Cessons d’ergoter sur la stratégie référendaire !

Notre dépendance nationale affecte toutes les fibres de notre vie économique, politique, culturelle et écologique

*Le 7 avril, nous avons subi une cinglante défaite. Mais gardons-nous d’accréditer la thèse de nos adversaires en laissant croire qu’il s’agit d’une troisième défaite référendaire.

Faut-il rappeler l’abc de la politique ? Il n’y avait pas de camp du Oui, ni de camp du Non. Près de 60 % des électeurs ont voté contre le Parti Libéral. Le camp souverainiste était divisé en plusieurs partis.

Radio-Canada a calculé que, si les voix du Parti Québécois et de Québec solidaire s’étaient additionnées, les deux partis auraient remporté 51 sièges au lieu de 33. Ils auraient enlevé 7 sièges au Parti Libéral et 11 sièges à la CAQ. Le PLQ se serait retrouvé avec 63 sièges, soit avec une majorité d’un siège.

Les péquistes n’ont donc pas à se placer artificiellement dans un coma post-référendaire.

À l’opposé, le triomphalisme de Québec Solidaire, tel qu’on l’a vu sur nos écrans de télé le soir de l’élection, est tout aussi malvenu. Le pourcentage de leurs voix n’a augmenté que de 1,60 % (de 6,03 % à 7,63 %).

Les militants de Québec Solidaire qui, tout au long de la campagne électorale, se voyaient surfer sur une nouvelle vague orange ont intérêt à retomber sur leurs pieds. La division du vote n’a eu d’autre résultat que de gonfler les vagues libérale et caquiste.

Toutefois, même si on doit relativiser les résultats de l’élection, une défaite demeure une défaite.

Dans un texte que nous avons publié sur Internet, lors de l’annonce de la candidature de Pierre-Karl Péladeau, nous écrivions :

« Le recrutement de M. Péladeau s’inscrit clairement dans une stratégie électorale pour recruter la clientèle de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

« Le SPQ Libre a toujours favorisé une autre stratégie électorale, soit de conquérir des voix à gauche avec un programme progressiste, de mobiliser un électorat qui, autrement, a tendance à bouder les élections. C’est une telle stratégie qui a porté le Parti Québécois au pouvoir, il y a dix-huit mois.

« L’Histoire nous apprend en effet que le Parti Québécois remporte la victoire quand le taux de participation est élevé et perd les élections lorsqu’il est faible.

« La présente campagne électorale est encore jeune et nous espérons que les leçons du passé ne seront pas oubliées. »

Malheureusement, force est de constater que les « leçons du passé » ont été oubliées. Une première analyse des résultats confirme notre thèse. Le taux de participation a été de 71,43 % contre 74,60 % en 2012.

Les électeurs libéraux se sont mobilisés, alors qu’ils avaient boudé les urnes en 2012 pour marquer leur insatisfaction à l’égard du gouvernement de Jean Charest. Le Parti Libéral a engrangé 400 000 votes de plus qu’à l’élection précédente.

Par contre, le Parti Québécois a perdu 325 000 votes. Quelques électeurs péquistes ont enregistré un vote de protestation en donnant leur voix à Québec Solidaire, mais l’immense majorité des mécontents ont évité, cette journée-là, la fréquentation des bureaux de votation.

Dans les deux textes que nous avons publiés sur Internet au cours de la campagne électorale, nous avons souligné qu’une victoire libérale laisserait la voie libre à Stephen Harper et à son attaque frontale contre le mouvement syndical. Nous avons été les seuls à replacer l’élection québécoise dans son contexte canadien.

Grisée par la profession de foi souverainiste de PKP, Mme Marois a transformé, pendant deux jours, sa campagne électorale en campagne référendaire, avec ses commentaires sur les frontières, les passeports et la monnaie d’un Québec indépendant. Mais elle ne touchait qu’aux modalités de l’accession du Québec à la souveraineté, et non pas aux raisons pour lesquelles le Québec doit devenir indépendant.

