Séparer les enjeux partisans de la souveraineté

2007/08/26 | Par Daniel Gomez

(Sur la photo: le professeur Jean-Herman Guay)

Le 9 juin dernier, les Intellectuels pour la souveraineté organisait un colloque sur le bilan des dernières élections québécoises. Nous vous présentons un résumé de l’intervention de Jean-Herman Guay. Ce dernier est professeur au département d’histoire et de sciences politiques de l’Université de Sherbrooke.

D’entrée de jeu, Jean-Herman Guay émet deux idées. La première est que le jeu politique québécois n’est plus le même. Nous sommes actuellement dans un jeu à trois ou même à quatre. Il considère en effet que, contrairement à Pierre Drouilly et compte tenu du mode de scrutin, les Verts et QS ont fait un score significatif. D’où le désarroi ou l’inquiétude des souverainistes (péquistes). « Le jeu n’est plus le même qu’autrefois. »

Le Eux et le Nous

La deuxième idée est inspirée de l’ouvrage collectif de Pierre Birnbaum, « Sociologie des nationalismes », dans lequel les auteurs font le tour des nationalismes et, fait étrange, ne parlent pas du Québec. Cela est dû au fait que dans la plupart des régions, le nationalisme est un mouvement plutôt de droite, où le Eux et le Nous s’opposent.

Nous avons alors affaire à des mouvements d’affirmation nationale par rapport à d’autres mouvements qui représentent souvent une menace, un danger. Le nationalisme serait donc uniquement cette volonté de persistance, de continuité dans le temps d’une communauté donnée. Parfois ça va plus loin, jusqu’à la volonté de créer un pays. Mais il s’agit surtout de mouvements de résistance.

Pour Guay, avec la montée de l’ADQ, nous avons peut-être maintenant au Québec les deux volets du nationalisme de Birnbaum. Ce nationalisme s’est fragmenté en deux alors que pendant longtemps, il a été monopolisé par le PQ. Avec le vieillissement de la population il est possible que ce nationalisme plus à droite prenne de l’importance.

La bulle souverainiste

Guay continue en soutenant que la déception qui a suivi les résultats de la dernière élection est d’autant plus grande que, dans les années 2004-2005 le PQ et les souverainistes étaient dans l’euphorie. L’appui à la souveraineté dépassait même le 50 % dans les sondages.

C’est dans ce contexte que le PQ a adopté un programme très « dur ». « À partir du scandale des commandites jusqu’à l’élection de Stephan Harper, il y a eu une bulle souverainiste. » Mais d’après Guay, cette période euphorique est une exception par rapport à une tendance lourde du déclin de la souveraineté, malgré une conjoncture très favorable : discrédit de libéraux, ADQ moribonde, surexposition du PQ dans les médias, nouveau chef, nouvelle ardeur, avance dans les sondages.

Le PQ aurait donc du logiquement l’emporter. Il ne l’a pas fait et la raison principale c’est que depuis quelques années la souveraineté s’effrite. L’élection de 2007 confirme donc celle de 2003. Cette tendance lourde a commencé en 1995.

Un réflexe face à une menace

Cela confirme un « pattern » de base : si 45 % des Québécois disent appuyer la souveraineté, il n’y a que 30 % des gens qui sont vraiment souverainistes, indépendamment du chef ou du programme. Pour le reste, la souveraineté devient un réflexe lorsque le Québec est menacé.

Cela se confirme par la montée de l’appui à la souveraineté chaque fois qu’il y a perception d’une menace : Meech, drapeau brûlé, jugement de la Cour suprême sur la loi 101, etc.

Quand le danger recule, l’appui à la souveraineté recule aussi, ce qui fait que le mouvement souverainiste est pris avec des contractions régulières. L’appui prend de l’expansion, puis se contracte, comme un accordéon.

Séparer les enjeux partisans de la souveraineté

Les souverainistes ont alors le choix de refuser cela ou de vivre avec cette réalité. S’ils acceptent la réalité de ce mouvement, la question devient alors de savoir comment vivre avec les périodes de contraction et d’expansion qui existent depuis quarante ans.

Pour Guay il faut développer une stratégie qui soit fonction de cette réalité. Il suggère de séparer radicalement les enjeux partisans de ceux de la souveraineté. « Si on cherche à faire porter sur les épaules d’un gouvernement ou d’un seul parti la souveraineté, on épuise le gouvernement ou le parti et on oblige les gens à être pour la souveraineté, pour le chef du PQ et pour le programme du PQ à la fois. »

On fait ainsi une démarche qui ne correspond plus au contexte « postmoderne » qui est le nôtre. En plus, on se comporte comme si on était toujours dans un modèle bipartisan. Il faut à la limite séparer le OUI du PQ.

Le référendum d’initiative populaire

Oui, mais alors, que faire? Guay suggère de reprendre le projet de loi 112, déposé en 2000 par Mario Dumont. Ce projet prévoit l’initiative populaire en matière référendaire.

Il prévoit que, devant une menace de danger pour la nation, si dans 60 jours 500 000 signatures sont réunies, il peut y avoir déclenchement d’un référendum sur la souveraineté, quel que soit le parti au pouvoir. Il suffirait que le PQ ressorte ce projet de loi, et que l’ADQ l’appuie, pour que le Québec, « aujourd’hui et pour toujours, quel que soit la situation des partis politiques », ait la possibilité, en cas de menace, de réagir au moment approprié, et ainsi de placer le Eux dans une situation difficile, l’obligeant à toujours respecter les Québécois, sous risque de provoquer la souveraineté.