Et si les russes n’avaient pas tort?

2017/04/10 | Par René Boulanger

Le grand admirateur de Barack Obama qu’est Jean-François Lisée a mis de côté son aversion pour Donald Trump pour approuver l’agression américaine en Syrie. Ému probablement par les monstrueuses images d’enfants morts par le gaz sarin, il a résumé sa position sur la Syrie le 7 avril en lançant, comme Thomas Mulcair dans ses grandes envolées : Bachar Al-Assad doit partir. Est-ce bien là une saine politique internationale?

On est très loin des positions d’un Jean-Luc Mélenchon en France qui se base sur des informations très pointues, cueillies en dehors du grand cirque médiatique de l’Agence France Presse ou de l’agence Reuters. Ces agences sont d’ailleurs bien alignées sur les canaux de désinformation des services secrets britanniques, saoudiens ou qataris.

Ou Jean-François Lisée possède des informations que nous n’avons pas, ou il fait comme l’ensemble du monde politique occidental, il condamne sans enquête.

À ce jour, personne, ni l’ONU ni aucun service de renseignement n’a fourni de preuve de la responsabilité de la Syrie dans l’horrible drame qui s’est passé près d’Idleb. Faute d’enquête, pour l’instant, c’est la version russe de l’événement qui apporte le plus de sens.

À savoir le bombardement d’un hangar où était entreposé du matériel de guerre et du gaz sarin dont les islamistes se sont emparés avant la destruction des stocks de l’armée syrienne sous la supervision de « l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ».

Cette organisation de l’ONU a produit un rapport en 2016 qui valide l’élimination complète de l’arme chimique en Syrie. Malheureusement, lorsque la Syrie conformément à ses engagements envers l’ONU, a détruit avec l’aide des Etats-Unis tous ses stocks d’armes chimiques ni l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie, l’Angleterre, la France et les Etats-Unis ne se sont pas beaucoup souciés en 2014 de détruire la partie de cet armement monstrueux tombé entre les mains de leurs protégés islamistes.

C’est pourquoi, on peut être enclin à donner plus de crédit à la version russe des derniers événements. Le régime syrien n’avait ni la capacité, ni l’intérêt politique ou stratégique d’utiliser le gaz sarin dans la province d’Idleb. Sinon quelle aubaine pour ses adversaires qui maîtrisent si bien la guerre de l’information pour intoxiquer le public occidental.

Depuis le début même de la guerre en Syrie, on a pu constater la militarisation de l’information de masse telle que diffusée principalement par l’Agence France-Presse et Reuters. Force est de constater qu’un seul point de vue y est présenté, celui des rebelles islamistes et de leurs sponsors.

Cela est devenu encore plus grossier lorsque la commission d’enquête de l’ONU sur l’utilisation de l’arme chimique présidée par le procureur Carla Del Ponte ayant accès à toutes les parties du territoire syrien sauf à celles contrôlées par la rébellion a exprimé l’idée que la rébellion pouvait elle aussi avoir pu utiliser des armes chimiques.

Lorsqu’elle a confirmé qu’il n’y avait pas de preuve de l’utilisation de ces gaz par l’armée syrienne, elle a subi un procès médiatique et on lui a enlevé la direction de l’enquête.

La guerre médiatique va très loin. Lorsque l’attaque de la Ghouta, près de Damas, qui a fait près de 1200 morts, a été attribuée au régime par tous les gouvernements membres de l’OTAN, les mêmes enquêteurs de l’ONU ont conclu à l’absence de preuve mais, en même temps, ont ignoré les photos satellite fournies par la Russie qui montraient que les roquettes provenaient de la zone rebelle.

Un peu plus tard, bien après que la guerre de l’information ait complètement discrédité le régime laïque et pluri-partiste de Bachar Al-Assad, une étude sérieuse et approfondie du Massachusets Institute of Techonology a complètement innocenté l’armée syrienne en prouvant par des études balistiques sans faille que les roquettes de la Ghouta ne pouvaient avoir été lancées qu’à partir de la zone rebelle.

Plus on s’informe et que l’on vérifie, plus on s’aperçoit que l’opinion occidentale est manipulée. S’informer et vérifier, c’est ce que fait Jean-Luc Mélenchon et ce que ne fait pas Jean-François Lisée. Qui a dit que la première victime de la guerre est la vérité?

Il faut s’intéresser à ce malheureux pays, de beaucoup plus près. On peut y découvrir des figures admirables qui essaient de défendre la vérité telle Mère Agnès Mariam de la Croix qui est venue ici à Montréal à l’invitation du pianiste de concert Pierre Jasmin, un professeur de l’UQAM qui a essayé toute sa vie d’arrêter quelques guerres.

Mère Agnès Mariam de la Croix n’a jamais pu donner d’entrevues télévisées ni radiophoniques à Montréal, encore moins faire déplacer des journalistes comme ceux de La Presse.

Son message n’était pas intéressant, elle disait simplement que nous n’avions pas la vérité sur la Syrie. Son intérêt était d’arrêter le massacre des chrétiens par les djihadistes, ceux-ci armés par l’Arabie Saoudite et l’OTAN. On peut supposer qu’elle n’a sûrement pas rencontré Jean-François Lisée, pourtant ministre des Affaires internationales sous le gouvernement Marois.

Maintenant, quand on lit la réaction universelle des puissances occidentales face à la nouvelle fabriquée par leurs officines de renseignement et leurs nouveaux appels à la guerre, il faut se méfier. Nous sommes le jouet d’une classique propagande de guerre, assez évidente. Et malheureusement, celle-ci nous fait croire à l’inhumanité d’un ennemi qui n’est pas le nôtre pendant que nous ignorons les vrais commanditaires du crime.

Est-ce si difficile de débusquer la vérité quand elle crie si fort pour qu’on l’entende?