Les États généraux sur la souveraineté, dont le SPQ Libre a été un des initiateurs, ont identifié 92 blocages, qui limitent ou freinent le développement du Québec dans le cadre fédéral. Aucun d’entre eux n’a été mentionné par Mme Marois au cours de la campagne électorale. Bien plus, l’utilisation même des mots « Ottawa », « fédéral », « Harper », semblait proscrite.

Les incantations « On veut un pays ! », même reprises par PKP, ne suffiront pas à convaincre les Québécois de la nécessaire indépendance.

D’autant plus que le discours pkpiste, axé sur le modèle de réussite des gens d’affaires québécois, tourne à vide. Les fédéralistes ont beau jeu de répliquer que leur succès est la preuve qu’il n’est pas nécessaire de sortir du Canada pour réussir !

Et, dans la même envolée, ces fédéralistes martèlent que la province de Québec est la plus pauvre du Canada, avec un statut d’assisté social, maintenu en vie par les perfusions des transferts fédéraux.

François Legault est le relais québécois de ce discours, en le recouvrant d’un mince vernis souverainiste. « Nous sommes trop pauvres pour devenir indépendants. Faisons le ménage dans les finances publiques. Créons de la richesse. Et, dans dix ou vingt ans, nous pourrons aspirer à l’indépendance », dit-il en substance.

C’est un discours auquel pourrait adhérer PKP dans l’avenir. Rappelons-nous que la CAQ est une création de l’empire Québecor. C’est à coups de pages frontispices du Journal de Montréal et du Journal de Québec, glorifiant Legault, et de sondages Léger Marketing, qui le propulsaient premier ministre du Québec avant même qu’il ne crée son parti, que Legault a fait son entrée en piste.

Au début du mouvement souverainiste, le retard économique du Québec était imputé à son statut semi-colonial à l’intérieur du Canada. C’est cette analyse qu’ont étayé les travaux des États généraux sur la souveraineté. C’est l’analyse qu’il faut aujourd’hui enrichir en englobant toutes les facettes de la vie québécoise.

Le SPQ Libre n’entend pas s’épancher longtemps sur la défaite des indépendantistes au dernier scrutin. La question de l’indépendance du Québec n’est pas une lubie ou une marotte d’intellectuels qu’on fait sienne quand ça va bien, et qu’on remise quand ça va mal. Notre dépendance nationale affecte toutes les fibres de notre vie économique, sociale, politique, culturelle et écologique.

Nos adversaires sont habiles. Ils sont demeurés cois pendant la campagne électorale. Leurs déclarations, au lendemain du scrutin, montrent qu’ils pensent que la bête est mortellement blessée et que l’occasion se présente de l’achever.

Le plus tragique est que des souverainistes se font le relais de ce discours. Ils sont nombreux à ergoter sur la « stratégie référendaire », à se demander s’il ne faudrait pas mieux repousser le référendum au deuxième mandat, ou encore à ne conserver la souveraineté que comme « un simple idéal à maintenir en vie ».

Une variante de ce discours est de vouloir concentrer toutes nos énergies sur l’élaboration d’une constitution interne au Québec ou encore de se fixer comme objectif « la sauvegarde et l’épanouissement de l’identité québécoise », comme nous y invite un ancien ministre, qui était sur la liste de paye des services secrets canadiens.

Rien ne ferait plus plaisir aux fédéralistes que ce repli sur soi, cet abandon ou ce « report » aux calendes grecques de la lutte contre le fédéral.

Dans un sondage réalisé au mois de mai 2010, pour le compte du Bloc Québécois, à l’occasion de son 20e anniversaire, 55 % des Québécois répondaient positivement à l’affirmation : « Le Québec a les ressources et le capital financier pour devenir un pays souverain ». Cependant, dans une même proportion de 55 %, les Québécois ne croyaient pas « le projet de souveraineté réalisable ».

M. Parizeau en avait tiré une conclusion lapidaire : « Ce résultat est une virulente critique du leadership du mouvement souverainiste » !

Ce n’est sûrement pas la façon dont a été menée la dernière campagne électorale qui contredit ce jugement. Le Parti Québécois ressemblait à un bateau à la dérive, privé de gouvernail. Le résultat a été à l’avenant.

*Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre