Poursuite démesurée contre une petite ville de 157 âmes

Concert bénéfice de Solidarité Ristigouche à l’église de la Visitation de l’île Dupas

2017/09/08

Quel Québec étions-nous ce samedi soir, 26 août, au concert organisé à l’église de la Visitation-de-l’île-Dupas par Solidarité Ristigouche Lanaudière ? Quel Québec clamait son indignation face à la compagnie gazière Gastem, qui poursuit pour 1,5 million de dollars la petite municipalité de 157 habitants de Ristigouche Sud-Est pour avoir adopté un règlement pour protéger ses sources d’eau potable ?

Non, ce n’était pas le Québec véhiculé par Radio-Canada, ni même par Québecor. Était-ce un Québec marginal ? Un Québec d’une infime minorité ? Pourtant l’église de l’île Dupas était pleine à craquer et il y avait là des gens de grande qualité, des gens qui ont fait leur marque dans la nation québécoise, comme Dominic Champagne et Richard Langelier. 

Était-ce un Québec émotif sans argumentaire ? Pourtant, il y avait là des scientifiques de grande valeur et d’une intégrité hors de tout doute, comme Marc Brullemans. Il y avait là des universitaires comme Louise Morand, dont l’engagement environnemental est exemplaire. 

Était-ce le Québec de l’arrière-pays, de musiciens locaux ? Pourtant, il y avait là des artistes de renom comme Jean-Pierre Ferland, Yves Lambert connu par sa Bottine Souriante, Jean-Claude Mirandette des Charbonniers de l’Enfer, Nicolas Pellerin avec ses Grands Hurleurs, et d’autres. 

Il y avait aussi des artisans de la vie quotidienne comme ces deux jeunes agriculteurs, qui sont venus donner leur témoignage, et comme mon ami Pierre-Paul pour qui les métiers de la construction n’ont pas de secret. Des gens que l’on qualifie d’ordinaires, mais qui sont extraordinaires par leur compétence et leur savoir-faire. Il y avait des handicapés comme mon ami Roger venu de Sainte-Sophie et ce monsieur accompagné de son chien-guide ainsi que ce garçon trisomique. Il y avait des mères de famille, des grands-mères et même des arrière-grands-mères. En somme, des gens aux caractéristiques multiples, des gens de toutes les classes de la société, selon la catégorisation habituelle. 

Tout ce monde inspirait la force, la détermination, et leur nombre impressionnait également. On en attendait une centaine alors qu’il en est venu plus de deux cents. On comptait amasser 5 000 $ pour aider Ristigouche à se défendre devant les tribunaux; la générosité a contribué pour plus de 10 000 $. Des dollars que Statistique Canada ne comptabilisera pas lorsque cette officine fédérale évaluera la générosité des Québécois. 

Oui, c’était un Québec de grande qualité, le Québec de Lanaudière avec son député qui passe la soirée en tant que citoyen, avec le maire de Lanoraie qui a l’amabilité d’offrir le gîte au maire de Ristigouche, avec sa volée de bénévoles, qui n’hésitent pas à assumer toutes les tâches quelles qu’elles soient, seraient-ce les plus humbles, les plus discrètes, celles qui passent inaperçues et aussi celles qui demandent un sens aigu de l’organisation, dont l’ensemble fait le succès d’un événement comme celui-là. 

Oui, quel Québec étions-nous samedi soir à l’île Dupas, réunis en nombre insoupçonné pour applaudir à tout rompre des interventions enflammées et somme toute dévastatrices pour la classe dirigeante ? Des paroles qui s’insurgent contre le discours des politiciens en place, discours en pleine contradiction avec leur complaisance à l’égard des puissantes compagnies pétrolières, qui n’hésitent pas à forer des puits dévastateurs pour l’approvisionnement en eau potable des citoyens. 

Je ne sais si ce Québec dont j’ai fait partie samedi soir va infléchir l’avenir dans le sens espéré, mais ce que je sais, c’est que, parmi nous, il y avait une jeune génération qui va continuer à se tenir debout, à s’outiller, à se développer pour continuer le combat et affronter la puissance de l’argent et de ceux qui l’utilisent à l’encontre du bien commun. Serait-ce qu’un tel spectacle-bénéfice soit l’expression d’une population qui se prend solidairement en main ? N’est-ce pas inquiétant pour la classe dirigeante ? « De quoi se mêlent-ils, ces gens-là? », se disent-ils. « Prendre de telles initiatives, c’est inquiétant, mieux vaut tenter de ne pas ébruiter, mieux vaut faire en sorte que les médias officiels les ignorent. » 

Mais quel que soit le déni de ces personnes en situation de pouvoir, il s’agit là d’une force tranquille, d’un peuple déterminé, un peu bon enfant, mais qui sait dans quelle direction il veut aller, un peuple qui, je l’espère, va continuer à carburer et à grandir et qui, petit à petit, va réussir à se convaincre que les vrais leaders québécois, c’est en son sein qu’il va les trouver. 

Ce fut pour moi, un moment de ressourcement intense. J’en remercie tous celles et ceux qui y ont participé.