Pas de foudre dans le drame de Tallmansville

2007/05/07 | Par Paul Martineau

En plein congé des fêtes, le 2 janvier 2006, les images avaient rapidement fait le tour du monde. Treize mineurs américains s’étaient trouvés prisonniers, à 80 mètres de profondeur, dans l’obscurité écrasante d’une mine de charbon de Tallmansville, en Virginie occidentale. Une explosion, que les autorités disaient probablement due à la foudre , avait provoqué le gigantesque effondrement de la mine Sago.

Deux jours plus tard, ce sont douze cadavres et un seul survivant que les secours avaient tirés des décombres. Ce dernier était d’ailleurs resté dans le coma pendant plusieurs semaines, avec des dommages importants au cerveau, aux reins, aux poumons, au cœur et au foie.

Les familles des victimes, comme leurs confrères de travail et le mouvement syndical, avaient demandé des comptes à la direction de la mine. Cette dernière continuait de blâmer la foudre. Selon le Lexington Herald-Leader, un quotidien d’une région minière du Kentucky, cette théorie était à peine meilleure que la magie noire ou le suicide de masse .

En mars dernier, plus d’un ans après la tragédie, le syndicat des mineurs, membre du United Mine Workers of America (UMWA), vient de rendre public un rapport dévastateur sur l’explosion de la mine Sago. Les événements du 2 janvier 2006 à la mine Sago auraient pu et auraient dû être évités , peut-on y lire.

Douze hommes sont morts aujourd’hui alors qu’ils n’auraient pas dû périr, a déclaré le président des UMWA, Cecil E. Roberts, en dévoilant le rapport. Leur mort est le résultat d’une série de mauvaises décisions prises par la compagnie et l’agence fédérale de règlementation de la sécurité minière.

Et sans une action immédiate de la part des gestionnaires de mines et des agences de réglementation pour contrer les effets de ces décisions, d’autres tragédies sont inévitables , a rappellé le syndicaliste.

À Sago, le rapport de l’UMWA a démontré que malgré les critiques du syndicat, les sceaux de sécurité dans les tunnels ainsi que les systèmes de ventilation et de communication ne répondaient pas aux plus hauts standards de sécurité. L’aménagement de galeries pouvant atteindre jusqu’à 18 pieds, une hauteur démesurée, aurait aussi contribué à l’explosion en favorisant l’accumulation de méthane. Un plus grand souci accordé à la sécurité aurait permis d’éviter les 12 morts, conclut le document..

Environs 42 % des mineurs font partie de l’UMWA aux États-Unis. La quasi-totalité des autres travaillent dans des mines non-syndiquées, où les salaires sont souvent beaucoup plus bas et où la sécurité peut faire défaut. D’autant plus que récemment, l’Associated Press démontrait que la hausse du prix du charbon entraînait des semaines de travail de plus de 60 heures pour bien des mineurs. Attirés par les salaires payés en temps supplémentaires, les employés s’épuisent, et mettent parfois leur sécurité en danger.

Ainsi, si la mine de Sago était dangereuse, les mines non-syndiquées, elles, sont de véritables pièges, où les morts et les blessés s’accumulent à un rythme fou La différence est tellement marquée entre les mines syndiquées et les non-syndiquées qu’elle paraît invraisemblable.

Selon les statistiques colligées par l’UMWA, il y a eu 157 décès de mineurs américains au travail entre 2002 et 2007. De ce nombre, 24 seulement travaillaient en milieu syndiqué. Les 133 autres travaillaient dans les mines non-syndiquées, ce qui représente 85 % des morts.

Le portrait est similaire pour ce qui est des blessures. Pour la même période de temps, il y a eu 27 105 mineurs blessés au travail aux États-Unis. De ce nombre, 75 % travaillaient en milieu non-syndiqué, contre à peine 25 % en milieu syndiqué.

Malgré cet écart évident entre les niveaux de risques, les propriétaires des mines non-syndiquées continuent à faire des pieds et des mains pour empêcher l’implantation de nouveaux syndicats. C’est le cas de la direction de la Peabody Energy Co, où plus de 3400 mineurs de charbon sont toujours sans protection syndicale. En mettant la sécurité à l’avant-plan, l’UMWA mène présentement une importante campagne de syndicalisation au sein de l’entreprise. Les patrons contre-attaquent toutefois avec des campagnes de peur, des rencontres individuelles d’employés pour les dissuader d’adhérer au syndicat et des menaces de fermeture.

Ironiquement, c’est la deuxième fois que les employés de Peabody – la plus grosse compagnie privée de charbon – se battent pour le droit à un syndicat. Il fut une époque où la main-d’œuvre de l’entreprise était presque à 100 % syndiquée. L’entreprise a alors tout simplement fermé ses mines syndiquées pour en rouvrir de nouvelles, sans syndicat.