Projet Montréal veut revaloriser l'Entrée maritime

2007/08/26 | Par Guillaume Vaillancourt

Ottawa, Québec et Montréal prévoient présentement dépenser trois milliards $ pour du béton, sans améliorer la qualité de vie des Montréalais ni réduire les émissions de gaz à effet de serre. Projet Montréal a proposé une alternative la semaine dernière. Les réactions démontrent que l'immobilisme n'est pas toujours chez les écologistes.

Trois milliards de dollars, c'est ce qui sera investi - avant les dépassements habituels - pour transformer la rue Notre-Dame Est en autoroute à huit voies, refaire l'échangeur Turcot au sol et construire un tunnel routier sous le canal Lachine.

Ces trois projets visent à assurer une capacité de 150 000 véhicules par jour sur l'ensemble du corridor autoroutier du sud de l'île, entre l'échangeur Turcot et le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

La proposition de Projet Montréal...

Comme l'a démontré Projet Montréal dans un document substantiel, les projets auront pour effet de gaspiller l'immense potentiel de développement urbain de l'entrée maritime de Montréal. Plusieurs projets urbains de grandes villes du monde vont dans un sens exactement opposé à celui de Montréal:

À Séoul, San Francisco et Portland, la destruction d'une autoroute urbaine fut l'élément déclencheur d'un nouveau projet urbain. Bientôt, Lyon détruira elle aussi une autoroute.

À Barcelone, Bordeaux, Hambourg et Vancouver, les autorités ont été animées d'une volonté très nette de réduire la place de l'automobile dans la ville. En lieu et place, on investit dans les transports collectifs, en plus de recréer des conditions optimales pour la marche et la pratique du vélo.

En ce début de 21e siècle, c'est là que se trouve la première clef d'une politique urbaine d'avant-garde : réduire la place de l'auto en ville, au profit des transports durables. L'entrée maritime de Montréal pourrait être un site somptueux. Comme à Hambourg, Lyon, Portland, Barcelone ou Vancouver, on y trouve de vastes superficies ne demandant qu'à être redéveloppées.

Ce que Projet Montréal propose aurait trois grands avantages: réduire de 150 000 à 50 000 la capacité de circulation automobile dans cette partie du territoire, revitaliser Montréal et son fleuve et économiser deux milliards $. Évidemment, cela demanderait le « courage politique » de « résister aux lobbys » pour « sortir de l'immobilisme ».

Les réactions : une nouvelle épice dans une vieille recette

Dans les limites habituelles d'espace et de temps pour approfondir un dossier, les grands médias ont assez bien résumé le projet, tant du côté anglophone que francophone. Ils ont aussi sollicité des réactions... en voici quelques-unes, assez instructives.

Dans Le Devoir, un porte-parole du comité exécutif de la Ville de Montréal, monsieur Bernard Larin, déclare à propos du projet d'autoroute Notre-Dame à huit voies: « L'administration a déjà eu l'occasion de présenter sa vision sur la rue Notre-Dame... Il y a des voies qui sont réservées pour le transport en commun. On favorise les pistes cyclables. Les piétons aussi auront leur place. Ce n'est pas une autoroute qu'on fait là. C'est une route qui va permettre un écoulement fluide de la circulation automobile, mais ce n'est pas une autoroute. »

Dans La Presse, le conseiller municipal André Lavallée, qui est aussi responsable du dossier « Transports » à la Ville, déclare que Notre-Dame Est « est un boulevard et non une autoroute, et cela n'exclut pas la possibilité de donner des accès au fleuve par endroits, notamment quand il y aura des développements »;

Toujours dans La Presse, la présidente de la Chambre de commerce, madame Isabelle Hudon, trouve les idées de Projet Montréal « fort intéressantes », mais rappelle « qu'on n'est pas si solides que ça économiquement. Le projet de l'échangeur Turcot et celui de la rue Notre-Dame Est sont majeurs pour le transport des marchandises. N'oublions pas que le développement durable est de poursuivre notre développement économique en respectant l'environnement. »

Ces trois réactions sont des classiques du discours dominant actuel, lequel a intégré l'environnement à son discours comme on ajoute une nouvelle épice à une vieille recette.

Les élus admettent que le but est de favoriser la circulation automobile, mais on prétend faire du « développement durable » parce qu'on laisse un peu de place aux transports en commun et au transport actif.

On est loin de l' « obligation de résultat », laquelle serait d'affirmer clairement qu'il est nécessaire de réduire la circulation et donc... l'espace pour circuler. Le but n'est pas en soi d'avoir plus de vélos ou d'autobus dans la ville, mais de brûler moins de pétrole !

Favoriser à la fois le « développement durable » et un « écoulement fluide de la circulation automobile », c'est comme le « Québec libre dans un Canada uni » d'Yvon Deschamps: c'est une blague. Une mauvaise blague, quand elle sort de la bouche de celles et ceux qui dirigent notre ville.

* Guillaume Vaillancourt est coordonnateur de Projet Montréal (www.projetmontreal.org) pour l'arrondissement du Plateau Mont-Royal. On peut le joindre par courriel au gv60@hotmail.com