Tout indique une hausse des retraites anticipées

Deux incitatifs à la retraite : l’âge et le climat de travail

*Le ministre Coiteux en fume vraiment du bon. Un peu avant Noël, il s’est permis de dire que ses modifications aux conditions de retraite des employés du secteur public conduiraient à environ 5 000 départs supplémentaires, s’ajoutant aux 15 000 départs annuels « réguliers ».

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est permis d’en douter et qu’il faudra ajouter cette estimation aux nombreuses tentatives du gouvernement Couillard de nier l’effet de ses coupures. Voyons-y de plus près.

Dans un article signé Stéphanie Grammond, paru dans La Presse du 18 décembre dernier, la journaliste nous présente un cas hypothétique, calculé par un actuaire. Il s’agit d’un employé du secteur public qui veut prendre une retraite anticipée à 55 ans.

S’il prend sa retraite le 31 décembre 2016, il recevra une rente annuelle de 25 684 $ par année. S’il la prend le lendemain, 1er janvier 2017, soit après qu’auront été mises en application les nouvelles conditions de retraite, il recevra 14 887 $ par année.

S’il veut retrouver son niveau de rente d’avant les changements, il devra travailler trois ans de plus pour obtenir une rente de 24 856 $. La question à un million : que fera cet employé ? Poser la question, c’est y répondre. Comme dirait l’autre: « le calcul vaut le travail ».

Évidemment, on a affaire à un cas extrême, une retraite anticipée sur cinq ans, difficile de trouver cas plus pénalisant. Faisons maintenant l’exercice en comparant une personne au même salaire moyen, mais qui, cette fois-ci, aurait 59 ans le 31 décembre 2016, donc avec un an de pénalité (4 %).

Dans de telles conditions, sa rente s’élève à 36 718 $. Si cette même personne attend un an, donc les nouvelles conditions (pénalité de 14,4 %), sa rente s’élèvera 33 808 $. En fait, pour retrouver un même niveau de rente, il faudra qu’il attende d’avoir 60 ans et trois-quarts. Et cela, c’est sans tenir compte des effets du calcul du salaire moyen sur les huit meilleures années plutôt que sur les cinq meilleures, comme c’est le cas actuellement.

On peut donc dire, sans trop se tromper, qu’aux conditions présentées par le gouvernement, les travailleurs du secteur public devront attendre deux ans, voire trois ans avant de retrouver leur niveau de rente correspondant aux conditions actuelles.

Je n’ai pas de portrait précis de la structure d’âge du secteur public, mais je sais, comme tout le monde, que nous sommes dans une période où les baby-boomers prennent leur retraite, ce qui signifie déjà un nombre plus important de retraités que d’habitude.

Il faut également tenir compte du fait que les conditions de prise de retraite ne sont pas les seuls éléments dont tient compte un employé en réflexion. Le climat de travail en est un d’importance, également.

Or, depuis longtemps déjà, le secteur public subit coupures après coupures. Celles annoncées par le gouvernement Couillard depuis son élection sont sans précédents et ressemblent à un coup de massue. Rien pour améliorer le climat de travail... Il s’agit très certainement là d’un puissant incitatif à la retraite.

À la lumière de ces faits, on peut certainement avancer qu’à peu près tous les gens qui avaient l’intention de prendre une retraite au cours des années 2017 et 2018 auront un intérêt objectif à la prendre avant la mise en vigueur des nouvelles conditions. Non seulement on va plus que doubler le nombre habituel de retraités, on risque même de le tripler.

En 1997, le gouvernement Bouchard, avec son programme de départs à la retraite, avait atteint 37 000 salariés, le double de ce qui était prévu. Depuis ce temps, c’est devenu un article important de la cassette anti-péquiste des libéraux. Pas de compagne électorale, pas de débat des chefs, sans que ce programme ne soit évoqué par les libéraux pour dénoncer le Parti Québécois.

Avec leurs nouvelles mesures, les libéraux risquent fort de dépasser le chiffre atteint par le PQ. Non vraiment, si le gouvernement Couillard voulait saboter les services publics, il ne s’y prendrait pas autrement.

*L’auteur est retraité du secteur public