Le « nouveau Québec » de Philippe Couillard

Plus de 200 000 immigrants récemment arrivés ne savent pas parler français

2018/02/23

Lors des célébrations du 150e anniversaire du PLQ en novembre 2017, Philippe Couillard a présenté sa vision du Québec de demain, vision emballée dans le vocable de « nouveau Québec ». Ce qui est intéressant dans l’expression « nouveau Québec », c’est la volonté de rupture avec le Québec actuel, c’est-à-dire « l’ancien Québec », que Philippe Couillard ne se gêne pas pour associer à la « fermeture sur le monde », au « racisme » et à « l’islamophobie ». Voyons ce qu’il en retourne sur le plan électoral.

Les intentions de vote pour le PLQ oscillent entre 28 et 35 % depuis des années, soit une variation relative d’environ 20 %. La stabilité de l’appui au PLQ est tout à fait remarquable. Un des ingrédients de la recette libérale est connu : S’appuyer massivement sur l’électorat qui ne parle pas le français à la maison. Bon an mal an, environ 85 % des non-francophones déclarent vouloir voter pour le PLQ. Moins du quart des francophones déclarent la même chose. 

L’appui des francophones au PLQ est en léger déclin depuis des années. Pour compenser, le PLQ doit impérativement augmenter ses appuis chez les non-francophones. Avec 85 % d’appuis chez les non-francophones, le plafond est vraisemblablement atteint. La seule alternative consiste à augmenter le nombre de non-francophones dans la population québécoise. En conséquence, et ce dès la prise du pouvoir en 2003, le PLQ s’est appliqué à hausser de façon importante le nombre d’immigrants reçus au Québec. 
En vingt ans, le volume de l’immigration a presque doublé, d’une moyenne de 29 000 personnes, qu’il était à la fin des années 1990, pour atteindre maintenant une « cible » tournant autour de 53 000 personnes par année. Une « cible » qui, normalisée à l’année 2015, équivaut à l’entrée, annuellement, d’un nombre d’immigrants permanents de 0,64 % de la population québécoise, alors que le chiffre correspondant pour l’année 2000 était de 0,39 %. Selon les données compilées par l’OCDE, pour la même année 2015, la France admettait l’équivalent de 0,4 % de sa population, les États-Unis 0,3 %, le Canada 0,8 % et le Japon 0,1 %. 

L’autre ingrédient de la recette libérale est le refus plus ou moins explicite de franciser les immigrants non francophones qui arrivent au Québec. Résumons : La francisation des immigrants adultes n’est pas obligatoire au Québec, aucun examen de connaissance du français ne vient sanctionner la remise de la citoyenneté canadienne, les moyens mis à la disposition de ceux qui souhaitent suivre les cours de français sont faméliques (140 $ par semaine), et le gouvernement Couillard a largement tronçonné les budgets alloués à la francisation au cours des dernières années. N’oublions pas le dossier répugnant de la remise de diplômes de francisation bidon par certaines institutions anglophones de Montréal qui fait l’objet d’une enquête de l’UPAC (encore une enquête qui ne débouchera pas ?). 

 Il est à noter que c’est véritablement le fait de parler le français à la maison, qui détermine le comportement électoral. Selon les données du recensement de 2006 sur la langue d’usage des immigrants récents (moins de 5 ans), 9,4 %, 34,7 % et 55,9 % des immigrants ont l’anglais, le français ou ni le français ni l’anglais comme langue d’usage (la langue parlée à la maison).

Avec un volume de 53 000 immigrants par année, il se rajoute donc, chaque année, environ 34 600 personnes (53 000 x 65,3 %) ne parlant pas le français à la maison. De ce nombre, environ 70 % sont des adultes qui acquièrent le droit de vote à la suite de l’obtention de la citoyenneté canadienne. Si 85 % de ces personnes votent pour le PLQ, cela signifie qu’il se rajoute, chaque année, environ 20 500 électeurs pour le PLQ, en supposant que tous les immigrants reçus demeurent au Québec. Le nombre moyen d’électeurs par circonscription est d’environ 45 000. On peut donc estimer très grossièrement que le PLQ engrange l’équivalent – pour le nombre d’électeurs – d’une circonscription tous les deux ans !

Bien sûr, cette approximation ne tient compte ni du tamisage migratoire ni de la répartition des immigrants. Cela donne cependant une idée de l’ampleur de la manipulation de la démocratie à laquelle se livre le PLQ en instrumentalisant l’immigration à son profit. Les projections effectuées à partir des intentions de vote sont d’ailleurs limpides. Dans certaines régions du Québec où réside une forte proportion de non-francophones, il est mathématiquement quasi impossible qu’un candidat d’un autre parti que le PLQ soit élu. Dans l’ouest de l’île de Montréal, par exemple, le PLQ peut compter – beau temps mauvais temps – sur un bloc monolithique de 13 circonscriptions qui lui sont acquises (voir figure 1, tirée de QC125.com). 

Ces régions où l’alternance politique ne joue plus sont en croissance. La circonscription de Fabre dans l’ouest de Laval, par exemple, a été représentée par le péquiste Joseph Facal jusqu’en 2003. Aujourd’hui, les probabilités d’élection du PLQ dans Fabre sont de 94 % (voir figure 2). L’alternance du pouvoir – base de toute démocratie – a été réduite en miettes. 

En instrumentalisant l’immigration et la francisation, le PLQ s’achète un boulevard vers le pouvoir, alimente le cynisme et sabote la démocratie québécoise.  Afin de se déprendre du piège à ours tendu par le PLQ, il faut soit franciser les immigrants avec une vigueur inconnue jusqu’à maintenant, soit diminuer significativement les volumes d’immigration ou bien idéalement faire les deux en même temps. Souhaitons que le « nouveau Québec » ne se fasse pas au prix de la disparition du Québec français.