Pauline Marois vue par...

2007/08/22 | Par L’aut’journal 

Pauline Marois est maintenant à la direction du Parti Québécois. En attendant la publication d’une biographie qui lui sera consacrée, il est possible de retracer les grandes lignes de son parcours politique dans les biographies consacrées aux politiciens québécois. Nous en publions les extraits pertinents dans une série de huit articles sur ce site.

Sommaire:  cliquez (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) ou (8)

(1) Extraits de la biographie de René Lévesque par Pierre Godin (Boréal).

Photo: Phil Carpenter

Sa première élection dans la circonscription de La Peltrie

C’est Pauline Marois qui hérite du comté. Une belle femme souriante et ministrable qui a œuvré dans les milieux de l’assistance sociale. Contrairement à Lise Payette, elle vit pour la politique. « Ce serait pure folie de ma part si j’y allais », objecte-t-elle d’abord en montrant son ventre rond. Enceinte de sept mois, quelle sorte de campagne l’attendrait? Mais son mari, Claude Blanchet, l’encourage et le premier ministre insiste.

Cependant, une autre a les yeux sur le comté. Et, en bonne émule de Lise Payette, Pauline Marois envisage mal la perspective d’une bataille de femmes. Elle laisse savoir à René Lévesque que si l’autre candidate ne se désiste pas, elle restera chez elle. René Lévesque lui fait la leçon : «Madame Marois, en politique, il faut se battre. L’investiture, c’est votre première bataille. Une fois que vous l’aurez gagnée, vous gagnerez l’autre.»
(…)

La grande gagnante est Pauline Marois, élue facilement dans le nouveau comté de La Peltrie à Québec. L’ancienne attachée politique de Lise Payette et de Jacques Parizeau – auprès duquel elle ne s’est pas attardée car celui-ci faisait tout lui-même, sauf répondre au téléphone et manipuler la calculatrice – , accède à la Condition féminine.

(Tome IV, pp. 117 et 146)

Le rapatriement de la Constitution

De son côté, la nouvelle ministre Pauline Marois veut croire que le gouvernement a évité le pire. Aux derniers instants du sommet, les députés réunis en caucus ont poussé un gros soupir de soulagement quand René Lévesque a refusé net de parapher l’entente. S’il l’avait fait, c’en était fini du Parti québécois et de l’indépendance, puisque le Québec « rentrait » dans la nouvelle confédération. « S’il avait fallu que Claude Morin persuade René Lévesque de signer l’accord, dira Pauline Marois, il se serait fait lyncher en revenant à Québec. »

(Tome IV, p. 195)

Le renérendum

Tous les ministres s’inclinent, même ceux qui réprouvent ce « crois ou meurs » d’une autre époque. Pauline Marois se rappelle que personne au Cabinet n’a osé dire au chef que ce référendum maison était insensé, voire antidémocratique. De toute manière, il n’était déjà plus parlable. Tous les députés endossent également la pétition d’appui inconditionnel à Lévesque, sauf trois mauvais coucheurs : Guy Bisaillon, Louise Harel et Pierre de Bellefeuille, qui refusent de prêter ce serment du Test péquiste.

(Tome IV, p. 227)

Les négociations du secteur public de 1981

Au Conseil des ministres, deux clans s’opposent. Deux générations. Il y a les « jeunes », des trentenaires comme Pierre Marc Johnson, Michel Clair, François Gendron, Pauline Marois, Denise Leblanc, Alain Marcoux et Jean-François Bertrand, entrés pour la plupart au Cabinet après les dernières élections. Tous favorisent le gel des hausses dues en juillet, tout en épargnant les plus bas salariés. Cette option jeunesse, si l’on peut dire, consiste concrètement à rouvrir la convention pour annuler ce qui a été accordé et négocier une nouvelle hausse qui corresponde à la capacité de payer du gouvernement.

Les « vieux » de la première génération péquiste, les Jacques Parizeau, Yves Bérubé, Marc-André Bédard, Yves Duhaime, Denis Lazure et Camille Laurin, bouillonnent. Ne pas verser les sommes convenues le 1er juillet, c’est ne pas honorer ses engagements.

