Pauline Marois vue par… (1)

2007/08/10 | Par L’aut’journal 

Pauline Marois est maintenant à la direction du Parti Québécois. En attendant la publication d’une biographie qui lui sera consacrée, il est possible de retracer les grandes lignes de son parcours politique dans les biographies consacrées aux politiciens québécois. Nous en publions les extraits pertinents dans une série d’articles sur ce site.

Au menu de ce premier article, des extraits de la biographie de René Lévesque par Pierre Godin (Boréal).


Photo: Phil Carpenter

Sa première élection dans la circonscription de La Peltrie

C’est Pauline Marois qui hérite du comté. Une belle femme souriante et ministrable qui a œuvré dans les milieux de l’assistance sociale. Contrairement à Lise Payette, elle vit pour la politique. « Ce serait pure folie de ma part si j’y allais », objecte-t-elle d’abord en montrant son ventre rond. Enceinte de sept mois, quelle sorte de campagne l’attendrait? Mais son mari, Claude Blanchet, l’encourage et le premier ministre insiste.

Cependant, une autre a les yeux sur le comté. Et, en bonne émule de Lise Payette, Pauline Marois envisage mal la perspective d’une bataille de femmes. Elle laisse savoir à René Lévesque que si l’autre candidate ne se désiste pas, elle restera chez elle. René Lévesque lui fait la leçon : «Madame Marois, en politique, il faut se battre. L’investiture, c’est votre première bataille. Une fois que vous l’aurez gagnée, vous gagnerez l’autre.»

(…)

La grande gagnante est Pauline Marois, élue facilement dans le nouveau comté de La Peltrie à Québec. L’ancienne attachée politique de Lise Payette et de Jacques Parizeau – auprès duquel elle ne s’est pas attardée car celui-ci faisait tout lui-même, sauf répondre au téléphone et manipuler la calculatrice – , accède à la Condition féminine.

(Tome IV, pp. 117 et 146)

Le rapatriement de la Constitution

De son côté, la nouvelle ministre Pauline Marois veut croire que le gouvernement a évité le pire. Aux derniers instants du sommet, les députés réunis en caucus ont poussé un gros soupir de soulagement quand René Lévesque a refusé net de parapher l’entente. S’il l’avait fait, c’en était fini du Parti québécois et de l’indépendance, puisque le Québec « rentrait » dans la nouvelle confédération. « S’il avait fallu que Claude Morin persuade René Lévesque de signer l’accord, dira Pauline Marois, il se serait fait lyncher en revenant à Québec. »

(Tome IV, p. 195)

Le renérendum

Tous les ministres s’inclinent, même ceux qui réprouvent ce « crois ou meurs » d’une autre époque. Pauline Marois se rappelle que personne au Cabinet n’a osé dire au chef que ce référendum maison était insensé, voire antidémocratique. De toute manière, il n’était déjà plus parlable. Tous les députés endossent également la pétition d’appui inconditionnel à Lévesque, sauf trois mauvais coucheurs : Guy Bisaillon, Louise Harel et Pierre de Bellefeuille, qui refusent de prêter ce serment du Test péquiste.

(Tome IV, p. 227)

Les négociations du secteur public de 1981

Au Conseil des ministres, deux clans s’opposent. Deux générations. Il y a les « jeunes », des trentenaires comme Pierre Marc Johnson, Michel Clair, François Gendron, Pauline Marois, Denis Leblanc, Alain Marcoux et Jean-François Bertrand, entrés pour la plupart au Cabinet après les dernières élections. Tous favorisent le gel des hausses dues en juillet, tout en épargnant les plus bas salariés. Cette option jeunesse, si l’on peut dire, consiste concrètement à rouvrir la convention pour annuler ce qui a été accordé et négocier une nouvelle hausse qui corresponde à la capacité de payer du gouvernement.

Les « vieux » de la première génération péquiste, les Jacques Parizeau, Yves Bérubé, Marc-André Bédard, Yves Duhaime, Denis Lazure et Camille Laurin, bouillonnent. Ne pas verser les sommes convenues le 1er juillet, c’est ne pas honorer ses engagements.

Que diraient les honnêtes gens si l’État québécois reniait ainsi sa signature, alors qu’il demande à Terre-Neuve de respecter la sienne dans le conflit qui l’oppose à Hydro-Québec au sujet de l’exploitation du potentiel hydro-électrique de cette province?, fait remarquer Jacques Parizeau.

(…)

Jacques Parizeau assure qu’il faut débourser le milliard de dollars convenu, le 1er juillet. Quitte, et c’est là le génie de l’affaire, à récupérer, durant les trois premiers mois de 1983, une fois échues les conventions collectives de 1979, les 521 millions de dollars jugés non négociables par le premier ministre. Il suffira de dire aux fonctionnaires : nous vous versons l’augmentation pour respecter notre parole, mais nous allons la reprendre plus tard; alors mettez-la de côté.

(…)

« Ce sont seulement les jeunes qui ne sont pas d’accord! », constate René Lévesque après avoir fait son nid en faveur de l’option Parizeau. Pauline Marois s’offusque de la remarque. A-t-elle tort du seul fait qu’elle n’a que trente-deux ans et peu d’expérience politique? L’inexpérience empêche-t-elle le simple bon sens? La ministre de la Condition féminine juge tout simplement inadmissible de donner, puis de reprendre.

(…)

Le 9 décembre, la loi 105 tombe sur la tête des quelques 300 000 employés de l’État. Une centaine de décrets, qui dont des milliers de pages, une pile d’un mètre de haut. La loi spéciale ne se contente pas de fixer les conditions de travail pour les trois prochaines années et la modalités des coupes rétroactives imaginées par Jacques Parizeau. Elle met un terme au régime des négociations.

(…)

Toujours rebelle, Louise Harel s’insurge contre « la dynamique de l’arrogance du gouvernement qui modifie les conventions à trois mois et demi de leur expiration ». Elle s’associe aux libéraux et au député prosyndical Guy Bisaillon contre la motion d’urgence qui, dit-elle, caricature la démocratie parlementaire. Depuis qu’il siège comme indépendant, Guy Bisaillon observe la famille péquiste se déchirer sous ses yeux et s’en amuse. Lors du vote de la motion, six ministres dont Pauline Marois, Denis Lazure, Guy Chevrette et Gilbert Paquette manquent à l’appel. Une vingtaine de députés en font autant.

(Tome IV, pp. 238-240, 263-264)

Dans notre prochain article publié demain :

- Un remaniement ministériel de René Lévesque;
- Le « beau risque »;
- La souveraineté comme « police d’assurance »;
- Démission de ministres dans le contexte du « beau risque »;
- La course à la chefferie remportée par Pierre Marc Johnson