Évelyne Brochu, une comédienne habitée

Rencontrée dans un restaurant du quartier Villeray à Montréal, Évelyne Brochu, la comédienne phare du film « Inch’Allah », m’accueille à sa table avec un grand sourire et une poignée de main chaleureuse. Élancée, élégante, les traits délicats, le teint resplendissant, la jeune femme dégage un charme fou.

« Le personnage de Chloé est un rôle exigeant, me dit d’emblée Évelyne Brochu. Quand on vit d’un métier qui nous passionne et qu’on a la chance de s’attaquer à un personnage si beau, si vaste et nuancé et que le rapport avec les autres acteurs du film est tellement intense, oui, c’est exigeant. Mais un rôle comme celui-là, je l’ai souhaité depuis si longtemps ! »

Évelyne a accompagné l’équipe de repérage à Jérusalem et à Ramallah, lieux où se situe l’action. « Ce contact physique m’a aidée à ressentir dans ma chair les lieux où le personnage allait évoluer. Ce qui m’a permis, ensuite, de les transposer à Amman, en Jordanie, où l’essentiel du film a été tourné. Par la même occasion, j’ai côtoyé des figurants palestiniens choisis pour jouer leur propre rôle dans les camps de réfugiés reconstitués pour les besoins du film », m’explique-t-elle.

De retour à Montréal, elle a rencontré une obstétricienne afin de mieux saisir de l’intérieur la pratique médicale de son personnage, à mieux comprendre ce qui motive une personne à devenir médecin, sa détermination et, surtout, le courage qu’il faut pour intervenir dans un contexte de guerre.

« J’ai rêvé à ce personnage, me dit Évelyne, j’ai puisé dans mes propres expériences de vie, j’ai visionné des films, lu des romans, écouté de la musique, des chansons, mis à profit impressions et sensations accumulées en cours de route. »

J’ai demandé à l’interprète de Chloé de me raconter la scène la plus saisissante du film, celle où elle doit procéder à un accouchement dans des circonstances extrêmes. « Je me suis arrimée à Sabrina Ouazani (Rand) et à Yoav Donat, le soldat du checkpoint, la chaleur m’enveloppait. Une scène très physique qui me transportait. On sait que ce n’est pas réel, mais d’une certaine manière, on le ressent si fort que ça le devient. »

Traverser un checkpoint n’est pas aussi banal que de passer une frontière. « Pour nous, Nord-Américains, il suffit de montrer un passeport, de ne pas avoir d’arme sur soi et d’avoir un peu de patience pour traverser un checkpoint », avoue-t-elle.

Évelyne croit que l’attente en ligne de son droit de passage est un procédé inhumain. Elle raconte qu’une jeune dentiste, qui avait accompagné l’équipe du film à Ramallah, ne s’était vue accorder qu’un permis de 24 heures en sol palestinien, malgré le fait qu’elle n’y avait pas mis les pieds depuis 3 ans.

« C’est dérangeant, surtout lorsqu’on reconnaît notre chance de pouvoir circuler entre les deux pays à volonté, sans contraintes. », me dira Évelyne, dont le trouble était encore palpable lors de l’entrevue.

De retour à Montréal depuis décembre 2011, une partie d’elle-même est restée longtemps accrochée aux images de souffrance et de misère, enregistrées dans sa mémoire affective. Une expérience marquante qui l’a menée à prendre la mesure de la liberté de la femme québécoise, « acquise au point où on l’oublie ». « Je peux voyager partout dans le monde, je ne connais pas la guerre. Ces rapprochements humains de collaboration font en sorte que notre empathie devient encore plus profonde », conclut Évelyne Brochu.