Que diraient les honnêtes gens si l’État québécois reniait ainsi sa signature, alors qu’il demande à Terre-Neuve de respecter la sienne dans le conflit qui l’oppose à Hydro-Québec au sujet de l’exploitation du potentiel hydro-électrique de cette province?, fait remarquer Jacques Parizeau.
(…)

Jacques Parizeau assure qu’il faut débourser le milliard de dollars convenu, le 1er juillet. Quitte, et c’est là le génie de l’affaire, à récupérer, durant les trois premiers mois de 1983, une fois échues les conventions collectives de 1979, les 521 millions de dollars jugés non négociables par le premier ministre. Il suffira de dire aux fonctionnaires : nous vous versons l’augmentation pour respecter notre parole, mais nous allons la reprendre plus tard; alors mettez-la de côté.
(…)

« Ce sont seulement les jeunes qui ne sont pas d’accord! », constate René Lévesque après avoir fait son nid en faveur de l’option Parizeau. Pauline Marois s’offusque de la remarque. A-t-elle tort du seul fait qu’elle n’a que trente-deux ans et peu d’expérience politique? L’inexpérience empêche-t-elle le simple bon sens? La ministre de la Condition féminine juge tout simplement inadmissible de donner, puis de reprendre.
(…)

Le 9 décembre, la loi 105 tombe sur la tête des quelques 300 000 employés de l’État. Une centaine de décrets, qui dont des milliers de pages, une pile d’un mètre de haut. La loi spéciale ne se contente pas de fixer les conditions de travail pour les trois prochaines années et la modalités des coupes rétroactives imaginées par Jacques Parizeau. Elle met un terme au régime des négociations.
(…)

Toujours rebelle, Louise Harel s’insurge contre « la dynamique de l’arrogance du gouvernement qui modifie les conventions à trois mois et demi de leur expiration ». Elle s’associe aux libéraux et au député prosyndical Guy Bisaillon contre la motion d’urgence qui, dit-elle, caricature la démocratie parlementaire. Depuis qu’il siège comme indépendant, Guy Bisaillon observe la famille péquiste se déchirer sous ses yeux et s’en amuse. Lors du vote de la motion, six ministres dont Pauline Marois, Denis Lazure, Guy Chevrette et Gilbert Paquette manquent à l’appel. Une vingtaine de députés en font autant.

(Tome IV, pp. 238-240, 263-264)

(2) Extraits de la biographie de René Lévesque par Pierre Godin (Boréal)

Photo: Mathieu Bélanger

Un remaniement ministériel de René Lévesque

Parmi les autres victime du remaniement figure Pauline Marois, ministre de la Condition féminine. Elle est exclue du Comité des priorités du gouvernement, dorénavant composé de six poids lourds.

Lise Payette, devancière de Pauline Marois à la Condition féminine, avait fixé la règle en exigeant de René Lévesque que la ministre de la Condition féminine siège de facto au Comité des priorités. Pourquoi écarter Pauline Marois, alors que ses évaluateurs ne tarissent pas d’éloges à son endroit? « Surprenant, ont-ils noté, elle fait du bon travail, elle jouit d’une très bonne cote auprès des députés. » Mais le chef juge qu’elle manque d’expérience et de maturité.

Il lui téléphone en Italie où elle séjourne pour lui annoncer qu’il la nomme à la vice-présidence du Conseil du trésor : « Vous serez au cœur de la prise de décision, dans une zone d’influence extrêmement importante d’où vous pourrez veiller aux dépenses de rattrapage nécessaires pour donner aux femmes la place qui leur revient. Pauline Marois accepte, mais sans savoir qu’elle ne fera désormais plus partie du Comité des priorités. Dure nouvelle que le premier ministre se garde bien de lui préciser et qu’elle n’apprendra qu’à son retour.

Soutenue par les lobbies féministes, Pauline Marois retrouvera bientôt sa place au Comité des priorités.

(Tome IV, pp. 248-249)

Le « beau risque »

Bientôt, René Lévesque fait face à la fronde d’une douzaine de ministres. Ils exigent qu’il recule au sujet du moratoire entourant la souveraineté. Douze ministres, c’est presque la moitié de son Cabinet ! Outre les Parizeau, Laurin, Léonard et Leblanc, la rébellion orthodoxe regroupe Gilbert Paquette, Pauline Marois, Bernard Landry, Denis Lazure, Louise Harel, Marcel Léger, Robert Dean et Guy Tardif.

(Tome IV, p. 380)

La souveraineté comme « police d’assurance »

Le 19 novembre, René Lévesque fait lire à Nadia Assimopoulos le texte final de la sommation qu’il destine au clan Parizeau-Laurin. La souveraineté n’est plus maintenant qu’une « police d’assurance que notre peuple ne saurait jamais laisser tomber ». Du même souffle, il est prêt à donner au Canada fédéral « la légendaire dernière chance ».

Pauline Marois est aussi estomaquée que Gilbert Paquette : la souveraineté n’est plus qu’une police d’assurance?

