Pour Malraux il était déjà trop tard

C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard. » André Malraux, 3 juin 1956

Vous avez vu la date du communiqué de Daesh ? Le 2 safar 1437 de l’hégire. C’est la date où a été émis le communiqué de l’État islamique revendiquant les attentats. Les infidèles que nous sommes se croyaient plutôt le 14 novembre 2015. L’an 1 du calendrier musulman commence en effet en 622, lors de l’arrivée de Mahomet à Médine.

Ce communiqué est révélateur de l’époque dans laquelle ces barbares se situent. Ils s’expriment, disent-ils « au nom d’Allah le Très Haut, le Tout miséricordieux, le Très miséricordieux ». Ils en ont contre « la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe » et dont ils dénoncent les « rues malodorantes ». Et ceux qui étaient au Bataclan sont « des centaines d’idolâtres dans une fête de la perversité ». Rien de moins.

Cette date peut n’avoir l’air de rien, mais elle peut aussi expliquer beaucoup de choses.

En 1437, cela faisait cinq ans que Jeanne d’Arc était morte… En 1437, la dernière croisade avait pris fin 150 ans auparavant… Personne ne s’étonnera que regarder les sociétés d’aujourd’hui avec des yeux de 1437 puisse, fatalement, conduire à des erreurs de perspective.

Force est de constater par ailleurs qu’en intervenant militairement en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie pour renverser des dictatures qui ne cadraient pas avec leur définition de la démocratie, les pays occidentaux se sont comportés en apprentis sorciers, envenimant partout les choses au lieu de les améliorer.

Sans faire semblant d’oublier, en revanche, que le 11 septembre 2001 est antérieur à toutes ces opérations militaires et n’en est donc pas le résultat.

L’écrivain Karim Akouche vient d’écrire que « les attentats de Paris ont deux coupables : l’islamisme qui produit des assassins et la bien-pensance qui les nourrit. Le premier tue à visage découvert tandis que la seconde se bouche les yeux. L’islamiste profite de la naïveté du bien-pensant pour étendre son horreur. La violence islamiste se banalise et se répand comme une métastase dans le corps des démocraties occidentales. Le bien-pensant perd un temps précieux à accuser le clairvoyant d’islamophobie au lieu de combattre l’islamisme. Assoupi dans le hammam de la pensée molle et dangereuse, le bien-pensant prépare sans le savoir le lit de la dictature islamiste ».

En octobre 2014, bien avant Charlie et les derniers attentats, un philosophe spécialiste de l’islam, Abdennour Bidar, écrivait une Lettre à mes amis musulmans. « Il ne faut donc pas que tu t’illusionnes, ô mon ami, en faisant croire que, quand on en aura fini avec le terrorisme islamiste, l’islam aura réglé ses problèmes ! Car tout ce que je viens d’évoquer – une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive – est trop souvent l’islam ordinaire, l’islam quotidien, qui souffre et fait souffrir trop de consciences, l’islam du passé dépassé, l’islam déformé par tous ceux qui l’instrumentalisent politiquement (…). »

Dans une entrevue, il ajoutait : « Je suis très attaché à cette grande culture et je ne supporte pas qu’aujourd’hui, elle donne une image aussi caricaturale, aussi dégradée d’elle-même ».

Paru le 3 juin 1956 dans l’hebdomadaire Time sous la plume d’André Malraux, un texte plutôt prophétique : « C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. (…) Le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement dans le monde arabe. Quand je dis musulmane, je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard. »

Pour Malraux, il était déjà trop tard. Il y a soixante ans…

Tahar Ben Jelloun dit qu’il faut miser sur l’éducation. Les milliards investis dans les Rafales et les F-18 seraient aussi plus efficaces s’ils étaient consacrés à la lutte aux inégalités et à l’exclusion.

Et si Philippe Couillard est sérieux quand il affirme que c’est une guerre contre l’Occident, il pourrait peut-être passer un coup de fil à ses copains d’Arabie Saoudite, principal bailleur de fonds de ces barbares !