Un front uni sur les régimes de retraite

Assemblée extraordinaire au Palais des Congrès

Un peu plus d’un millier de pompiers, policiers et employés municipaux, réunis en assemblée extraordinaire au Palais des Congrès de Montréal, le 15 avril dernier, ont adopté à l’unanimité une résolution réaffirmant leur intention de trouver des solutions aux déficits de leurs régimes de retraite par la voie de la libre négociation.

Cette coalition inhabituelle, voire historique selon les leaders des organisations syndicales membres, regroupe plus de 50 000 syndiqués du secteur municipal.

Ce premier rassemblement de la Coalition visait essentiellement à lancer le plan d’action, à marquer le coup d’envol d’une campagne de mobilisation et à lancer un message au nouveau gouvernement du Québec ainsi qu’aux maires. Les syndicats n’entendent pas se laisser imposer les conditions de restructuration de leurs régimes de retraite.

L’aut’journal a pu assister en exclusivité à l’ensemble des échanges de l’assemblée. Deux éléments ressortaient des interventions dans la salle.

D’abord, l’enthousiasme des syndiqués quant à la mise sur pied de cette coalition. Puis, la frustration et le sentiment d’injustice. L’impopularité du discours syndical dans la population et l’incapacité à faire passer leur point de vue, spécialement dans les médias, constituent visiblement un élément de grogne chez les travailleurs.

Plusieurs ont dénoncé la politisation du dossier des régimes de retraite, le discours biaisé entourant « la capacité de payer des contribuables », et l’image de « gras durs » qui leur colle à la peau.

Par la force du nombre, la Coalition municipale cherche donc à amener un discours alternatif sur le dossier des retraites et s’imposer comme un interlocuteur incontournable pour le nouveau gouvernement du Québec.

« Nous talonnerons l’UMQ [Union des municipalités du Québec] et répliquerons coup pour coup à la démagogie qui se fait sur notre dos », de lancer le porte-parole de la Coalition, Marc Ranger.

Échaudés par le projet de loi 79 sur la restructuration des régimes de retraite du secteur municipal présenté par le gouvernement péquiste en février, les membres de la Coalition maintiennent qu’un projet de loi n’est pas nécessaire et que c’est par la voie de la négociation que les solutions doivent être amenées puisque les régimes de retraite font partie de la rémunération globale.

Des solutions sont à portée de main, indiquait Marc Ranger en entrevue plus tôt en avril, et il est faux de croire que les syndicats refusent de négocier.

« Le message qu’on veut envoyer, c’est qu’on s’en occupe de nos régimes de retraite. D’ailleurs, on incite nos syndicats présentement en négociation à tenter de trouver un règlement avant le dépôt d’une loi. Plus on aura de règlements, moins l’imposition d’une loi mur à mur aura de sens. Là où les municipalités donnent une vraie chance à la négociation, nous arrivons à des ententes qui sont tout à fait respectueuses des contribuables. »

Marc Ranger déplore qu’à l’heure actuelle, de nombreuses municipalités « s’assoient sur leurs lauriers et ne négocient pas, en attendant la loi bulldozer ».

En campagne électorale, Philippe Couillard s’est prononcé en faveur d’une législation qui encadrerait et baliserait les négociations des parties pour une période d’un an. Au-delà de ce délai, c’est à un arbitre que reviendrait la tâche de trancher.

« Ce n’est pas ça, négocier. C’est comme si je vends ma maison et je vous dis qu’on va négocier, mais qu’en bout de ligne, je vous la vendrai quand même 500 000 $ ! », de lancer le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur.

« Chacun de nous a des historiques différents. Pour nous, les policiers, la Ville a eu 500 millions $ en congé de cotisations de 1997 à 2007. Si elle avait cotisé juste la moitié pendant ces années-là, on aurait des surplus. Ils ont fait quoi avec cet argent ? Ça a été donné en collusion et en corruption. »

Frédéric Hanin, professeur agrégé du département de relations industrielles de l’Université Laval et conférencier invité, estime aussi que le projet de loi 79, déposé par le Parti Québécois avant les élections, comportait des pièges à la négociation, dont les contraintes fixées dès le départ, telles que l’obligation de partager à parts égales entre les syndiqués et les villes les coûts courants des régimes.

« Le partage des coûts est imposé et non négociable, mais les améliorations et les réserves, par exemple, ne sont pas obligatoires pour l’employeur. Il est important de négocier en dehors de ce cadre. »

Il dénonce le fait que les régimes à prestations déterminées soient attaqués sous prétexte de la crise financière de 2008 et du modèle d’affaires des municipalités, emprunté aux entreprises : restructuration, diminution des coûts du travail et de la main-d’œuvre.

À son avis, les dimensions techniques et financières du dossier des régimes de retraite font en sorte que les chiffres prennent beaucoup de place, et les disputes autour de ces chiffres, évacuant complètement la vision des syndiqués, celle de la négociation et des conditions de travail. D’où le sentiment d’injustice chez les syndiqués.

« La négociation, pas la confrontation », c’est le slogan de la Coalition. Mais à défaut d’être entendus, c’est résolument sur le terrain de la confrontation que s’avanceront les syndiqués, comme en témoigne le plan d’action qu’ils ont adopté.

Plusieurs actions sont prévues au cours des prochaines semaines, dont une grande manifestation provinciale à Québec, organisée à l’ouverture de la session parlementaire.

La Coalition compte aussi mettre de la pression sur les élus responsables du dossier des régimes de retraite, sitôt le conseil des ministres formé.

Des actions ponctuelles en mai et en juin, advenant le dépôt d’un projet de loi, seront aussi organisées. « L’objectif, c’est qu’il n’y en ait pas, de projet de loi », de rappeler Marc Ranger.