Le secret professionnel des élus corrompus

Toutes les portes qui s’ouvrent donnent sur la privatisation

Les politiciens sont seulement des fiduciaires des ressources naturelles et des instruments collectifs qui appartiennent légalement au peuple. Ils n’ont pas la légitimité pour céder notre bien commun, qui ne leur appartient pas, à des affairistes sans consulter la population et obtenir son autorisation.

C’est l’évidence même et les élus le savent fort bien. C’est pourquoi ils dilapident le bien public en catimini et en secret, sans daigner en informer les propriétaires, c’est à dire la population.

Si le cadeau offert aux « entrepreneurs » devient de notoriété publique, impossible de connaître les tenants et aboutissants de ces privatisations, puisque les contrats sont tenus top-secrets.

Incroyable mais vrai et, après cela, les lucides viennent nous entonner l’hymne solennel du Québec démocratique.

Prenons le cas des contrats secrets avec Rio Tinto Alcan. En 2012, Rio Tinto Alcan met ses employés en lock-out et Hydro-Québec est tenu légalement d’acheter toute l’électricité produite par l’Alcan (qui est de loin le plus gros producteur privé d’électricité au Québec). L’électricité coûte 1¢ le kilowatt-heure à produire et est vendue à notre société d’État, contrainte de l’acquérir, 4,5¢ le KWh.

En dernier ressort, c’est la population du Québec qui paie et qui, malgré elle, doit se faire complice de cette transnationale, qui a sauvagement mis ses travailleurs en lockout.

Des dizaines de millions de dollars en fonds publics, versés à une compagnie étrangère milliardaire qui ne paie pas d’impôt sur le revenu au Québec, et qui auraient dû être investis plutôt dans nos services sociaux cruellement sous-financés.

« Électricité. Rio Tinto défend son partenariat avec Hydro-Québec » (Le Devoir, 15 mai 2012). Tout un partenariat ! Le préposé aux relations publiques d’Alcan défend son pseudo-partenariat signé en secret avec des politiciens inféodés, sans le rendre public. Et il faut, en plus, le croire sur parole.

L’ex-ministre libéral Clément Gignac clame dans toute sa petitesse intellectuelle : « On respecte notre signature, on n’est pas dans une république de bananes ». Monsieur Gignac, je vous dirais que c’est pire qu’une république de bananes.

Veuillez faire attention à ne pas insulter les pays en voie de développement que vous qualifiez de républiques de bananes. Avec toute la corruption, sous le règne des libéraux, vous êtes mal placé pour faire la leçon aux autres.

Ce même Gignac s’était montré très favorable à la sous-traitance d’Alcan. Voilà pourquoi le patronat aimait bien Clément Gignac, qui provenait d’une institution bancaire et qui, après son passage en politique, a hérité, pour services rendus, d’une belle job payante à l’Industrielle-Alliance, une autre institution financière.

Raymond Bachand, un autre illustre ex-ministre libéral, a dit qu’il était fier des contrats secrets signés avec l’Alcan. Rendez donc ces contrats publics, que l’on puisse partager cette fierté avec vous, monsieur Bachand ! On a peut-être pas la même notion de la fierté !

Le 23 février 2012, on pouvait lire dans Le Devoir : « Hydro-Québec. Le contrat d’Arcelor-Mittal restera secret. La Société ­d’État refuse de dévoiler l’entente avec la minière, comme le réclame le PQ ». La farce continue. Les huit millions de Québécois sont les véritables et seuls actionnaires d’Hydro-Québec, mais des petits cadres commandités et des élus corrompus se comportent comme si Hydro-Québec leur appartenait.

Ils concoctent, sans notre accord, des transactions qui nous appauvrissent collectivement et nous sommes tenus dans l’ignorance la plus totale. Si leurs « gamicks » étaient si bonnes pour le monde, n’ayez crainte qu’ils les rendraient publiques, afin de se faire du capital politique. Mais quand tout est fait en privé dans des clubs privés, il est tout à fait salutaire d’avoir des doutes.

Arcelor-Mittal achète à 4,3¢ le kilowatt-heure d’Hydro-Québec de l’électricité qui coûte 10¢ à produire. Bernard Drainville, lorsqu’il était dans l’opposition, avait dénoncé l’arnaque qui incluait aussi les milliards de fonds publics nécessaires pour la construction de routes, de chemins de fer, de ports, de lignes de transmission, de décontamination des sites.