(Tome IV, p. 386)

Démission de ministres dans le contexte du « beau risque »

René Lévesque supplie Louis Bernard de « s’acharner » sur Pauline Marois pour la fléchir. « Pars-tu, toi, Pauline ?, interroge le conseiller. – Non, je reste! » Mission facilement accomplie. En revanche, colère torrentielle de Denise Leblanc, qui traite Pauline Marois de tous les noms en la croisant. Entre signer une pétition pour secouer le premier ministre et claquer la porte du gouvernement, il y a une différence juge la ministre de la Main-d’œuvre Pauline Marois.
(…)

Après avoir fait voter par ses militants de La Peltrie une résolution orthodoxe, Pauline Marois a retourné sa veste et rejoint les révisionnistes. Depuis, elle n’en dort plus.

(Tome IV, p. 394, 431)

La course à la chefferie remportée par Pierre Marc Johnson

Les chances des trois autres principaux candidats, Pauline Marois, Jean Garon et la risque-tout Francine Lalonde, sont minimes. Deux raisons motivent la première : empêcher les johnsonnistes de faire main basse sur le parti et promouvoir le plein-emploi et la souveraineté.

(Tome IV, p. 495)

(3) Extraits de la biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne (Québec Amérique)

Secrétaire de presse de Parizeau

La jeune Pauline succède à Michel Héroux au poste de secrétaire de presse du ministre des Finances Jacques Parizeau en octobre 1978. Celle qui a suivi les cours de Jacques Parizeau au moment d’entreprendre sa maîtrise en administration des affaires ne reste en fonction que six mois. « La disponibilité constante, je trouvais cela tellement exécrable. Je me sentais personnellement en dessous de tout, puisqu’on ne m’utilisait pas à la hauteur de mon talent », raconte-t-elle.

Anecdote intéressante : en septembre 1974, Pauline Marois faisait partie du comité de grève des étudiants du MBA qui cesseront d’aller à leurs cours pendant quelques jours, en guise de protestation à l’endroit d’une politique de l’institution qui stipule l’expulsion de tout étudiant ayant obtenu plus de trois notes inférieures à C dans le cadre du programme de maîtrise des HÉC. Une étudiante d’origine algérienne était au cœur de ce conflit et avait été, selon elle, notée injustement par deux professeurs, dont Jacques Parizeau.

(tome I, pp. 160-161)

Le « beau risque »

Les 7 et 8 novembre 1984, les orthodoxes se réunissent au cabinet de la ministre Denise Leblanc-Bantey. Avec la présence des ministres Pauline Marois, Bernard Landry et Guy Tardif, le groupe gagne en importance. Pauline Marois, qui trouve Jacques Parizeau trop à droite lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques sociales, se sent toutefois très proche de lui quand il est question de stratégie constitutionnelle : « Il avait des idées claires et là-dessus on se rejoignait bien. »

Les ministres rebelles décident d’affronter le premier ministre René Lévesque de plein fouet. Ils rédigent une lettre dans laquelle ils renouvellent leur engagement envers la souveraineté. Pauline Marois se joint à cette initiative, parce qu’elle « croit vraiment que Lévesque va changer d’avis. »
(…)

Le 9 novembre 1984, dans une lettre commune, les ministres Robert Dean, Louise Harel, Camille Laurin, Bernard Landry, Denis Lazure, Denise Leblanc-Bantey, Marcel Léger, Jacques Léonard, Pauline Marois, Gilbert Paquette, Jacques Parizeau et Guy Tardif font savoir à leur premier ministre qu’ils continuent de croire en la souveraineté.

Ils sont douze à contester ouvertement leur chef. Il s’agit d’un précédent dans les annales du parlementarisme.

« La souveraineté du Québec est pour nous un instrument d’expansion et non de repli », écrivent-ils. Les signataires qui représentent presque la moitié du Conseil des ministres, se disent toutefois favorables à un compromis : la campagne électorale portera principalement sur la souveraineté, mais un référendum sera toujours nécessaire pour en venir à bâtir le pays du Québec.
(…)

Dans les heures qui suivent la fin du Conseil des ministres du 21 novembre, l’atmosphère devient terriblement lourde. En soirée, les ministres orthodoxes se réunissent chez Denise Leblanc-Bantey. Jacques Parizeau ne participe plus aux rencontres du groupe depuis plusieurs jours.

« Gilbert Paquettre, Jacques Léonard, Camille Laurin et Denise Leblanc-Bantey étaient convaincus que seule une démission en bloc des douze ministres qui siégeraient comme députés indépendants pouvait ébranler suffisamment la majorité ministérielle et menacer de faire tomber le gouvernement », écrit Marcel Léger, dans ses mémoires.

