Critiquer les religions est un droit démocratique

Le gouvernement Couillard se fend d’un simulacre de laïcité de l’État

Le Rassemblement pour la laïcité (RPL) exprime son profond ­désaccord avec l’orientation privilégiée par le gouvernement Couillard pour promouvoir la neutralité de l’État et contrer l’action du djihadisme au Québec.

Les deux projets de loi (59 et 62) et le plan d’action présentés par le gouvernement procèdent manifestement d’un évitement des questions fondamentales. Ils font la promotion du fait religieux et de la censure ; ils sont à cent lieues des aspirations du peuple québécois à une réelle laïcité de l’État et des organismes publics.

Le projet de loi 62 proclamant la neutralité de l’État ne réfère aucunement au concept de laïcité et ne prône pas non plus la séparation de l’État et des religions. Qui plus est, ce projet de loi se situe en deçà de la logique minimale du récent jugement de la Cour suprême concernant la récitation de la prière au Conseil municipal de Saguenay.

En l’occurrence, il ne prévoit rien pour préserver la liberté de conscience des individus au sein de l’État et des organismes publics.

Le projet décrète par ailleurs que les membres du personnel des organismes publics doivent respecter « le devoir de neutralité religieuse dans l’exercice de leurs fonctions » tout en leur permettant de porter des signes religieux.

Le RPL considère que ce raisonnement est d’une totale incohérence, puisque tout symbole, pratique ou signe religieux est porteur d’un message, très souvent de valeurs discriminatoires ou de croyances obscurantistes.

L’interdiction du niqab et de la burqa dans l’offre et la réception des services publics représente une prescription minimaliste attendue au Québec depuis longtemps, d’autant plus que ces tenues vestimentaires avilissantes et asservissantes ne sont aucunement prescrites par l’islam.

Aussi, comment le projet de loi peut-il donner son aval au tchador pour le personnel des organismes publics ? Comment peut-il laisser libre cours au niqab et à la burqa dans les municipalités ?

En vertu de quelle neutralité ce projet de loi peut-il laisser faire des pratiques reliées à des fêtes religieuses dans les services de garde à l’enfance, ce qui contredit la liberté de conscience des enfants dont les parents sont incroyants ou adeptes d’une autre religion ?

Le projet de loi 62 ouvre ainsi la porte à toutes les influences religieuses ou communautaristes au sein des services publics, au mépris de l’égalité des citoyens et de l’universalité de la sphère publique.

Il évince également la question de la neutralité des élus et de la présence du crucifix dans l’enceinte de l’Assemblée nationale tout comme celle du financement des écoles religieuses et des exemptions fiscales inappropriées.

Pour sa part, le projet de loi 59 concernant la lutte contre les discours haineux et ceux incitant à la violence pose un problème majeur. Dans un premier temps, le projet ne donne aucune définition de ce que serait un discours haineux, laissant place à l’arbitraire total.

Il présuppose à tort (comme le plan d’action déposé contre la radicalisation) que les projets de jeunes djihadistes répertoriés au Québec seraient prétendument dus à certains propos islamophobes ou xénophobes.

Ces derniers, selon l’esprit de ce projet de loi, inciteraient les jeunes musulmans à se lancer dans des dérives islamistes. Le RPL s’oppose vertement à cette vision des choses.

Nous prétendons que ce qui engendre certaines réactions parmi la population, et c’est malheureux, ce sont notamment les exactions de l’islamisme et du djihadisme qui, depuis des décennies, sont dirigées contre les femmes, les homosexuels, les libertés démocratiques et la libre expression culturelle.

L’intégrisme musulman et l’islamisme nourrissent eux-mêmes l’islamophobie qui finit malheureusement par se traduire par un rejet de l’ensemble de la communauté musulmane, laquelle, dans une très large proportion, s’intègre pourtant bien à la société québécoise.

Il y a aussi d’autres intégrismes qui nourrissent cette réprobation, qu’ils soient catholiques, hassidiques ou sikhs. Pour cette raison, le RPL proclame haut et fort le droit démocratique fondamental de critiquer les religions ainsi que le droit au blasphème.

Tout citoyen a le droit de dénoncer les dérives des religions ou des intégrismes. Pourquoi prévoir des dispositions législatives visant à contrer les « discours haineux », alors qu’il y a déjà des dispositions dans le Code criminel contre la diffamation, les discours haineux et l’incitation à la violence ?

Le RPL interroge sérieusement les objectifs poursuivis par ce projet de loi, contraires à un projet laïque de société. Est-ce une nouvelle forme de bâillon qu’on veut imposer dans la critique des religions ?

Enfin, le plan d’action soumis par le gouvernement pour contrer la radicalisation est famélique. Il prévoit notamment la création d’un centre de prévention de la radicalisation et d’un service téléphonique.

Par contre, il est également muet sur le discours intégriste et islamiste prévalant dans la société québécoise, lui qui représente la « nourriture idéologique » du djihadisme.

Tout plan sérieux de prévention et de lutte contre la radicalisation devrait comporter un plan concerté du gouvernement et des organismes publics, dont les institutions d’enseignement, visant à déconstruire et contrer le discours intégriste et islamiste auprès des jeunes Québécois, prôner la laïcité ainsi que le respect de la liberté de conscience et de la liberté d’expression.

* Le Rassemblement pour la laïcité regroupe 21 associations, dont l’Association humaniste du Québec, La Coalition laïcité Québec, l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, les Libres penseurs athées, le Mouvement laïque québécois et Pour les droits des femmes du Québec. Sa plateforme est endossée par plus de 62 000 personnes.