Climat Québec 2030

2016/11/15

Le 9 mai, la députée Martine Ouellet a présenté Climat Québec 2030, un projet de développement économique intelligent. Nous en publions ici de larges extraits.

Un Québec indépendant pour un développement économique intelligent : plus qu’un beau principe, c’est une ligne directrice susceptible de nous guider vers un Québec qui tirerait avantage de son rôle de leader en environnement pour faire fructifier son économie. 

Pour avoir le plein contrôle sur notre avenir environnemental et économique, nous devons faire du Québec un pays. C’est ça, le développement économique intelligent.

Le Québec a toutes les ressources pour devenir un leader mondial en matière de lutte aux gaz à effet de serre. Le Québec a l’expertise pour y arriver. Il a les ressources qui lui donnent les moyens de ses ambitions. Bref, le Québec peut et doit devenir le champion de la défossilisation de l’énergie. Il ne faut pas rester la tête cachée dans le sable plus longtemps. Le bilan québécois d’émissions de GES doit diminuer de façon draconienne d’ici 2030.

D’ici 2030, il est impératif de mener à bien cette révolution. L’objectif est costaud : diminuer de 40 % nos émissions de GES en comparaison à celles de 1990, à l’instar de l’Europe. L’objectif est atteignable.

Un développement économique intelligent

Il ne faut pas se faire de cachettes : pour faire du Québec un joueur de premier plan en matière de défossilisation de l’énergie, il faudra mettre en œuvre des mesures robustes et audacieuses. 

À cette fin, des investissements de 15 milliards de dollars seront nécessaires. Ce plan sera rentable pour le Québec, car il permettra non seulement de réduire notre bilan d’émissions de GES de plus de 27 millions de TéqCO2, mais aussi de créer 350 000 emplois. 

Ces investissements viseraient trois grands axes d’une véritable politique de développement économique intelligent : les transports, l’efficacité énergétique et le verdissement du parc immobilier.

Faire entrer les transports dans le 21e siècle

Pour faire partie des meilleurs au monde en matière de diminution d’émissions de GES, le Québec doit exploiter l’une de ses plus grandes richesses : son expertise ! Le Québec a un savoir-faire unique dans la filière des composantes électriques. Il faut continuer de la développer et d’encourager les innovations réalisées ici. 

Nous avons des centres de recherches de calibre mondial, une industrie manufacturière de composantes électriques en émergence, une industrie de matériel de transport bien établie (Bombardier Transport à Saint-Bruno, Paccar à Ste-Thérèse, BRP à Valcourt, Nova Bus à Saint-Eustache et Autobus Lion à Saint-Jérôme), nous fabriquons des bornes de recharge (AddÉnergie à Québec et à Shawinigan, Gentec à Québec), nous fabriquons un des moteurs électriques les plus performants au monde chez TM4 à Boucherville et nous fabriquons également des batteries rechargeables chez Bathium, aussi à Boucherville. 

Pour couronner le tout, le Québec a de l’énergie renouvelable en abondance à un prix compétitif, et le sol québécois contient du lithium et des terres rares, éléments essentiels des batteries.

Électrifier les autobus scolaires et municipaux d’ici 2030

Une première piste à concrétiser est celle de l’électrification des autobus. Il faudra que le Québec électrifie ses 8000 autobus scolaires d’ici 2030, ce qui représentera un investissement d’environ 45 millions de dollars, permettra de créer pas moins de 1800 emplois et rapportera 220 millions de dollars au gouvernement en économies sur l’allocation en carburant diesel. Au final, cela permettra une diminution de GES de 0,2 million TéqCO2.

De la même manière, il faudra électrifier les 3 000 autobus municipaux d’ici 2030, à l’aide d’un investissement de 138 millions de dollars qui permettra des économies de 109 millions de dollars, toujours sur l’allocation en carburant. Le coût total de l’opération sera de 29 millions de dollars et permettra une diminution des émissions de GES de 0,4 million TéqCO2.