Un débat s’amorce pour convaincre les ministres réticents à agir ainsi. Marcel Léger, Guy Tardif, Robert Dean et Pauline Marois ne sont pas prêts à voter contre leur chef. Un violent accrochage met aux prises Denise Leblanc-Bantey et Pauline Marois, qui ne veut plus démissionner. « La population ne nous a pas élus sur ce mandat-là », dit-elle en larmes à Denise Leblanc-Bantey. « Ce fut la pire période de ma vie, rappelle Pauline Marois. Leblanc-Bantey m’attaque personnellement, en me disant que je les lâche, que ceux qui restent sont des traîtres. Ça été très dur. »

(tome II, pp. 492 à 502)

L’affirmation nationale

Au sein de l’équipe parlementaire du Parti québécois, la révolte gronde. Parmi les insatisfaits, Jean Garon et Louise Harel n’attendent qu’une bonne occasion pour malmener leur chef. Chez les non-élus, Pauline Marois, qui siège au Conseil exécutif du parti, travaille sans aucune ferveur pour Pierre Marc Johnson.
(…)

À la fin février, le député Jean Garon démissionne de l’exécutif nationale du parti, parce qu’il se dit incapable de défendre le concept de « l’affirmation nationale ».

Pour sa part Guy Chevrette, le leader parlementaire, en a marre des « mines internes » qui viennent ébranler la cohésion des troupes. « Ils disent n’importe quoi, sans dévoiler leurs vrais motifs, s’écrie-t-il. S’ils ont une patate sur l’estomac et ne peuvent digérer le leadership de Pierre Marc Johnson, qu’ils le disent clairement. »

Dans son style imagé, Guy Chevrette ajoute : « Il est temps d’enlever nos culottes courtes. Garon, comme Bernard Landry, comme Louise Harel et Pauline Marois, entretiennent au sein du PQ une confusion, un nombrilisme, qui nous éloigne de notre vocation de parti et nous rapproche d’un mouvement politique. »
(…)

Le 9 mai, Pauline Marois, qui « commence à en avoir un peu ras-le-bol », déclare publiquement que le Parti québécois a brisé ses alliances avec les forces réformistes. Pour elle, le parti « doit redéfinir sa voie de gauche ».

Elle critique durement Pierre Marc Johnson : « Il essaie de faire image et cela ne lui convient pas. Il se cherche. » Pauline Marois, qui a été membre de l’exécutif national et qui s’est vu refuser la vice-présidence du parti par Pierre Marc Johnson, n’attend que la fin du Congrès pour décrocher. « Je n’avais plus le goût. Quelque chose s’était brisé et puis il y a avait « l’affirmation nationale » qui ne faisait swinger personne. » Pauline Marois prendra ses distances de la politique durant plusieurs mois et elle ira enseigner à l’Université du Québec à Hull.

(Tome III, pp. 40, 42, 47)

(4) Extraits de la biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne (Québec Amérique)

La course à la chefferie de 1988 qui allait porter Jacques Parizeau à la tête du PQ.

Le 28 janvier 1988, dans une entrevue accordée au journaliste Pierre O’Neil du journal Le Devoir, Pauline Marois annonce elle aussi qu’elle ne se lancera pas dans l’arène, mais elle en profite tout de même pour écorcher au passage Jacques Parizeau.

Monsieur « n’est peut-être pas l’homme de la situation », juge-t-elle. Elle lui reproche son attitude rétrograde envers les femmes et ses distances à l’égard de la social-démocratie. Elle trouve que son vocabulaire est sexiste.

De toute évidence, elle n’apprécie guère l’image du « strip-tease intellectuel » utilisé par ce dernier [pour présenter le dévoilement par étapes de son programme ]. « Il faut corriger ce langage, qu’il se modernise et se mette à l’écoute des mouvements de femme. » Pauline Marois est alors trésorière de la Fédération des femmes du Québec.

S’il se réjouit de voir ses rivaux disparaître, Jacques Parizeau ne souhaite nullement perdre des militants de la trempe de Pauline Marois. Pour le combat qu’il entend mener, il sait qu’il aura besoin de l’appui des femmes. Il réagit donc rapidement aux propos de Pauline Marois.

À peine quelques jours après la parution de l’article de Pierre O’Neil, il l’invite à dîner au restaurant Chez Pierre à Montréal. La rencontre se déroule le 5 février 1988. « Madame Marois, lui dit-il d’emblée, je comprends que vous puissiez avoir des points de vue différents des miens. » Jacques Parizeau ajoute cependant qu’il connaît assez Pierre O’Neil pour savoir qu’il a peut-être un peu déformé les propos de l’ancienne ministre.

