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Les accords de libre-échange menacent l’industrie maritime canadienne

2017/03/08

Le 12 janvier dernier, devant le bureau de circonscription du ministre des Transports Marc Garneau, le Syndicat international des marins canadiens (SIM) a organisé une manifestation en soutien à l’industrie maritime canadienne. Des manifestations similaires se tenaient simultanément à Vancouver et Toronto. 

Ces manifestations avaient pour but de sensibiliser la population aux effets des récents accords de libre-échange, tels l’Accord économique et commercial global (AECG) et l’Accord sur le commerce des services (AGCS), sur l’industrie maritime canadienne. 

L’industrie maritime est un secteur important dans l’économie canadienne. Selon Patrice Caron, vice-président du SIM, rencontré lors de la manifestation, « 90 % de ce que nous utilisons tous les jours provient du transport maritime ». 

Les accords de libre-échange comme les changements de réglementation menacent de détruire une industrie qui emploie directement et indirectement 250 000 Canadiens. 

« Au Canada, des communautés et des régions, qui dépendent de l’industrie maritime, périront une fois que les accords seront mis en application. Il se passera peu de temps avant que les autres secteurs du transport soient touchés, notamment le transport routier et ferroviaire », ajoute M. Caron. 

Selon James Given, président du SIM, « L’AECG entre le Canada et l’Union européenne (UE) est l’entente la plus ambitieuse et la plus exhaustive jamais conclue par les parties concernées; elle englobe la gamme complète des facteurs qui ont une incidence sur le commerce dans le cadre de l’économie du 21e siècle. L’AECG aura des effets négatifs pour l’industrie du transport maritime canadien. C’est la menace la plus sérieuse que l’industrie maritime devra affronter ». 

Le 3 septembre 2014, la Coalition maritime canadienne avait déjà tenu une conférence de presse pour signifier son inquiétude au sujet de l’AECG entre le Canada et l’UE et du manque de transparence du gouvernement canadien au sujet de cet accord. 

« L’AGCS permettra aux navires, sous pavillon de complaisance de l’Union européenne, de commercer librement dans les ports canadiens sans aucune restriction, quant à l’origine de l’équipage, au niveau des salaires et aux conditions de travail », explique Patrice Caron. 

Les navires battant pavillon de complaisance sont la propriété d’armateurs de pays autres que celui du pavillon affiché par le navire. Ainsi, un navire, propriété d’une entreprise canadienne, arborera un drapeau d’un autre pays, dont les lois sont moins restrictives. Ce pavillon de complaisance évite au propriétaire du bateau d’avoir à respecter les lois canadiennes. 

Au Panama, par exemple, la législation est peu contraignante, ce qui permet au propriétaire du navire de verser aux marins des bas salaires et de n’accorder que de moins bonnes conditions de travail. 

« En résumé, les navires battant pavillon de l’Union européenne, incluant Malte, mais aussi celui des Îles Marshall et autres pavillons de complaisance, auraient le droit de concurrencer des compagnies canadiennes pour le transport maritime entre des ports canadiens, ce qui, jusqu’à maintenant, était réservé aux navires sous registre canadien », précise M. Caron. 

Au Canada, une réglementation, la « Loi du cabotage », protège l’industrie maritime. Elle spécifie que « le cabotage désigne une activité maritime commerciale intérieure au Canada. Il comprend le transport des marchandises et des passagers entre différents lieux situés au Canada ainsi que toutes les autres activités maritimes de nature commerciale réalisées dans les eaux canadiennes ». 

« Les deux accords de libre-échange (AGCS et AECG) ouvrent une brèche dans cette loi canadienne en permettant aux navires européens d’effectuer du transport entre ports canadiens, alors qu’on a des marins sans emploi », de poursuivre Patrice Caron. 

Le vice-président du SIM explique que « l’Organisation maritime internationale (OMI) évoque actuellement la mise en opération, d’ici quelques années, de navires entièrement automatisés, qui pourront traverser l’Atlantique sans équipage ». 

Ces navires seront équipés de senseurs, de caméras et d’autres appareils de haute technologie pour naviguer. Leur progression pourra être suivie grâce au Wi-Fi, depuis une centrale où travailleront des contrôleurs du trafic maritime, tout comme les contrôleurs aériens.

Patrice Caron s’interroge sur la sécurité maritime de ces navires automatisés. « Qu’arrivera-t-il lors d’incidents ? Comment pourront-ils faire accoster de façon sécuritaire des navires sans équipage ? »