Électrifier 1 million de voitures d’ici 2030

Un élément central dans l’objectif de diminution drastique de nos émissions de GES d’ici 2030 est l’adoption d’une loi Zéro Émission. Il est grand temps que les manufacturiers automobiles augmentent l’offre de véhicules électriques. Une loi Zéro Émission est à coût nul et permet une transformation véritable de l’offre de véhicules. Actuellement, dix états américains représentant 30 % du marché se sont déjà dotés d’une loi Zéro Émission.

L’exemple norvégien est éloquent : ce pays scandinave vit présentement une croissance exceptionnelle des ventes de véhicules électriques. Ce développement a été rendu possible grâce à un climat propice à l’achat mis en place par le gouvernement. De l’avis général des spécialistes en la matière, l’engouement pour les véhicules électriques dans ce pays n’aurait pas été possible sans une volonté ferme du gouvernement. Sans faire un copier-coller de l’approche norvégienne, le Québec aurait avantage à s’en inspirer.

L’objectif est d’atteindre 200 000 voitures branchables pour 2022 et 1 million pour 2030, à raison d’un investissement de 3,5 milliards de dollars en rabais à l’achat de véhicules jusqu’à la mise en place d’un véritable marché de voitures électriques ainsi que  pour l’installation de bornes électriques. Une telle réussite permettrait de réduire nos émissions de GES de 3 millions TéqCO2.

Des mesures incitatives comme des voies réservées, des stationnements dédiés, des traversiers et des péages gratuits pour les véhicules électriques devraient également continuer à être mis en place, de manière accélérée. Au-delà de l’électrification des véhicules personnels, des mesures de disposition de vieux véhicules, d’inspection des véhicules et des normes plus exigeantes concernant les émissions des moteurs à combustion devront également se poursuivre. 

Transport de marchandises

Le Québec est doté de manufactures de camions légers de transport de marchandises qui pourraient devenir de précieuses alliées, comme elles l’ont été pour le projet de démonstration d’un autobus scolaire électrique. Un projet de démonstration pour des camions légers électriques permettra de développer de nouveaux produits québécois tant pour notre marché que pour l’exportation. 

Ainsi, il est envisageable d’électrifier 150 000 des 330 000 camions légers en circulation au Québec, en visant particulièrement les propriétaires de flotte de camions légers. Cela engendrera une réduction de GES d’un million de TéqCO2 pour un coût de 525 millions de dollars et générera des emplois tant chez les fabricants de camions que chez les manufacturiers de moteurs électriques et de batteries.

En ce qui concerne les camions lourds, il existe déjà des initiatives de transition au gaz naturel qui constituent de moins en moins un moindre mal, étant donné l’origine nouvelle du gaz naturel. Avec l’avancée du développement des matériaux, des technologies et de la recherche, l’électrification des camions sera à coup sûr possible. Au-delà de l’électrification des transports, il faudra aussi revoir le choix de mode de transports des marchandises pour favoriser le bateau, le train, et réserver le camions pour les derniers kilomètres. 

Pousser de l’avant des projets porteurs

Pour arriver à diminuer le passif québécois en matière de GES, il faudra aussi encourager des initiatives dont le potentiel est très prometteur. 

Par exemple, le projet du monorail électrique suspendu entre Québec et Montréal est une idée extrêmement séduisante en termes techniques et adaptée à la densité du territoire québécois. Il faut lancer la première étape, qui est une étude de préfaisabilité. Le Québec dispose de toute l’expertise requise, que ce soit pour la réalisation des pylônes, des wagons ou des moteurs électriques. 

Rappelons qu’en 2010, des chercheurs de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) ont publié une étude vantant les mérites d’un tel projet. On rapportait à l’époque qu’« un tel monorail coûterait trois fois moins cher à construire qu’un TGV, il serait plus rapide que le train normal et pourrait facilement relier les villes les plus importantes du Québec ». Dans son mémoire de 2013 sur le sujet, la FTQ estimait que le projet de monorail serait créateur de 120 000 emplois, tout en permettant au Québec d’utiliser ses surplus énergétiques plutôt que de les vendre à rabais sur le marché américain.

