Ça nous aide à attaquer la bête à la bonne place !

2007/08/23 | Par Pierre Dubuc

« La délégation de la CSQ a fait adopter une résolution sur la diversité culturelle par les 353 organisations syndicales représentant plus de 30 millions d’éducateurs dans 169 pays », nous raconte avec fierté le président la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) de retour du congrès de l’Internationale de l’éducation (IE) qui s’est tenu à Berlin au mois de juillet dernier.

« La résolution, précise-t-il, demande aux organisations syndicales de faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils deviennent signataires de la Convention de l’Unesco sur la diversité culturelle ». À l’heure actuelle, il y a 53 pays signataires, soit à peine le quart des pays membres de l’Unesco.

L’originalité de cette Convention – dont le Québec a été l’instigateur – est qu’elle affirme formellement, pour la première fois dans l’histoire du droit international, « le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. »

Soulignons, au passage, que le congrès illustrait fort bien cette diversité au plan linguistique puisqu’il s’est tenu en cinq langues : français, anglais, allemand, espagnol et arabe.

(photo: Secretariat intersyndical des services publics. Le président de la CSQ, Réjean Parent)

La menace des PPP

Cette résolution s’inscrivait parfaitement dans un des principaux axes débattus lors de ce congrès – dont le thème était « S’unir pour une éducation de qualité et une justice sociale » - soit de réaffirmer le rôle des États face au marché.

« Nous avons dû nous opposer à une certaine ouverture aux fameux PPP (Partenariat Public Privé) de la part de membres de l’IE en provenance des pays anglo-saxons. On acceptait facilement le financement de bâtiments par le privé, l’externalisation et l’impartition de certains services. Un groupe de travail a été mis sur pied pour fouiller tout cela », de nous dire Réjean Parent.

Le rôle stratégique des éducateurs

Dans ce contexte d’opposition à la dérive néolibérale, il était tout à fait approprié que le thème majeur du congrès soit le rôle stratégique des éducateurs. « Nous sommes intervenus pour qu’on utilise le terme « éducateur » plutôt qu’enseignant de façon à inclure le personnel professionnel et de soutien », explique le président dont la Centrale regroupe ces trois catégories de personnel.

« Bien sûr, on a discuté des conditions d’exercice de la profession, de rémunération, d’équité salariale, de compétences, mais le gros dossier a été celui des vacataires », nous explique-t-il.

Vacataire !? Vacataire !? Le terme est peu utilisé au Québec, mais est bien connu en Afrique. Le vacataire est un salarié occasionnel. « On fait appel à des « enseignants volontaires » qui ne sont pas formés, pas payés et, donc, pas qualifiés. Cela remet évidemment en question la qualité de l’éducation », précise M. Parent.

Bien que la situation ne soit pas aussi criante que dans les pays du sud, la question de la rétention du personnel enseignant se pose également dans les pays industrialisés. Au Québec, on calcule qu’environ un enseignant sur cinq quitte après quelques années d’exercice de la profession. Les congressistes ont donc discuté de stratégies d’attraction.

L’Afrique et ses enfants frappée par le SIDA

La justice sociale était un des autres thèmes majeurs du congrès. Dans son allocution d’ouverture, le président de l’Internationale de l’éducation M. Thulas Nxesi a longuement insisté « le SIDA est la pandémie la plus dévastatrice de l’histoire de l’Homme et elle décime la population à travers toute l’Afrique. Et elle n’épargne pas le personnel enseignant. »

« Nos enseignantes et nos enseignants, a-t-il souligné, et leurs syndicats se sont rassemblés pour lutter contre la pandémie et la stigmatisation de la maladie, pour se soutenir les uns les autres, mais avant tout pour soutenir les millions d’enfants que le SIDA a laissés orphelins et dans le désespoir. »

Libertés syndicales

L’exercice des libertés syndicales était également à l’ordre du jour et l’IE n’a pas manqué de reproduire dans le numéro spécial de son bulletin d’information un article sur la décision de la Cour suprême du Canada réaffirmant les droits de négociation collective.

D’autre part, les congressistes ont salué le courage de leurs collègues colombiens. Selon la Commission colombienne des droits humains, 33 enseignantes et enseignants ont été tués dans ce pays l’an dernier seulement.

Unité syndicale

L’IE a emboîté le pas au mouvement de fusion des grandes organisations syndicales présentement en cours en unissant ses destinées à celles de la Confédération Syndicale Mondiale de l’Enseignement (CSME).

Cependant, ont reconnu les congressistes, une question importante subsiste. « Maintenant que nous sommes parvenus à une unité à l’échelle internationale, comment pouvons-nous promouvoir l’unité à l’échelle locale? » Une question qui se pose bien évidemment au Québec où, par exemple, le personnel enseignant des cégeps est regroupé dans trois organisations syndicales distinctes.

Que retire la CSQ de cette participation ? « Nous en sortons avec une meilleure compréhension des enjeux. Cela va nous aider à peaufiner nos stratégies, à attaquer la bête à la bonne place. Nous prenons conscience que l’agenda des réformes est établi à l’échelle internationale par des organismes comme l’OCDE. Les mêmes concepts de PPP, de décentralisation, sont présents partout avec, bien entendu, une coloration locale. Mais, même si nous en sortons avec une conscience planétaire, cela ne nous dispense pas d’agir au plan local. Bien au contraire », de conclure Réjean Parent.