Habile, il prépare le terrain et donne à Pauline Marois tout l’espace nécessaire pour qu’elle puisse revenir sur ses propos et se rallier. Jacques Parizeau poursuit : « Pour la souveraineté, si on veut la faire, j’ai besoin de vous. En ce qui concerne les femmes, si je ne suis pas bon, vous serez à ce titre ma première conseillère. »

Agréablement surprise, Pauline Marois désire toutefois exercer une influence au-delà de la question féminine. « Bien que j’aie pu avoir des propos assez durs à son endroit, je lui ai demandé de me faire suffisamment confiance et de me laisser réviser le programme, afin que l’on réintroduise des éléments progressistes, un peu dans la perspective du plein emploi et d’une politique de formation continue, par exemple. » Jacques Parizeau acquiesce.

Celle qui n’a pas repris contact avec lui depuis les premiers années du gouvernement Lévesque découvre un Jacques Parizeau « plus sensible à une vision progressiste. »

Le repas se termine finalement par une offre que Pauline Marois ne peut pas refuser : « Il me faut un bon programme et une bonne conseillère au programme », lui dit-il. « Jacques Parizeau m’offre d’être conseillère au programme, confirme-t-elle.

J’ai trouvé cela très intelligent de sa part. Dans le fond, il essayait d’aller chercher tous les gens qui pouvaient soit s’opposer à lui ou qui avaient des points de vue qui étaient un peu différents du sien et de les réunir au sein d’une équipe. Ce qu’a fait Jacques Parizeau ce jour-là, je lui en serai toujours reconnaissante. J’ai servi, mais j’ai appris », confie-t-elle.

Pauline Marois est d’autant plus en mesure d’apprécier le geste de Jacques Parizeau, qu’elle n’a pas oublié le manque de générosité de Pierre Marc Johnson à son endroit.

Le 8 février 1988, soit dix jours après avoir qualifié Jacques Parizeau de « rétrograde », Pauline Marois pose sa candidature au poste de conseillère au programme du Parti québécois.

(tome III, pp. 84-86)

(5) Extraits de la biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne (Québec Amérique)

Photo: Clément Allard

La Commission Bélanger-Campeau

Mais à qui profite donc le consensus tant recherché par les non alignés ? Au gouvernement ou aux souverainistes ? Un mois après le dépôt du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, Jean-Claude Rivest, le principal conseiller du premier ministre Bourassa, avoue à Jean-François Lisée que « s’il y avait pas eu de consensus à Bélanger-Campeau, ça aurait été dangereux, parce qu’on (les libéraux) aurait été isolés. »

L’option souverainiste est alors majoritaire au Québec. « L’opinion publique est alors sceptique sur nous, la souveraineté, les négociations. Donc, le Parti libéral, en participant à cette démarche-là (le consensus) s’accrédite », confie le plus influent des stratèges de Robert Bourassa.

En fin de négociation, les non alignés continuent toutefois de faire pression sur le Parti québécois plutôt que sur le gouvernement libéral. Pourquoi? Parce que « Larose, Béland, Louis Laberge et Lucien Bouchard s’étaient mis dans la tête que Bourassa allait faire la souveraineté », nous confie Pauline Marois.

Le 21 mars à midi, devant les étudiants de l’Université Laval, Jacques Parizeau résume très bien son état d’esprit : « Avec les deux tiers des Québécois en faveur de la souveraineté, les trois quarts des francophones, je ne me sens pas seul. Pas seul du tout. Ce n’est pas souvent que les trois quarts des francophones sont d’accord. C’est un moment de grâce, lorsqu’on songe au débat qu’on a connu sur la margarine! » Le chef péquiste parle alors « du terrible désir de revenir aux choses claires. »
(…)

Jacques Parizeau n’apprécie pas l’attitude de Lucien Bouchard. « Il essaie de mettre tout le monde ensemble, convient le chef péquiste. Comme d’habitude, c’est un défi de négociation pour lui. C’est un négociateur. Je l’ai vu souvent, moi, faire ce genre de choses-là, à partir de l’idée que la politique c’est l’art du possible. »

Or, pour Jacques Parizeau, la politique est plutôt « l’art de formuler des objectifs ». Pauline Marois, qui participe aux discussions, explique les tensions entre les deux hommes de façon claire : « Je ne suis pas sûre que monsieur Parizeau croyait que monsieur Bouchard était vraiment un souverainiste Très franchement là, je pense que ça origine de là. »

(Tome III, pp. 183-185)

L’entente de Charlottetown

À la grande table du NON, quand Jacques Parizeau propose de faire imprimer des milliers d’exemplaires du texte constitutionnel de Charlottetown en y ajoutant des annotations critiquant cette entente, bien des personnes s’opposent à l’idée. Certains considèrent que le document est trop technique, d’autres craignent que cela ne grève le budget du comité.

