Mulroney veut une méga-banque

2007/05/14 | Par Jean-François Vinet

Dans le Globe and Mail du 11 mai, l’ancien Premier ministre du Canada Brian Mulroney implore le gouvernement fédéral de permettre les fusions entre les banques canadiennes. Sinon, la compétitivité de nos petites banques canadiennes serait en danger.

Ce scénario alarmiste est non seulement erroné. Un grand nombre d’analystes contredisent les propos de l’ancien Premier Ministre. Derek Decloet rappelle dans le Globe du 26 avril 2007 que les grandes fusions du secteur bancaire ne fonctionnent malheureusement pas toujours comme prévu.

Même si la taille peut aider, celle-ci n’est pas garante du succès d’une entreprise. Le journaliste rappelle que la Citigroup, la J.P Morgan Chase, la Bank of America, la Wachovia, la Wells Fargo, la HSBC, la UBS, la Royal Bank of Scotia et la Barclays, qui ont toutes effectuées d’importantes acquisitions, ont offert des performances annuelles inférieures à la moyenne des petites banques canadiennes.

En plus d’être très risquée, la fusion des banques canadiennes est loin de leur assurer une place dominante parmi les géants banquiers mondiaux. Pour se classer parmi les 10 plus importantes institutions financières du monde en termes d’actifs, il faudrait qu’au moins cinq des plus importantes banques canadiennes fusionnent entre elles. Si seulement trois d’entre elles unissaient leurs forces, elles n’atteindraient que le 17e rang à l’échelle mondiale. Donc, même si une fusion se réalisait avec succès, il est loin d’être assuré que la nouvelle banque s’approprierait une position dominante sur la scène mondiale

En 2006, selon le ministère des Finances, les six plus grandes banques canadiennes détenaient 90% des actifs. Devrait-on, pour répondre aux vœux de Brian Mulroney, concentrer 90% des actifs dans une ou deux méga-banques au Canada? Pourrait-on encore parler d’un marché compétitif au Canada si deux banques contrôlaient la presque totalité des actifs? D’ailleurs, peut-on vraiment parler d’un marché compétitif lorsque l’on sait que plus des ¾ des localités canadiennes sont desservies par un monopole ou un duopole bancaire ?

Nous sommes loin, très loin d’une concurrence pure et parfaite sur le marché des services bancaires au Canada. À la fin de 2006, les six plus grandes banques canadiennes affichaient des profits de 19 milliards de dollars soit 58% de plus qu’en 2005.