D’autres initiatives purement québécoises, nous en possédons plus qu’il n’en faut. On n’a qu’à penser au projet Nomade de l’Institut du véhicule innovant, un véhicule électrique 100 % québécois destiné au marché de l’auto libre-service. Il s’agit de créer une niche avec un solide projet urbain d’autos en libre-service, un peu comme le fait Bluecar à Paris ou Communauto à Montréal. Le tout avec un véhicule doté d’un moteur TM4, de l’aluminium québécois et des technologies mises au point au Québec.

On peut aussi penser aux motos électriques de Lito Green Motion de Longueuil ou aux nombreux véhicules électriques hors-route de Bombardier Produits Récréatifs, notamment le Can-Am Commander électrique. L’élec­trification des trains de banlieue ou des flottes de taxis pourraient constituer des avenues tout aussi prometteuses.

Investir dans le transport collectif

Le secteur du transport en commun est très structurant pour le Québec. Les équipements sont fabriqués au Québec et l’expertise est ici. Selon l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) : 

« En 2013, le Québec comptait près de 750 entreprises œuvrant dans le transport en commun. Celles-ci emploient plus de 52 770 personnes. Il s’agit d’un chiffre minimal puisqu’il n’inclut pas les emplois liés aux entreprises manufacturières telles que Bombardier Transport, Prévost et NovaBus, respectivement les 10e, 125e et 171e employeurs au Québec. En comparaison, aucun fabricant de voitures n’est répertorié dans le top 500 au Québec. »

En se basant sur cette même étude, quatre milliards de dollars d’investissements permettraient de diminuer les émissions de GES d’un million de TéqCO2 et de créer 200 000 emplois. 

Bien plus, ces investissements favoriseraient une meilleure planification urbaine en augmentant sa densité et faciliteraient le transport collectif et les transports actifs (vélo et marche). À ces mesures devraient s’ajouter des incitatifs au covoiturage, qui iraient de l’accroissement de l’offre de places de stationnement dédiées aux voies de circulations réservées. 

Moderniser les usines du Québec

Les usines québécoises sont responsables de 31,6 % des émissions de GES au Québec, à hauteur de 24,6 millions de TéqCO2. Le Québec gagnerait sur tous les plans à moderniser son secteur manufacturier : il pourrait compter sur des usines moins polluantes et ces dernières pourraient gagner grandement en productivité et en capacité concurrentielle sur les marchés mondiaux. 

Cette modernisation nécessiterait l’investissement de 4,5 milliards de dollars d’ici 2030, ce qui permettrait la création de 125 000 emplois et la diminution des émissions de GES de 15 millions de TéqCO2 .

Afin d’y parvenir, il faut investir dans la conversion des systèmes de chauffe et des procédés industriels. Il est essentiel d’utiliser le moins d’énergies fossiles possible en milieu industriel et le maximum d’énergies renouvelables. Les gains effectués grâce aux mesures d’efficacité énergétique et à la conversion vers des énergies renouvelables rendront ainsi possible la diminution de la consommation d’énergies fossiles.

Il y a urgence de remettre le secteur manufacturier sur les rails pour assurer la pérennité des usines et leur développement. L’industrie manufacturière représentait 21 % de l’économie québécoise en 2000, alors qu’elle ne pèse que pour 14 % aujourd’hui. 


Un plan de diminution de nos émissions de GES doit nécessairement viser à moderniser nos bâtiments commerciaux et institutionnels. Des investissements de l’ordre de 2,4 milliards de dollars d’ici 2030 permettront la création de 67 000 emplois et la diminution de nos émissions de GES de 4 millions de TéqCO2. Ces investissements amélioreront l’efficacité énergétique et favoriseront la conversion à l’électricité et aux autres énergies renouvelables, particulièrement la géothermie et le solaire passif.

Chauffer vert pour les résidences

Une autre façon de diminuer le bilan des GES est de convertir tous les systèmes de chauffage au mazout des résidences d’ici 2030. Des investissements de 500 millions de dollars d’ici là permettront de convertir les quelque 330 000 résidences chauffant encore au mazout. Ainsi, une telle mesure et des investissements conséquents permettront de créer 28 000 emplois et de diminuer nos émissions de GES de 2,5 millions de TéqCO2. Cette conversion bénéficiera aux ménages québécois en générant des économies récurrentes.