Jacques Parizeau défend son idée avec force, en invoquant que le gouvernement fédéral n’a pas encore publié l’entente. Il faut donc prendre les devants, souligne-t-il, et distribuer ce document dans presque tous les foyers en y incluant l’analyse du clan du NON. « Il a insisté et s’est battu pour avoir ce maudit cahier-là, témoigne Pauline Marois. Parizeau exerçait un très bon leadership, même si c’était un leadership de contenu, de fond et d’argumentation. »

(Tome III, p. 204)

Le couple Jacques Parizeau et Lizette Lapointe

Pour sa part, Pauline Marois prétend que si « monsieur Parizeau a développé dans les dernières années une très grande sensibilité aux problèmes sociaux et humains », c’est en raison de « l’influence de sa femme, très sensible à une action communautaire, à une action de base et d’accès à l’égalité. »

(Tome III, pp. 362-263)

(6) Extraits de la biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne (Québec Amérique)

Photo: Clément Allard

L’intégration des fonctionnaires fédéraux à la fonction publique québécoise advenant l’indépendance

Le 21 juin 1995, Jacques Parizeau a déjà annoncé qu’une entente de principe, convenue avec les syndicats québécois et canadiens, prévoit que « chaque Québécois membre de la fonction publique fédérale se verra offrir un poste à des conditions équivalentes à celles de son emploi actuel. »

Pauline Marois, la présidente du Conseil du trésor qui supervise les négociations avec les syndicats, tient à cette promesse : « C’est un engagement et nous sommes assez intraitables sur nos engagements », explique-t-elle. Nous avons monté tout un dossier qui fait la démonstration que nous n’avons pas notre juste part de fonctionnaires fédéraux au Québec. »

Pauline Marois, qui a vécu en Outaouais de 1969 à 1974 et qui a été responsable de cette région de 1989 à 1994, quand elle était députée dans l’opposition, connaît très bien les enjeux reliés à cette question.

(Tome III, pp. 424-425)

La démission de Jacques Parizeau après sa déclaration sur « l’argent et les votes ethniques »

Trois femmes siègent également au comité des priorités. Contrairement aux hommes, du côté féminin, les critiques sont pratiquement absentes. Louise Beaudoin hésite à se prononcer, tandis que Louise Harel et Pauline Marois expriment clairement leur appui au premier ministre Jacques Parizeau, en insistant pour qu’il ne démissionne pas. « Bernard Landry est dans tous ses états, confie Pauline Marois. Moi, je le suis moins. Ce n’est pas drôle, mais à un moment donné, on va passer à autre chose. Il l’a perdu (son référendum)! Peut-il se vider le cœur un peu? Il l’a dit, il l’a dit. Moi, je suis un peu philosophe là-dedans. Demain est un autre jour. »

(Tome III, pp. 561-562)

La nomination de Pauline Marois au poste de ministre des Finances

Jacques Parizeau demeure en poste jusqu’à la fin du mois de janvier 1996. Il ne permet donc pas à Bernard Landry de devenir premier ministre par intérim. Il effectue même un remaniement ministériel : il nomme Pauline Marois au ministère des Finances, en espérant ainsi lui donner le maximum de visibilité et de crédibilité, advenant une éventuelle course au leadership.

(Tome III, p. 569)

(7) Extraits de la biographie de Bernard Landry par Michel Vastel (Les éditions de L’Homme)

(Sur la photo: Pauline Marois, Bernard Landry et François Legault)

La succession de Lucien Bouchard

Le vendredi 5 janvier 2001
Au 12e étage du siège social d’Hydro-Québec, on ne fête pas la fin du congé des Fêtes. Lucien Bouchard a déjà informé ses plus proches collaborateurs de sa décision de quitter la direction du gouvernement.

(…)
D’autres se refont une santé dans le sud du continent, à la Martinique par exemple où se trouvent Pauline Marois, son mari Claude Blanchet (président de la Société générale de financement) et leurs quatre enfants, Bernard Landry et son amie. Ils passent leurs vacances, à l’extrême sud de l’île, au bord de la magnifique plage des Salines.

