Pas de taxation sans représentation

Une réforme des commissions scolaires antidémocratique et antisyndicale

2016/04/07

Avant d’être déchu de son ministère, François Blais déposait le projet de loi 86 visant à modifier considérablement les structures scolaires. Divers éléments de ce projet de loi, s’il entre en vigueur, auront un impact certain sur les structures scolaires, mais également sur le travail quotidien du personnel dans les écoles ou les centres.

L’abolition des élections scolaires marque un recul démocratique. Les commissions scolaires existent depuis 1845, mais ce n’est qu’au début des années 1970 que fut instauré le suffrage universel pour l’élection des commissaires.

En 2013, Paul Gérin-Lajoie, qui fut le tout premier titulaire du ministère de l’Éducation, déclarait : « L’élu scolaire joue un rôle politique aussi fondamental que l’élu municipal, provincial et fédéral. La seule différence entre eux est leur champ d’intervention ».

Un principe de base de notre démocratie : seuls des représentants élus ont le pouvoir d’imposer des impôts ou des taxes. Des taxes scolaires impliquent donc des commissaires élus.

Le faible taux de participation aux élections scolaires ne justifie pas leur abandon. Une récente étude de la firme Influence Communications affirme qu’il y a une « corrélation entre l’ampleur de la couverture locale et le taux de participation aux élections municipales : plus les médias couvrent le local, plus les locaux votent, et inversement »,

La même logique s’applique au monde scolaire. Informons la population sur le travail et les décisions des commissaires et le taux de participation augmentera.

D’autres aspects de ce projet de loi sont également inquiétants. Penchons-nous principalement sur les enjeux reliés à la composition du futur Conseil scolaire.

Tout d’abord, on remarquera que, dans l’organigramme du Conseil scolaire, il n’y a aucun représentant du personnel de soutien. Simple oubli ? Sans doute pas. L’article 213.1 du projet de loi 86 stipule que « les commissions scolaires DOIVENT favoriser le partage des ressources (…) avec d’autres organismes publics, dont des municipalités ».

Au cours des dernières années, la CAQ prônait l’abolition des commissions scolaires et la gestion des écoles par les municipalités. Les libéraux projetaient de fusionner les commissions scolaires de manière à ce que leur territoire corresponde à celui des municipalités régionales de comté (MRC).

De plus, le maire Coderre de Montréal a réclamé du gouvernement du Québec la gestion des écoles sur son territoire et il sera intéressant de voir si Québec répondra positivement à sa demande dans le projet de loi sur le statut de la métropole qui doit bientôt être déposé.

La question se pose : Québec s’apprête-t-il à confier aux municipalités la gestion des écoles ? Ou encore de recourir massivement à la sous-traitance ? Ce qui expliquerait l’absence de représentant du soutien au Conseil scolaire.

Dans un deuxième temps, la composition générale du Conseil scolaire soulève plusieurs questions et suscite de nombreuses inquiétudes.

Attardons-nous à la représentation des enseignantes et des enseignants. Le projet de loi indique qu’un poste au Conseil scolaire sera réservé à un enseignant et que celui-ci sera élu par ses pairs lors d’une assemblée générale, convoquée par le Secrétariat général de la Commission scolaire !

Cet élu portera un double chapeau. D’une part, il sera le représentant de ses collègues au Conseil scolaire. D’autre part, au même titre que les autres membres du Conseil, il sera ultimement le patron… de son patron comme enseignant, le directeur général ! Une situation pour le moins inconfortable, pour employer un euphémisme.

Autre confusion. Le Code du travail spécifie que le syndicat agit comme seul représentant des membres de son unité d’accréditation. Le représentant des enseignants au Conseil sera donc en porte-à-faux avec le représentant du syndicat. Qui représentera qui ?

Alors que l’organisation syndicale continuera d’utiliser ses instances démocratiques pour aller chercher ses mandats et l’avis de ses membres, comment le représentant enseignant du Conseil scolaire ira-t-il chercher ses mandats ?

Qu’est-ce qui se cache derrière ce brassage de structures ? Une autre façon d’attaquer le syndicalisme ? La question mérite d’être posée.

Dans le cas des compressions dans les CPE et les organismes de ressources intermédiaires, dans la priorité accordée aux supercliniques privées, une constante se dégage : cibler les milieux syndiqués et favoriser le développement de réseaux privés non-syndiqués.

La nouvelle gouvernance des commissions scolaires proposée est de la même eau : anti-démocratique et antisyndicale.

* L’auteur est président du Syndicat de Champlain (CSQ)