Des choix de société

Lorsque vient le temps de faire un choix d’investissement pour tous les projets bénéficiant de financement public, l’empreinte carbone deviendra un indicateur incontournable dans la prise de décision. Cela implique que la répercussion sur les GES devra être calculée et présentée dans tout plan de projet faisant l’objet d’une décision du gouvernement ou d’une de ses sociétés.

De plus, tous les projets industriels dans lesquels l’État est engagé d’une manière ou d’une autre, même comme partenaire minoritaire, devraient documenter leur empreinte carbone. Cela devrait être d’autant plus le cas pour les investissements directs des organismes publics comme la Caisse de dépôt et placement ou Inves­tissement Québec. Ces institutions devraient également désinvestir des énergies fossiles, à l’instar de plusieurs grands fonds de placement privés un peu partout dans le monde.

Le domaine de l’agriculture en est un pour lequel le Québec pourrait innover. Pensons-y : nos cultures et nos élevages sont responsables de 8,3 % de nos émissions de GES. Il faudrait tabler sur une meilleure gestion des sols agricoles et des fumiers. 

Le cas Énergie Est

Dans un objectif de diminution de notre empreinte carbone, on comprend rapidement que le Québec devra choisir intelligemment les projets sur lesquels il misera pour son développement économique. C’est pourquoi il ne faut pas que le projet de pipeline Énergie Est de la compagnie TransCanada voie le jour. 

Ce ne serait pas moins de 1,1 million de barils de pétrole qui transiteraient chaque jour, traversant le Québec par un oléoduc de près de 700 km. S’il se concrétisait, ce pipeline traverserait 828 cours d’eau au Québec.

Anticosti

En ce qui concerne le projet d’exploitation du pétrole de l’île d’Anticosti, la rentabilité n’est tout simplement pas au rendez-vous. Économiquement, c’est un projet qui ne tient pas la route, car l’exploitation du pétrole d’Anticosti n’est pas rentable. Pour l’être, le prix du baril de pétrole devrait être de 191 $, comme l’a démontré le géologue Marc Durand, s’appuyant sur des données corrigées d’une étude du ministère des Finances, dans l’étude GECNo5.

Par ailleurs, l’impact de l’exploitation du pétrole d’Anticosti sur les émissions de GES serait catastrophique. Selon l’étude du ministère de l’Environnement, la production de GES relative à l’exploitation sur Anticosti s’élèverait de 1,4 à 1­0 millions de tonnes par année, tout dépendant du scénario. L’émission de 1,4 million de tonnes de GES aurait lieu si le gaz de schiste est complètement récupéré dès le début de l’exploitation. L’émission de 10 millions de tonnes se produirait si le gaz est brûlé sur place. Au Dakota du Nord, lors de l’exploitation du pétrole de schiste, 30 % des gaz sont brûlés, faute de rentabilité, alors que les infrastructures sont déjà en place et que son exploitation s’effectue sur le continent. 

Quand on considère qu’il n’y a aucune infrastructure gazière existante sur Anticosti et qu’il s’agit d’une île, le gaz risque d’être totalement brûlé sur place. En résumé, les émissions de GES se rapprocheraient plus des 10 millions de tonnes par année, non seulement un recul pour le Québec, mais une irresponsabilité totale.

Chaleur Terminals

Un autre projet qui entre en contradiction avec un développement économique intelligent en symbiose avec des objectifs à la baisse de notre bilan carbone, c’est celui de Chaleur Terminals.

Dans ce cas, Secure Energy Services Inc. veut transporter, possiblement dès 2017, 240 wagons de pétrole bitumineux par jour vers le port de Belledune, au Nouveau-Brunswick, en traversant le Québec sur les rails du CN. Il est question ici de 240 wagons qui traverseraient chaque jour le Québec. Ce sont donc 87 600 wagons de pétrole bitumineux par année qui voyageraient au Québec, l’équivalent de 160 000 barils de pétrole par jour ! Tout ça pour alimenter l’activité de l’industrie pétrolière la plus polluante de la planète.