Le chat sort du sac au Conseil national du PQ

Soyons clairs. Si cet amendement est adopté, il n’y aura pas d’entente de libre-échange avec l’Europe », affirmait le ministre Jean-François Lisée, au micro, sur le plancher du Conseil national du Parti Québécois du samedi 11 mai.

Le ministre Lisée réagissait à l’amendement proposé par Marc Laviolette du SPQ Libre à la proposition de l’Exécutif national sur le traité de libre-échange du Canada avec l’Europe, dont on nous prédit qu’il pourrait faire l’objet d’une entente avant la fin du mois du juin.

La proposition se lisait comme suit :

« Le Conseil national recommande à l’aile parlementaire du Parti Québécois de réaffirmer l’importance de la conclusion de l’AECG, en faisant preuve d’une grande vigilance dans le but de préserver les intérêts et les pouvoirs du Québec, notamment dans les domaines de l’agriculture (la gestion de l’offre), des marchés publics, des politiques sociales, de la culture et du patrimoine. »

L’amendement Laviolette proposait d’étendre la vigilance à la présence éventuelle d’une disposition qui permettrait, comme dans le cas de l’ALÉNA, aux entreprises de poursuivre les gouvernements.

L’amendement se lisait comme suit :

« Après les mots du patrimoine, ajouter : et que l’accord n’inclut pas de dispositions, tel l’article 11.10 de l’ALÉNA sur la protection des investissements, dans les accords négociés ».

Pour appuyer la nécessité de cet ajout, Marc Laviolette a invoqué les propos de Jacques Parizeau, condamnant le Chapitre 11 de l’ALÉNA, et il a rappelé différents cas où les entreprises ont eu gain de cause contre les gouvernements canadiens.

Le député Daniel Breton et Paul Crête, membre de l’exécutif national, sont intervenus au micro pour appuyer l’amendement.

Les ministres Jean-François Lisée et Nicolas Marceau se sont pointés au micro « contre » pour faire battre l’amendement, en argumentant que les dispositions ayant présentement cours dans des traités internationaux pour protéger des investissements étaient moins contraignantes que le Chapitre 11 de l’ALÉNA et qu’une telle disposition était néanmoins importante pour protéger les investissements canadiens et québécois à l’étranger.

Reprenant la balle au bond, Pierre Dubuc a voulu faire valoir, en appui à l’amendement, que si le texte sur les investissements étrangers de l’entente Canada-Europe était moins contraignant que le Chapitre 11 de l’ALÉNA, les ministres Lisée et Marceau pouvaient appuyer sans problème l’amendement Laviolette, d’autant plus que les deux ministres étaient informés, de par leur position, de la teneur du projet ­d’entente.

La présidente d’assemblée est alors brutalement intervenue, en vertu d’on ne sait trop quelle logique, pour interrompre Pierre Dubuc, en déclarant hors d’ordre toute référence à « des négociations secrètes dans lesquelles des ministres étaient impliqués » (!?!).

Les interventions des ministres, particulièrement celle de Jean-François Lisée déclarant qu’il « n’y aura pas d’entente si cet amendement est adopté », et la très grande nervosité de la direction du parti qu’exprimait la présidente d’assemblée, ne font que confirmer que tout porte à croire qu’une disposition similaire au chapitre 11 de l’ALÉNA est présente dans le projet d’entente du traité de libre-échange Canada-Europe.

L’assemblée a voté aux deux tiers contre l’amendement. Comment expliquer ce vote ? L’intervention de la députée Jeannine Richard des Îles-de-la-Madeleine contre l’amendement l’explique en grande partie. Elle a déclaré qu’elle voterait contre l’amendement parce qu’elle n’en comprenait pas les enjeux. Nul doute que plusieurs des délégués étaient dans la même situation.

Malheureusement, les présentations ministérielles précédant le débat sur ces propositions n’avaient rien pour éclairer la lanterne des délégués. Le ministre des Finances Nicolas Marceau y est allé d’un laïus complètement euphorique, sans aucune mise en garde, en faveur de l’AÉCG.