Républicanisme québécois et libéralisme anglo-saxon

Deux conceptions pour la laïcité, la citoyenneté, l’identité nationale et la souveraineté

Danic Parenteau vient de publier « Précis républicain à l’usage des Québécois » (Fides). Il oppose deux conceptions de la société, le républicanisme québécois et le libéralisme anglo-saxon, dont découle le multiculturalisme canadien. Il examine quatre de ses caractéristiques : la laïcité, la citoyenneté, l’identité nationale et la souveraineté populaire.

Sur la question de la laïcité, il identifie deux approches, une qui tient du principe républicain de la laïcité, l’autre du sécularisme libéral.

Le modèle républicain de laïcité, d’abord apparu en France au moment de la Révolution, stipule une séparation stricte entre les domaines religieux et politique. Les questions religieuses sont alors réservées au domaine privé. C’est la Charte de la laïcité proposée par le Parti Québécois.

Le sécularisme libéral repose sur la neutralité de l’État par rapport à la religion. Il n’est pas opposé à la présence de la religion dans la sphère publique tant que la cohabitation se fait dans le respect de la neutralité de l’État. C’est la laïcité « ouverte » de Bouchard-Taylor, de Couillard et de Québec Solidaire.

L’accommodement raisonnable est une pratique d’inspiration libérale. Pour le libéralisme, la question des droits individuels et de leur garantie par des chartes de droits revêt une importance centrale.

Pour le républicanisme, lorsque la pratique religieuse d’une personne se heurte à une règle collective universelle, par ailleurs légitime, légale et raisonnable, la majorité estime qu’il n’y a pas lieu d’assouplir cette règle pour accommoder la pratique religieuse de cette ­dernière.

Le refus des accommodements religieux apparaît donc comme une protestation contre ce qui est largement perçu comme une forme de dépossession collective du pouvoir de décider des règles régissant la vie en société. Considérer que c’est à la majorité de décider, plutôt qu’aux juges, est une attitude éminemment républicaine.

Dans l’approche libérale, la société est perçue comme un agrégat d’individus. L’acquisition de la citoyenneté est davantage une modalité administrative, comme c’est le cas actuellement au Canada, plutôt qu’un véritable processus d’intégration.

La conception républicaine de la citoyenneté conçoit l’acquisition de la citoyenneté comme un processus relativement exigeant, à la fois pour la société d’accueil et pour les nouveaux arrivants eux-mêmes.

D’une part, l’État a la responsabilité d’amener ces derniers à acquérir les bases de la langue nationale et certains codes culturels pour l’exercice réel de la citoyenneté. D’autre part, elle exige des nouveaux arrivants des efforts d’intégration.

À la base du multiculturalisme canadien, explique Danic Parenteau, on trouve le principe de la « reconnaissance », qui s’articule autour d’un message selon lequel ces cultures ne sont pas « étrangères » au Canada.

La culture nationale n’existe pas et la culture canadienne se présente comme une « mosaïque » de diverses cultures. Le multiculturalisme est érigé sur la négation de l’idée d’une culture « majoritaire » qui serait celle de la majorité de ses citoyens.

Pour les Québécois, le multiculturalisme est une stratégie de « neutralisation » de leur identité nationale.

Le rejet du multiculturalisme canadien ne provient pas de « l’insécurité » des Québécois en tant que nation francophone minoritaire ou d’une quelconque « crispation identitaire », soutient Danic Parenteau, mais tout simplement que les Québécois adhèrent à une vision plus républicaine de la société.

L’État est pour les Québécois l’incarnation institutionnelle de ce qu’ils sont comme peuple. Les Québécois estiment que leur identité est liée à une conception du « Bien commun » à ­préserver.­

Le problème, selon Parenteau, est que les Québécois ont de la difficulté à nommer et à concevoir leur pratique républicaine, à cause de l’influence déterminante du libéralisme anglo-saxon.

Le libéralisme a une longue tradition au Canada, mais également au Québec. D’ailleurs, une certaine gauche québécoise, héritière du Pierre Elliott Trudeau de Cité Libre, a toujours adhéré aux valeurs du libéralisme, que cette gauche ait revêtu les habits du NPD, du « marxisme-léninisme » des années 1970, ou de Québec Solidaire aujourd’hui.

Les deux sœurs David, Françoise et Hélène, sont issues de la même tradition libérale canadienne et québécoise. Pas étonnant qu’elles défendent, toutes deux, la même position sur la Charte de la laïcité.

Précis républicain, Danic Parenteau, Fides, 2014