La rémunération des hauts dirigeants dans le secteur coopératif québécois

2017/06/13 | Par IREC

Faits saillants du plus récent rapport de recherche de l’IRÉC, disponible dans sa version intégrale ici : http://www.irec.net/index.jsp?p=33

Le secteur coopératif représente au Québec près de 100 000 emplois. Avec plus de 40 000 employés, le Mouvement Desjardins est le plus gros employeur privé du Québec.

En plus d’avoir la responsabilité de satisfaire ses membres, une coopérative doit également obéir à un certain nombre de principes coopératifs. L’égalité, l’équité et la solidarité comptent parmi les six valeurs au cœur du mouvement coopératif (avec l’autoassistance, l’autoresponsabilité et la démocratie).

À l’exception du Mouvement des caisses Desjardins, les coopératives québécoises ne dévoilent pas la rémunération de leurs dirigeants et ne sont pas tenues de le faire. Deux grands types d’arguments ont été et sont toujours invoqués pour limiter les exigences de transparence : le droit à la vie privée et les effets de la divulgation sur la concurrence salariale. En effet, une telle divulgation aurait, prétend-on, un effet haussier sur la rémunération des hauts dirigeants et, du coup, accroîtrait les charges des entreprises.

Tout en étant très élevée en termes absolus, la rémunération des hauts dirigeants de Desjardins est plus modérée que dans toutes les grandes banques capitalistes canadiennes. En 2015, avec une rémunération globale estimée à 3,9 millions de dollars, la présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins gagnait « seulement » 54 fois la rémunération moyenne d’un employé de Desjardins.

Le chef de la direction d’une banque canadienne gagne entre deux et trois fois ce que gagne son homologue chez Desjardins.

Depuis 2013, la cible pour la rémunération du chef de la direction correspond à 100% de la médiane d’un groupe de 78 coopératives financières d’envergure comparable, pour la très grande majorité située au Canada.

Il n’y a pas vraiment de raison de se concentrer sur les entreprises
« canadiennes », dans la mesure où les transferts de cadres dans le secteur coopératif québécois semblent généralement avoir lieu à partir du bassin des entreprises situées au Québec.

En dollars constants de 2015, la rémunération directe du chef de la direction de Desjardins a augmenté de 147% de 2001 à 2015, passant de 1 079 626 $ à
2 664 598 $. Pendant ce temps, le salaire moyen des employés de Desjardins a augmenté de « seulement » 46%, passant de 40 638 $ à 59 386 $. Desjardins ne semble jamais avoir visé un « ratio d’équité » entre la rémunération du chef de la direction et celle des autres employés de la coopérative.

La recherche montre que les chefs de la direction circulent en fait très rarement d’une entreprise à une autre et qu’ils sont généralement recrutés à l’interne. Entre 1993 et 1998, il n’y eut que six transferts directs de chef de la direction d’une entreprise du S&P 500 à une autre.

Chez Desjardins, alors que la pratique du benchmarking horizontal (comparaison du même poste chez différentes entreprises) est fortement ancrée, celle du benchmarking vertical (comparaison de différents postes à l’intérieur de la même entreprise) semble sinon absente, du moins peu déterminante.

Chez Desjardins, depuis 1996, il n’y a qu’en 2008 que le chef de la direction n’a pas eu droit à une prime au rendement.

Ce n’est pas le talent des gestionnaires qui a chuté vers 2008 : c’est la croissance économique d’à peu près tous les pays de la planète. Ainsi, dans le secteur financier en particulier, la soi-disant rémunération au rendement rémunère en réalité dans une bonne mesure la santé économique environnante.

La rémunération au rendement prend une importance croissante chez Desjardins. En 1996, la prime au rendement du chef de la direction représentait 10% de son salaire de base ; en 1998, près de 20% ; depuis 2009, la prime représente environ 110% du salaire de base.

Les ristournes ne cessent de baisser, alors que Desjardins est en pleine expansion. De 2002 à 2014, les ristournes ont baissé de 415 millions de dollars à 177 millions de dollars (en dollars courants) ; à l’automne 2015, il a ouvertement été question de tout simplement les abolir. La politique de rémunération ne prévoit aucun objectif à propos des ristournes.

Dans un contexte de croissance des actifs, plus de 1 000 caisses, typiquement en milieux ruraux, ont fermé leurs portes depuis le milieu des années 1990.