Ce soir-là, les deux couples mangent au village Le François. « On a pris du champagne sur la plage, c’était très sympa », raconte Pauline Marois, la ministre de la Santé. Ils parlent un peu des affaires du gouvernement du Québec, discutent stratégie : « C’était une façon de se dire : on fait la paix entre nous », dit Pauline Marois. Ces deux-là venaient de passer une année difficile, le ministre des Finances protégeant son premier excédent budgétaire, la ministre de la Santé réclamant toujours plus d’argent.
(…)

Le mercredi 9 décembre 2001
Dans la journée, Pauline Marois a mis au courant la directrice de son cabinet, Nicole Stafford, une collaboratrice de longue date. La nouvelle commence donc à sortir du cercle des initiés, ministres et proches collaborateurs du premier ministre, tenus au secret en quelque sorte. Bernard Landry et Pauline Marois assurent que leurs machines politiques ne sont pas lancées, qu’elles n’existent pas encore. L’un et l’autre cependant se surveillent…

« Pauline Marois avait commencé depuis longtemps à placer son monde », affirment les gens de Bernard Landry. C’est vrai que son attachée de presse, Christiane Miville-Deschênes, et l’un de ses conseillers politiques, Pierre d’Amour, avaient été engagés au bureau de Lucien Bouchard, et que Sylvain Tanguay, un autre adjoint, a été nommé à la direction générale du parti. La ministre de la Santé a même engagé à son cabinet Maxime Barakat, l’ancien président de la région de Montréal-Ville-Marie du Parti québécois, un pur et dur qui a rendu la vie difficile à Lucien Bouchard.

« Je savais que Bernard Landry faisait des remarques désobligeantes sur mes anciens collaborateurs, dit Pauline Marois. J’ai toujours voulu avoir autour de moi des gens forts qui me bousculent. Et Lucien est venu chercher ces gens-là parce qu’ils étaient bons. Le résultat net, c’est que j’avais du monde partout, sans l’avoir voulu ni l’avoir organisé…

« Mais moi je savais que Bernard se présenterait, poursuit-elle. Il avait son groupe de députés. Et je savais que sa fonction de ministre des Finances, avec les petites cagnottes qu’il mettait de côté, lui permettent de s’assurer des appuis sur lesquels il pourrait compter presque automatiquement. »
(…)

Peut-être Lucien Bouchard avait-il, quelques heures plus tôt, rassuré Pauline Marois sur ses chances de devenir première ministre?

Pourtant, n’avait-il pas tout donné à Bernard Landry : le pouvoir, et la popularité qui vient avec lorsqu’il est facilement exercé… Marois avait toujours été plus populaire que Landry dans la population et dans le parti mais, depuis deux ans, elle fermait des hôpitaux alors qu’il ouvrait de nouvelles usines et de nouveaux bureaux !
(…)

Je ne peux pas vous donner, M. Landry, le détail des résultats du sondage puisqu’ils appartiennent au Journal de Montréal, continue Jean-Marc Léger. Mais je peux vous dire que vos appuis sont trois fois supérieurs à ceux de Mme Marois. Plus significatif encore, vous êtes plus populaire parmi ceux qui se disent péquistes que dans la population en général, ce qui n’est pas le pour Mme Marois.

(8) Extraits de la biographie de Bernard Landry par Michel Vastel (Les éditions de L’Homme).

La guerre des six jours pour la succession de Lucien Bouchard

Le vendredi 12 janvier 2001, jour 1.
Trois groupes sont au téléphone : celui de Bernard Landry, celui de Pauline Marois et celui des « vieux ténors » du parti – Jacques Brassard, Guy Chevrette et Jacques Léonard.

L’objectif des « anciens » est d’obtenir une vraie course, « pour brasser le parti ». Ils encouragent les « jeunes », Diane Lemieux, André Boisclair et surtout François Legault, à offrir leur candidature.
(…)

Pauline Marois est plus lente, plus méthodique, dans sa série de coups de téléphone. Elle commence par la vice-présidente du parti, Marie Malavoy, puis la whip (le préfet de discipline) du groupe parlementaire, Jocelyne Caron, enfin Louise Harel, une collègue de longue date qui a appuyé sa candidature en 1985. Elle n’appelle Louise Beaudoin que le vendredi soir.

« Elle était convaincue que j’allais l’appuyer et je savais que j’aurais un mauvais moment à passer », dit Louise Beaudoin.
(…)

Quand Louise Beaudoin lui révèle qu’elle a déjà promis à Bernard Landry de l’appuyer, Pauline Marois réalise que les femmes lui font faux bond. D’ailleurs, elle n’appelle Diane Lemieux que le samedi matin, ce qui lui fait grand tort. « Pauline n’était pas prête, dit Mme Lemieux. La preuve, c’est qu’elle m’a appelée 24 heures plus tard! »

L’expérience est cruelle pour Pauline Marois. Pas tellement parce que les femmes lui disent non – « Ce n’est pas parce qu’on est des femmes qu’on doit toutes penser de la même façon », reconnaît-elle -, mais parce qu’elle se fait dire que Bernard Landry est mieux préparé qu’elle à prendre la relève.

