Le NPD n’est pas un parti fédéral, mais « national »

Une des erreurs majeures du Bloc Québécois à l’égard du NPD a été d’avoir attendu les dernières semaines de la campagne électorale avant de critiquer son programme. Sa plate-forme électorale était inconnue du grand public, qui ignorait donc qu’elle ne contenait rien sur le Québec.

La même erreur s’est reproduite lors de la dernière campagne électorale québécoise à l’égard de Québec solidaire. On a laissé QS répéter comme un mantra le « scrutin proportionnel », sans passer au crible de la critique sa plate-forme électorale.

On connaît le résultat de ces deux fautes politiques impardonnables. Le NPD a raflé 59 députés le 2 mai 2011 et Québec solidaire a privé le Parti Québécois d’une majorité en septembre dernier.

Dans le cas du NPD, le politologue André Lamoureux apporte une contribution inestimable à l’analyse de ses positions dans un article paru dans l’édition automne 2012 du Bulletin d’histoire politique. Spécialiste québécois du NPD, André Lamoureux est l’auteur de l’ouvrage de référence Le NPD et le Québec, 1958-1985 (Éditions du Parc), dont une édition revue et augmentée est en cours de préparation.

Selon Lamoureux, la présence de 59 députés québécois n’a pas modifié fondamentalement l’attitude du NPD à l’égard du Québec. Six semaines après l’élection, au congrès de Vancouver, aucune résolution concernant la question québécoise n’a été présentée, alors que les élus du Québec formaient plus de la moitié de la députation.

Bien plus, à ce congrès, le NPD a ressuscité la vieille étiquette « nationale » pour dénommer les instances de l’organisation. Ainsi, Nycole Turmel a été désignée présidente du caucus « national » du parti plutôt que du caucus « fédéral ».

Ce n’est pas anodin. Lamoureux rappelle qu’en 1961, la délégation du Québec, dirigée par Michel Chartrand, avait mené une charge à fond de train pour faire changer toutes les appellations des instances du parti et adopter le qualificatif « fédéral » en remplacement du terme « national ». C’était dans le cadre d’une lutte épique menée pour la reconnaissance de l’existence des « deux nations ».

Lamoureux a également relevé les positions prises par le NPD depuis la dernière campagne électorale. Sur la question linguistique, il rappelle que le député néo-démocrate Joe Comartin faisait partie du consensus des cinq députés qui ont soumis la candidature de l’unilingue anglophone Michael Moldaver au poste de juge à la Cour suprême.

Dans son projet de loi visant la protection de la langue française dans les entreprises de juridiction fédérale, le NPD a inscrit un article qui permet au gouvernement fédéral une exemption des dispositions de la loi.

Rien d’étonnant de la part d’un parti dirigé par Thomas Mulcair, un ancien avocat d’Alliance Québec. Il sera intéressant de voir la position qu’adoptera le NPD lors du dépôt par le Parti Québécois de sa nouvelle mouture de la Charte de la langue française.

Au plan social, le NPD a adopté une position pour le moins hésitante sur le registre des armes à feu et le projet de loi C-10 sur les jeunes contrevenants.

Au chapitre économique, Lamoureux ne manque pas de rappeler le soutien enthousiaste de la députation canadienne-anglaise du NPD au contrat de 30 milliards $ aux chantiers navals de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse, et qui laissait scandaleusement sur le carreau le chantier de la Davie à Lévis.

Il note également que le NPD a donné son approbation à l’aide du gouvernement fédéral au projet hydroélectrique du Bas-Churchill du gouvernement terre-neuvien, une aide dénoncée par un vote unanime de l’Assemblée nationale du Québec et réprouvée par le gouvernement ontarien de Dalton McGuinty.

Nous pourrions ajouter l’appui récent, en catimini, du NPD au libre-échange – complètement occulté par la presse québécoise – qui représente un virage à 180 degrés pour ce parti. Mentionnons également la prise de position favorable à l’inversion de l’oléoduc de la compagnie Enbridge qui acheminera du pétrole des sables bitumineux au Québec et, éventuellement, vers l’Asie.

