Le piège des agences de placement

Le taux d’accidents chez les travailleurs d’agences est plus élevé

2017/03/08

De plus en plus au Québec, les agences de placement font appel à une main d’œuvre immigrante pour combler du travail temporaire. Ces travailleurs ne connaissent pas les lois du travail, ni leurs droits. Les agences abusent de cette méconnaissance pour en faire une clientèle captive de leur service de placement.

Selon Revenu Québec, une agence de placement de personnel est « une entreprise, dont les activités consistent à offrir des services de placement ou de location de personnel à des entreprises ayant des besoins temporaires de main-d’œuvre ».

Or, il arrive souvent que certains travailleurs occupent pendant plus d’un an le même poste dans la même entreprise. Ce qui n’est pas véritablement du travail temporaire. Ces postes devraient être donnés à des employés réguliers de l’entreprise. Ainsi, les entreprises se déresponsabilisent de leurs obligations d’employeurs et réduisent la possibilité de syndicalisation.

En entrevue, Carole Henry, porte-parole de l’organisme Au bas de l’échelle, raconte « qu’il faut des encadrements aux agences de placement, car ce ne sont pas des employeurs ordinaires. Une agence de placement est censée fournir des travailleurs occasionnels pour des remplacements de maladie, des congés de maternité ou pour du surplus de travail. Mais ce que l’on voit depuis quelques années, ce sont des postes de travail permanents. Ils sont sans statut, sans protection, sans avantages sociaux et n’ont pas les mêmes conditions de travail que les autres employés dans l’entreprise client ».

La majorité des travailleurs d’agence de placement sont de la main d’œuvre pour du cheap labor. « C’est pas payer cher et c’est du travail astreignant. Ce sont souvent des travailleurs immigrants diplômés, qui ont une première expérience de travail au Québec. Cette expérience de travail ne correspond pas à leur diplôme ; donc, ils évitent de la mettre dans leur c. v. C’est juste de la survie alimentaire », ajoute madame Henry.

Comme cela fait l’affaire des entreprises, ces travailleurs deviennent captifs de ce système-là et il devient très difficile pour eux de trouver autre chose. C’est une sorte de piège.

Carole Henry explique « que le portrait des travailleurs précaires en agence se décline par une main d’œuvre immigrante, des jeunes et des femmes, réparties environ un tiers, un tiers, un tiers. Ce sont des personnes qui sont vulnérables et non en position de défendre leurs droits ».

De plus, les agences de placement font signer aux travailleurs des clauses de non-concurrence. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent accepter un poste dans l’entreprise, après la fin du contrat avec celle-ci, pour une période allant de 12 à 24 mois.

De plus, comme nous l’apprend le rapport du Directeur de la santé publique de Montréal « le taux d’accidents chez les travailleurs d’agence est plus élevé que celui des travailleurs salariés réguliers ».

Si l’entreprise a un travail à risques, elle préfère faire appel à une agence de placement plutôt que de confier la tâche à un employé de la compagnie, parce que c’est l’agence qui est responsable devant la CSST, et non l’entreprise.

De plus, si le travailleur se blesse, l’entreprise demande à l’agence de lui fournir un nouveau travailleur. Si c’était un employé de l’entreprise, celle-ci devrait faire une déclaration à la CSST, et remplacer le travailleur durant la période d’arrêt.

« Un travailleur immigrant est envoyé par l’agence dans une entreprise. Il subit un accident de travail. L’agence met de la pression sur le travailleur en lui disant : “Si tu déclares ton accident, tu n’auras plus de travail avec nous. Je vais t’envoyer effectuer un contrat moins dur, le temps que tu guérisses’’ », relate Carole Henry.

Lorsque le travailleur ne déclare pas son accident de travail, par peur de ne plus avoir de travail avec l’agence, les séquelles ne seront pas compensées par la CSST, parce que l’accident n’a pas été déclaré.

Madame Henry conclut « qu’on s’est battu pour avoir une loi sur les normes du travail. Si elle est de moins en moins appliquée, ça donne quoi d’avoir des droits théoriques ? C’est un peu comme avoir une loi sans dents ».