Le déshonneur corporatifde SNC-Lavalin

Les actionnaires se sont fait voler par le conseil d’administration

L’homme qui affirmait qu’il n’y avait pas d’irrégularités dans l’entreprise qu’il dirigeait et qui mettait en doute la crédibilité du rapport de Jacques Duchesneau sur la collusion-corruption au Québec, a été congédié, et maintenant arrêté et accusé de fraude.

Il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Il est maintenant de toute première importance de savoir combien de membres du conseil d’administration de SNC-Lavalin il a nommés durant son règne. N’oublions pas qu’ils lui sont tellement redevables qu’ils ont déguisé son congédiement en départ volontaire avec une prime de départ de 5 millions $.

Les actionnaires se sont tout simplement fait voler par un conseil d’administration d’une moralité plus que douteuse.

L’arrestation est liée à de fausses écritures comptables et à l’autorisation de dépenser en dehors des règles de l’entreprise, le tout dans le cadre de l’enquête de la Sûreté du Québec (UPAC-Opération Marteau) sur le gigantesque contrat du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

De plus, il avait été critiqué par Amnistie International pour avoir cautionné un rapport bidon sur la Libye. Avant que la Bourse malmène l’entreprise, lui et les membres de son bureau ont vendu leurs actions de la compagnie, cela se nomme un délit d’initié. Ils ont empoché le magot en attendant le résultat d’une autre enquête de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) à propos d’un cas de corruption, impliquant SNC-Lavalin, au Bengladesh.

Où est l’Autorité des marchés financiers du Québec dans ce dossier ? C’est vraiment à cet organisme que Mme Marois souhaite confier les enquêtes de probité des entrepreneurs traitant avec le gouvernement ? Elle ferait mieux d’y faire un grosse refonte et surtout le ménage parmi ses fonctionnaires qui s’identifient au monde des affaires et qui se protègent entre eux.

Il fallait lire sans s’étouffer, les propos de Jacques Lamarre ancien pdg qui s’est dit bouleversé d’apprendre l’arrestation de Pierre Duhaime, celui qui lui a succédé à la tête du groupe en 2009.

Bouleversé de l’arrestation mais pas de la fraude, peut-être sait-il lui aussi que la réputation de Lavalin dans le domaine de l’éthique fait long feu lorsqu’on interroge ses sous-traitants.

« C’est d’une tristesse incroyable. Pierre Duhaime a été arrêté, mais il y aura un procès et j’espère encore qu’il sera blanchi de ces accusations » – Jacques Lamarre

Dix heures après cette déclaration de Jacques Lamarre, nous apprenons qu’il a dû se rendre en Suisse pour témoigner à huis clos. Il avait pris soin de se faire accompagner par un avocat et avait négocié avec la Justice suisse de ne pas être retenu en « garde à vue » et de pouvoir revenir au Canada, s’il se rendait là-bas. La magouille a commencé lorsqu’il était lui-même président de SNC-Lavalin. Quel « faux-jeton » de menteur !

Il est temps de lever le voile corporatif et de rendre tout ce beau monde imputable non seulement de ses gestes, mais de ceux de la compagnie.

Duhaime a récemment mis sa maison en vente. Pourra-t-il cacher l’argent, transférer d’autres propriétés à des membres de sa famille, comme l’ont fait les fonctionnaires corrompus de la ville de Montréal ? Il faut faire disparaître ces possibilités en modifiant les lois en conséquence.

L’homme d’expérience, dont les supposés bons coups ont été perpétrés dans le secteur minier, transporte une vision qui n’en fait pas un modèle pour les transnationales de souche québécoise. Encore une cause de déshonneur pour la classe d’affaires du Québec. Le silence tonitruant des chambres de commerce et associations d’affairistes de toutes sortes nous montre bien l’omertá qui plane sur Québec Inc.

Pendant ce temps les hypocrites du Parti Libéral du Québec, tentent de savoir si des ministres du Parti Québécois auraient renversé leur verre de lait lorsqu’ils avaient 5 ans. Ils ont eu leur trophée avec la démission du ministre Daniel Breton, mais comment osent-ils, eux qui ont tout fait pour empêcher la tenue d’une enquête publique ?

Il faut se souvenir de la commission bidon de l’ancien juge Bastarache qui s’est déshonoré en présidant un tel spectacle de foire.

Pourquoi croyez-vous que les procureurs de la couronne ont été obligés de faire la grève pour faire augmenter leur nombre ? Voilà qui retardait encore les poursuites contre les mafieux protégés par la garde rapprochée de Jean Charest.

Ensuite il y a eu les tergiversations sur la nomination du procureur en chef, et les interventions politiques pour faire démissionner Jacques Duchesneau lorsqu’il enquêtait au ministère du Transport.

Et que dire de la bisbille créée par Robert Lafrenière à la tête de l’UPAC pour rendre inefficaces les enquêtes de l’Opération Marteau. A-t-on oublié la décision de Jean Charest de mandater une commission d’enquête bidon ?

Le Parti Libéral du Québec, comme Union Montréal d’ailleurs, devrait se saborder comme l’a fait le parti de l’ex-maire de Laval, « Le Pro des Lavallois ». Trois partis qui ont prôné depuis des décennies la fusion de l’État et du Privé avec des slogans comme « Moderniser ­l’État », « La réingénierie de l’État » et les « Partenariats Publics-Privés » !

Finalement, tous ces mots qui se résument en celui-ci, le « Privatariat », c’est-à-dire privatiser l’État pour que les petits amis s’enrichissent davantage. Le même programme politique que celui des réformistes-conservateurs de Stephen Harper au niveau fédéral.

Au total, voilà ce que cela donne, un « Québec Inc. » avec une mentalité de non-imputable utilisant l’État comme vache à lait de leurs entreprises personnelles, et un État québécois en manque de fonctionnaires qui seraient prêts à défendre le bien commun et les grandes règles de l’éthique de la gouvernance publique.

La première ministre du Québec serait bien inspirée d’obliger les Ordres et les Chambres de commerce à des engagements d’actions réelles au chapitre de l’éthique de leurs membres et une refonte de toute la démarche présentement prônée par l’École nationale d’administration publique quant au rôle de l’État.

Il ne faut surtout pas oublier les Hautes Études Commerciales de l’Université de Montréal et leur enlever leur subvention provinciale tant que l’école n’aura pas inclus dans son cursus une obligation pour tous les étudiants de réussir une formation sur l’éthique et la morale en affaires. Quitte à assujettir l’obtention d’un diplôme à cette règle.

Quel gaspillage de temps, de talents et d’argent ! On continuera à me dire que le secteur privé de l’économie est mieux géré que le public ... foutaise que ces préjugés ! Finalement, le mode de propriété d’un organisme n’a rien à voir avec l’éthique et l’honnêteté des personnes qui dirigent.t