Par contre, Thomas Mulcair est résolument contre l’oléoduc Northern Gateway, destiné à amener le pétrole de l’Alberta vers la côte Ouest. Une position calquée sur celle du NPD de la Colombie-Britannique, pour ne pas nuire aux chances de ce dernier de prendre le pouvoir lors d’élections prévues pour l’an prochain.

André Lamoureux consacre de longs passages de son article à la fameuse Déclaration de Sherbrooke de 2006, qui représenterait la position du NPD sur le Québec. Il montre la contradiction entre cet énoncé politique qui reconnaît le droit du Québec à devenir un pays indépendant avec « 50 % + 1 » des suffrages et le soutien du NPD à la Loi sur la clarté référendaire.

Il faut féliciter le Bloc Québécois de remettre cette question à l’ordre du jour du Parlement canadien. Déjà, nous avons vu les contorsions du député Yvon Godin affirmant qu’il n’y avait pas de contradiction entre les deux !

Mais la négation des droits inaliénables du Québec va encore plus loin. Nous avons déjà démontré que, dans cette Déclaration de Sherbrooke, le NPD hésite à reconnaître l’existence même de la nation québécoise.

Le mot « nation » n’apparaît qu’à un seul endroit et il l’est entre guillemets. Ailleurs, on a recours à toutes sortes de périphrases. Dans la table des matières, on parle de « la reconnaissance du caractère national du Québec », puis, dans le texte, de la « reconnaissance d’une minorité (sic !) nationale avec un caractère distinct au sein d’un ensemble plus large », du droit de la « collectivité (sic !) québécoise », des « gens (sic !) du Québec ». Pourtant, l’objectif de cette Déclaration était « de réaffirmer et de préciser cette notion » de nation !!!

Au plan linguistique, le Québec est, selon la Déclaration, « une société à majorité francophone, dont le français est reconnu comme langue de travail et langue commune de l’espace public ».

C’est très loin de la Charte de la langue française qui proclame le français langue officielle et langue commune du Québec, mais cela est conforme à la Loi sur les langues officielles du Canada. La Loi 101 affirme que le français est la langue commune, non seulement de l’espace public, mais également, entre autres, du monde du travail.

La Déclaration ne reconnaît pas explicitement à la nation québécoise un territoire qui lui soit propre, ce qui ouvre la porte aux menaces de partition du territoire québécois dans l’éventualité où le Québec deviendrait indépendant. À cet égard, Lamoureux rappelle les déclarations favorables à la partition du député Roméo Saganash, lorsqu’il était candidat à la chefferie du parti.

Au congrès de Vancouver, où ne figurait aucune résolution concernant le Québec, les congressistes ont adopté une résolution réclamant l’établissement d’une nouvelle relation de « nation à nation » avec les peuples autochtones.

Dans la Déclaration de Sherbrooke, le NPD propose un fédéralisme asymétrique et coopératif, dont l’élément majeur est le droit de retrait en matière de modification constitutionnelle avec pleine compensation financière pour le Québec dans le cas d’une modification touchant aux champs de juridiction exclusive des provinces.

La Déclaration de Sherbrooke avalise ainsi, souligne Lamoureux, le pouvoir de dépenser de l’État fédéral dans des programmes à frais partagés selon l’esprit de l’Entente-cadre sur l’union sociale canadienne, une entente pourtant adoptée en 1998 sans l’accord du Québec. Cette orientation ouvre donc nécessairement la voie à une certaine interférence dans les domaines de compétence des provinces.

Enfin, conclut Lamoureux, le NPD soutient des positions vacillantes sur la monarchie et hésite à revendiquer une réelle laïcité de l’État.

Il n’est donc pas étonnant qu’à l’occasion du 30e anniversaire du rapatriement de la constitution, Thomas Mulcair ait déclaré que la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 représente « un modèle pour le monde entier » et « un document qui reflète nos valeurs communes ».

La Charte, est-il nécessaire de le rappeler, consacre la primauté de Dieu, fait la promotion du multiculturalisme, nie les droits linguistiques du Québec et ne reconnaît pas son droit à l’autodétermination.