« Lequel a le plus d’expérience? Proteste-t-elle. Au gouvernement, (Condition féminine, Main-d’œuvre et Sécurité du revenu, Fonction publique, Conseil du Trésor, Finances, Revenu, Éducation, Famille et Enfance, Santé…), j’en ai plus que lui! J’ai même fait les Finances moi aussi, et j’ai une bonne connaissance de l’appareil administratif. »

Sa seule concession : « Landry est plus éclatant que moi! »

Dans la soirée ce premier jour de la guerre de succession, elle a enfin une bonne surprise. Son collègue à l’Éducation, François Legault, dont les bureaux sont situés dans le même édifice que les siens, vient lui rendre visite. En voisin donc. Et en ami : les deux se connaissent bien puisque le lancement de la compagnie aérienne qu’a fondée François Legault, Air Transat, a été appuyé par le Fonds de solidarité de la FTQ, alors dirigé par Claude Blanchet, le mari de la ministre.

« Je veux t’appuyer, dit Legault, mais pas seulement t’appuyer comme ça. On fait campagne ensemble, à l’américaine, comme un président et un vice-président, et si tu es élue, je deviens vice-premier ministre. On peut annoncer cela dès demain matin…

- François, il faut en parler à nos équipes, il faut préparer un papier ensemble », répond Pauline Marois. (Jean-François Lisée y aurait passé le week-end.)

Pauline Marois se dit alors que le jeune Legault manque singulièrement d’expérience. Les deux ministres conviennent cependant de continuer à explorer l’idée. « On se disait qu’il faut ouvrir un peu sur la question de la souveraineté, révèle Pauline Marois à l’auteur. On ne peut pas continuer à foncer sur un mur et il faut, dans le fond, essayer de redéfinir nos liens avec le Canada. » François Legault est plus préoccupé par la question du déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces.
(…)

Le mardi 16 janvier 2001, jour 5.
Jour de parade de ministres à gros budget devant le président du Conseil du Trésor, justement. Jacques Léonard se rend compte que les deux complices – Pauline Marois et François Legault – réclament à eux seuls une rallonge de 1,3 milliard de dollars. Si ces deux-là devaient remporter la course au leadership, elle première ministre et lui vice-premier ministre, les trois ans d’efforts consacrés, avec Bernard Landry, à éliminer le déficit auront été inutiles.

Jacques Léonard décide sur-le-champ de retirer tout appui à François Legault et de quitter définitivement la politique.

Heureusement pour Bernard Landry sans doute, parce que cette histoire de « ticket à l’américaine », dont la rumeur courait, commençait à inquiéter son clan. « Quelques députés commençaient à nous rappeler, disant que cette hypothèse les faisait réfléchir », avoue Raymond Bréard. Si Legault s’était davantage accroché…

Le mercredi 16 janvier 2001, jour 6.
Tout le monde est à Québec puisque c’est jour de conseil des ministres. Le matin, Bernard Landry reçoit un coup de téléphone de François Legault qui désire le rencontrer immédiatement au Château Frontenac où il réside.

Landry hésite : « Pourquoi me convoque-t-il, celui-là? » Le grand vizir prétend que lui-même, à ce moment-là, ne savait pas que son collègue envisageait une alliance avec Pauline Marois ! Toujours est-il que Legault lui propose son appui. Les deux hommes conviennent de garder la chose secrète jusqu’à la fin du conseil des ministres.

Cette séance de négociation a été pénible pour Pauline Marois. « J’avais tout le monde contre moi – Bouchard, Landry, Léonard! » prétend-elle. Elle ne sait pas encore que son allié l’a laissée tomber mais au cours d’une pause, alors qu’elle a une conversation privée avec Bernard Landry, François Legault se joint à eux, les interrompt et révèle à Pauline Marois qu’il a abandonné son idée de « ticket à l’américaine » le matin même.

Quand Pauline rentre à son bureau, ses adjoints lui font d’ailleurs un rapport plutôt sombre : la plupart des députés et des ministres se sont déjà engagés à appuyer Bernard Landry. Et Diane Lemieux ne sera pas candidate.

« Ils m’ont tiré le tapis de sous les pieds… » dit-elle. La guerre des six jours est pratiquement terminée !
(…)

Il y a donc bien eu campagne, foudroyante, brutale, implacable comme elles le sont toutes. Il aura fallu six mois, et un long été, à Pauline Marois pour s’en remettre.