Pauline Marois vue par… (8)

2007/08/15 | Par L’aut’journal 

Pauline Marois est maintenant à la direction du Parti Québécois. En attendant la publication d’une biographie qui lui sera consacrée, il est possible de retracer les grandes lignes de son parcours politique dans les biographies consacrées aux politiciens québécois. Nous en publions les extraits pertinents dans une série d’articles sur ce site.

Au menu de ce septième article, des extraits de la biographie de Bernard Landry par Pierre Vastel (Les éditions de L’Homme).

La guerre des six jours pour la succession de Lucien Bouchard

Le vendredi 12 janvier 2001, jour 1.
Trois groupes sont au téléphone : celui de Bernard Landry, celui de Pauline Marois et celui des « vieux ténors » du parti – Jacques Brassard, Guy Chevrette et Jacques Léonard.

L’objectif des « anciens » est d’obtenir une vraie course, « pour brasser le parti ». Ils encouragent les « jeunes », Diane Lemieux, André Boisclair et surtout François Legault, à offrir leur candidature.

(…)

Pauline Marois est plus lente, plus méthodique, dans sa série de coups de téléphone. Elle commence par la vice-présidente du parti, Marie Malavoy, puis la whip (le préfet de discipline) du groupe parlementaire, Jocelyne Caron, enfin Louise Harel, une collègue de longue date qui a appuyé sa candidature en 1985. Elle n’appelle Louise Beaudoin que le vendredi soir.

« Elle était convaincue que j’allais l’appuyer et je savais que j’aurais un mauvais moment à passer », dit Louise Beaudoin.

(…)

Quand Louise Beaudoin lui révèle qu’elle a déjà promis à Bernard Landry de l’appuyer, Pauline Marois réalise que les femmes lui font faux bond. D’ailleurs, elle n’appelle Diane Lemieux que le samedi matin, ce qui lui fait grand tort. « Pauline n’était pas prête, dit Mme Lemieux. La preuve, c’est qu’elle m’a appelée 24 heures plus tard! »

L’expérience est cruelle pour Pauline Marois. Pas tellement parce que les femmes lui disent non – « Ce n’est pas parce qu’on est des femmes qu’on doit toutes penser de la même façon », reconnaît-elle -, mais parce qu’elle se fait dire que Bernard Landry est mieux préparé qu’elle à prendre la relève.

« Lequel a le plus d’expérience? Proteste-t-elle. Au gouvernement, (Condition féminine, Main-d’œuvre et Sécurité du revenu, Fonction publique, Conseil du Trésor, Finances, Revenu, Éducation, Famille et Enfance, Santé…), j’en ai plus que lui! J’ai même fait les Finances moi aussi, et j’ai une bonne connaissance de l’appareil administratif. »

Sa seule concession : « Landry est plus éclatant que moi! »

Dans la soirée ce premier jour de la guerre de succession, elle a enfin une bonne surprise. Son collègue à l’Éducation, François Legault, dont les bureaux sont situés dans le même édifice que les siens, vient lui rendre visite. En voisin donc. Et en ami : les deux se connaissent bien puisque le lancement de la compagnie aérienne qu’a fondée François Legault, Air Transat, a été appuyé par le Fonds de solidarité de la FTQ, alors dirigé par Claude Blanchet, le mari de la ministre.

« Je veux t’appuyer, dit Legault, mais pas seulement t’appuyer comme ça. On fait campagne ensemble, à l’américaine, comme un président et un vice-président, et si tu es élue, je deviens vice-premier ministre. On peut annoncer cela dès demain matin…

- François, il faut en parler à nos équipes, il faut préparer un papier ensemble », répond Pauline Marois. (Jean-François Lisée y aurait passé le week-end.)

Pauline Marois se dit alors que le jeune Legault manque singulièrement d’expérience. Les deux ministres conviennent cependant de continuer à explorer l’idée. « On se disait qu’il faut ouvrir un peu sur la question de la souveraineté, révèle Pauline Marois à l’auteur. On ne peut pas continuer à foncer sur un mur et il faut, dans le fond, essayer de redéfinir nos liens avec le Canada. » François Legault est plus préoccupé par la question du déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces.

(…)

Le mardi 16 janvier 2001, jour 5.
Jour de parade de ministres à gros budget devant le président du Conseil du Trésor, justement. Jacques Léonard se rend compte que les deux complices – Pauline Maris et François Legault – réclament à eux seuls une rallonge de 1,3 milliard de dollars. Si ces deux-là devaient remporter la course au leadership, elle première ministre et lui vice-premier ministre, les trois ans d’efforts consacrés, avec Bernard Landry, à éliminer le déficit auront été inutiles.

Jacques Léonard décide sur-le-champ de retirer tout appui à François Legault et de quitter définitivement la politique.

Heureusement pour Bernard Landry sans doute, parce que cette histoire de « ticket à l’américaine », dont la rumeur courait, commençait à inquiéter son clan. « Quelques députés commençaient à nous rappeler, disant que cette hypothèse les faisait réfléchir », avoue Raymond Bréard. Si Legault s’était davantage accroché…

Le mercredi 16 janvier 2001, jour 6.
Tout le monde est à Québec puisque c’est jour de conseil des ministres. Le matin, Bernard Landry reçoit un coup de téléphone de François Legault qui désire le rencontrer immédiatement au Château Frontenac où il réside.

Landry hésite : « Pourquoi me convoque-t-il, celui-là? » Le grand vizir prétend que lui-même, à ce moment-là, ne savait pas que son collègue envisageait une alliance avec Pauline Marois ! Toujours est-il que Legault lui propose son appui. Les deux hommes conviennent de garder la chose secrète jusqu’à la fin du conseil des ministres.

Cette séance de négociation a été pénible pour Pauline Marois. « J’avais tout le monde contre moi – Bouchard, Landry, Léonard! » prétend-elle. Elle ne sait pas encore que son allié l’a laissée tomber mais au cours d’une pause, alors qu’elle a une conversation privée avec Bernard Landry, François Legault se joint à eux, les interrompt et révèle à Pauline Marois qu’il a abandonné son idée de « ticket à l’américaine » le matin même.

Quand Pauline rentre à son bureau, ses adjoints lui font d’ailleurs un rapport plutôt sombre : la plupart des députés et des ministres se sont déjà engagés à appuyer Bernard Landry. Et Diane Lemieux ne sera pas candidate.

« Ils m’ont tiré le tapis de sous les pieds… » dit-elle. La guerre des six jours est pratiquement terminée !

(…)

Il y a donc bien eu campagne, foudroyante, brutale, implacable comme elles le sont toutes. Il aura fallu six mois, et un long été, à Pauline Marois pour s’en remettre.

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