec les meilleurs élèves. Donc, ce sont ces enfants-là qui s’en vont dans notre société ! Qui vont prôner quoi au bout de la ligne ? C’est ce que je trouve triste personnellement pour la langue ».

Extrait de l’allocution de Maka Kotto lors de l’investiture de Monique Richard comme candidate du Parti Québécois dans la nouvelle circonscription de Montarville.