L’ex-ministre Gignac avait seriné au député péquiste une ânerie sur laquelle je n’ai aucune envie de m’éterniser. Aujourd’hui, Bernard Drainville est moins loquace et moins fringant.

C’est Pauline Marois, alors qu’elle était dans l’opposition, qui avait révélé l’existence d’un autre contrat secret signé entre Adriana Resources et Hydro-Québec, tout à l’avantage de la minière.

Toujours dans les merveilleuses histoires secrètes : « Les redevances minières, un secret. Québec refuse de dire quelles compagnies ont versé des redevances à l’État en 2010 et 2011 » (Le Devoir, 20 avril 2012). Rendre publics ces faits dégonflerait la balloune tranquille du patronat et des compagnies.

Encore une fois, en catimini, dans les années 2000, les libéraux de Charest ont ordonné à Hydro-Québec de se défaire, pour des pinottes, de tous ses droits et permis d’exploration du gaz et du pétrole dans la province et à les céder à des gens inexpérimentés, n’ayant aucune ressource financière, mais proches des ­libéraux.

Je parle des entreprises Pétrolia, Gastem et Junex, aujourd’hui contrôlées, dans les faits, par des firmes étrangères. On appelle ça de l’auto-colonisation et ne venez pas me dire que c’est la faute des autres provinces canadiennes.

Carrément surréaliste. Sans informer quiconque, les libéraux de Charest, Bachand et Gignac ont cédé nos ressources naturelles à des arrivistes. Ceux à qui ont été accordés les permis d’exploration du pétrole québécois (qui peuvent valoir des milliards de dollars) revendique haut et fort leurs droits : « Pétrolia refusent de dévoiler l’entente ». L’entente restera secrète. (26 février 2011).

Tout à fait révoltant. Messieurs Bachand et Gignac, pourriez-vous nous donner votre opinion sur cette arnaque ?

Imaginez, les élus mandatent, pour négocier un accord économique avec l’Europe, l’ex-premier ministre péquiste Pierre-Marc Johnson, associé d’un important bureau d’avocats qui compte de gros clients intéressés par cet accord. Allô indépendance !

On aurait pu au moins déléguer des hauts fonctionnaires pour négocier cet accord qui aura des impacts considérables sur nos services sociaux, notre souveraineté et sur nos instruments collectifs.

Et que dit monsieur Johnson ? « Tout est sur la table, dit Johnson » (9 décembre 2011). Merci monsieur Johnson de tout mettre sur la table en notre nom. Naturellement, tout est secret.

Voici quelques exemples de la portée de cette éventuelle entente, pigés dans nos médias d’information : « Villes et sociétés d’État devront s’ouvrir » (26 janvier 2012) et « L’accord laisserait les portes grandes ouvertes au privé en santé » (9 février 2012).

Avec ce traité, on ne fera que continuer à grande vitesse la privatisation à des étrangers de nos derniers services sociaux publics : santé, aqueducs, éducation, ponts, aéroports, autoroutes, eau, agriculture. Tout deviendra objet commercial guidé uniquement par le rendement escompté des actionnaires. Faut s’ouvrir au nom de la modernisation de l’État.

Rares sont les ex-élus qui, après leur stage politique, vont travailler dans la fonction publique et dans des organismes communautaires locaux ou internationaux.

Ils sont tous repêchés rapidement par leurs amis du privé, qu’il s’agisse de Jean Charest, Clément Gignac, Lucien Bouchard, Nathalie Normandeau, Guy Chevrette, Monique Jérôme-Forget, Raymond Savoie, Philippe Couilllard, Claude Castonguay. Demandez-vous donc pourquoi il en est ainsi.

Après 30 ans en politique, Jean Charest retourne pratiquer dans un cabinet d’avocats. Il serait encore à jour dans ses connaissances légales !? C’est comme si je retournais pratiquer dans un bureau de comptables, après 40 ans comme professeur universitaire. Il y a Nathalie Normandeau, partie travailler dans une firme comptable, alors qu’elle s’y connaît autant en comptabilité que moi en métaphysique.