Le chemin de Damas

2018/04/20

Quand il a eu une révélation  sur le chemin de Damas, saint Paul, jusque-là pourfendeur de chrétiens, n’a pas fait les choses à moitié : il est tombé de son cheval et est devenu un dangereux prosélyte. 

On ne sait d’où Vincent Marissal est tombé, mais toujours est-il que l’état d’extase de GND annonçant l’arrivée de son Messie nous porte à croire que c’est du ciel qu’il est descendu.

Celui qui se faisait une gloire de pourfendre le cynisme en politique nous en a fait voir en moins d’une semaine de toutes les couleurs à cet égard. Non, il ne se magasinait pas une job quand, durant la même période, il frappait à la fois à la porte du Parti libéral du Canada, un parti fédéraliste de centre droit on ne peut plus centralisateur, et à celle de Québec solidaire, un parti au programme indépendantiste et d’extrême gauche. Il ne faisait, selon la formule qu’il a utilisée, qu’un peu d’exploration de l’offre politique. Comme un explorateur qui se promènerait en même temps du côté de l’Antarctique et des Tropiques…
Mais soyons bon joueur et admettons qu’il en faut, du courage, pour aller pourfendre l’establishment en adhérant au Parti libéral du Canada !

Par ailleurs, tant que ce ne sont que les médias de Québecor et un ancien ministre péquiste particulièrement honni, en l’occurrence Bernard Drainville, qui racontaient son flirt avec les libéraux, Marissal prenait la chose de haut et niait. Mais quand Denis Lessard, le journaliste le mieux informé de la colline parlementaire, a publié un article racontant les rencontres libérales de Marissal dans leurs moindres détails, là c’est devenu sérieux. Il a avoué.

Dans la très complaisante « entrevue » qu’on lui a offerte à Tout le monde en parle, Marissal a révélé qu’il avait toujours été « profondément indigné ». Par les salaires des PDG, par les minières qui pillent nos richesses, par ce que sont devenues les caisses populaires, des banques, par les inégalités hommes/femmes et le reste. Vocation tardive que cette soudaine prise de conscience d’une indignation refoulée pendant les vingt années passées à La Presse. Dans la Rome antique, ça s’appelait déchirer sa robe prétexte. Les coutures étaient d’ailleurs prévues pour ce faire… 
Ce qu’il a dit de ses années à La Presse – et qui n’a pas dû plaire à ses ex-collègues – m’a rappelé le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie, qui a écrit en 1576 : « Je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes (…) supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. » Accepter durant vingt ans de se la fermer, accepter d’émettre des opinions qui ne sont pas les siennes, accepter de passer pour quelqu’un qu’on n’est pas, cela demande, pour le mieux, une bonne dose d’abnégation, ou, pour le pire, une forte capacité à la duplicité. À moins qu’il n’y ait de la graine de martyr chez cet homme qui se dit maintenant libéré…

On aurait aimé être un petit oiseau pour voir la tête des membres du Politburo de QS quand Marissal a pris le programme du parti par-dessus la jambe tout en disant, sourire en coin, que remplacer patrimoine par matrimoine, ce n’était pas la trouvaille du siècle…

Marissal a déjà écrit : « Un négociateur fédéraliste dans un gouvernement péquiste, c’est comme un végétarien dans un steakhouse. » Un neutre politique qui ne s’est jamais fait remarquer comme étant de gauche, aujourd’hui candidat d’un parti qui se dit indépendantiste et socialiste, c’est un peu comme « un carnivore dans un restaurant Le Commensal », me semble. 

Lors du débat autour de la Charte de la laïcité, j’avais dénoncé l’étendue de son escobarderie en ces termes : « Je les ai comptées. Quoi ? Les lignes ! La vérité n’est pas tout entière contenue dans les chiffres, on le sait. Mais quand même. Il arrive qu’ils nous en apprennent parfois sur le fond des choses. Jetant son habituel regard quelque peu désabusé sur le débat en cours autour de la Charte, le chroniqueur Vincent Marissal, de La Presse, consacrait récemment un article sur les dérives qui, à ses yeux, entachaient les interventions des défenseurs et des opposants du projet de loi. Le texte faisait 168 lignes. On en comptait 162 qui pourfendaient les défenseurs. Il en restait 6 pour critiquer les opposants. Un lièvre. Un cheval. »

Marissal se présente dans Rosemont « parce que c’est chez lui, qu’il y habite ». C’est le même qui reluquait les comtés d’Outremont et de Saint-Laurent pour y représenter les libéraux. Autrement dit, il est chez lui partout, à l’aise avec toutes les idéologies contradictoires, tout en s’offusquant que ses valeurs et ses convictions nouvellement affichées apparaissent quelque peu élastiques, pour ne pas dire suspectes.