Un combat futile qui peut s’avérer signifiant

Contestation québécoise de la Loi fédérale sur la succession royale

À la suite d’une demande exprimée en 2011 par le gouvernement britannique, Ottawa a fait sanctionner une loi visant à harmoniser les règles de succession royale canadiennes aux nouvelles règles de succession anglaises. Ces nouvelles règles consistaient, entre autres, à abolir le principe misogyne de la primogéniture conférant au premier héritier mâle d’une dynastie, le privilège d’accéder au trône.

D’aucuns se demanderont pourquoi le Canada doit nécessairement adopter sa propre loi en cette matière... Or, quoiqu’on puisse penser, le trône canadien et le trône anglais constituent deux trônes distincts, représentant deux États censément indépendants l’un de l’autre.

Le fait qu’Élisabeth II occupe ces deux charges n’y change rien. Au Canada, sa Majesté Bebeth règne non pas à titre de Reine d’Angleterre, mais en tant que Reine du Canada.

Théoriquement, le Canada pourrait décider de désigner comme monarque une personne n’appartenant pas à la dynastie des Windsor. Par exemple, Céline Dion ou Ti-Mé !

Il y a cependant un hic. Plusieurs constitutionnalistes estiment qu’au Canada, un tel changement aux règles de succession nécessite de rouvrir la Constitution, voire d’obtenir l’accord unanime de toutes les provinces, ce qui confèrerait au Québec rien de moins qu’un droit de véto !

De manière inespérée, ce dernier bénéficierait donc d’une position de force vis-à-vis d’Ottawa pour rouvrir une ronde de négociations constitutionnelles.

Conscient du danger que cela représente pour l’unité canadienne, Stephen Harper a plutôt voulu jouer les acrobates en adoptant une « Loi sur les règles de succession royale » fondée sur une interprétation juridique qui croit possible de contourner unilatéralement la Constitution de 1982 sur cet enjeu, jusqu’à renier l’indépendance du Canada.

En effet, cette loi s’appuie sur une situation antérieure où les lois du Royaume-Uni concernant la charge de reine s’appliquaient encore au Canada, alors Dominion britannique, sous réserve toutefois que le Parlement du Dominion y donnât son « assentiment ».

C’est ainsi qu’en 2013, comme si nous avions été en 1933, le Parlement fédéral a donné son « assentiment » à la loi britannique de modifications aux règles de succession, lors même que le Royaume-Uni n’a que faire de cet « assentiment » et considère certes son rejeton canadien comme un État indépendant…

Le fédéral doit maintenant composer avec une contestation menée par des constitutionnalistes québécois. On leur souhaite bonne chance dans ce combat qui, malgré les apparences, n’a rien d’insignifiant pour les intérêts du Québec !

* Avocat. Président général, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal